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L’Etern-Aile Féminine | Le Lien Urantien — Numéro 57 — Hiver 2011 — Table des matières | La Vie des Maîtres (extraits) |
Le boson de Higgs tient son nom du physicien britannique Peter Higgs. Beaucoup de particules élémentaires sont des bosons, comme par exemple le photon, la particule de la lumière postulée par Einstein. Celui de Higgs s’avère une pièce maîtresse de la théorie qui décrit l’Univers, connue sous le nom de Modèle Standard (MS). Dans le MS, le boson de Higgs — abrégé Higgs -explique pourquoi des particules fondamentales ont des masses. Durant l’été 1964, Peter Higgs et d’autres physiciens postulent qu’il existe un champ qui emplit tout l’espace. Chaque particule acquiert sa masse propre en interagissant avec ce « champ de Higgs ». Celles qui interagissent fortement avec ce champ ont une plus grande masse que celles qui interagissent faiblement, de la même manière qu’une voiture de course aérodynamique pénètre dans l’air plus facilement qu’un bus. Une particule virtuelle, le boson de Higgs, est associée à ce mécanisme. Mais tout cela reste au conditionnel, car pour l’instant, le boson de Higgs n’existe que sur papier.
« Je vois le boson de Higgs comme une porte de sortie du Modèle Standard vers le monde extérieur. Qu’il existe ou non ». John Ellis, physicien au CERN
Le boson de Higgs est cerné. Et s’il n’existait pas ? Sans la particule traquée depuis 46 ans, les physiciens devront ouvrir de nouvelles dimensions.
Construire la machine la plus puissante et la plus complexe du monde pour traquer une particule infime. Et rêver que cette dernière n’existe pas! C’est exactement ce qui traverse cet été la tête de nombre de physiciens. Pourquoi? « C’est la possibilité la plus intéressante, car elle remet en cause la construction théorique bâtie depuis près de cinquante ans. Elle nous obligerait à revoir notre modèle », résume John Ellis, physicien des particules au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire.
C’est qu’avec les premiers résultats fournis par le Grand collisionneur de hadrons (LHC), la fièvre monte. Cette semaine, le gratin de la physique de hautes énergies est réuni à Bombay, où le CERN en profite pour présenter ses dernières trouvailles qui montrent que la quête de la particule minuscule, le boson de Higgs (lire encadré cicontre), se réduit à un champ de plus en plus petit.
En d’autres termes, la particule, si elle existe, a de moins en moins de cachettes pour se terrer. Pour traquer le boson de Higgs, les physiciens cherchent sa masse, dont l’étalon est celle d’un proton. Concrètement, dans deux détecteurs de particules ATLAS et CMS -, ils analysent le résultat des collisions de deux faisceaux de protons circulant à la vitesse de la lumière dans le LHC. « Tout indique maintenant que si le boson de Higgs existe, sa masse se situe entre 114 et 130 GeV », résume John Ellis. Un éventail considérablement réduit grâce au LHC , qui a permis d’exclure formellement une masse comprise entre 145 et 466 GeV (un GeV correspond plus ou moins à la masse d’un proton).
« Cela ne réduit ni n’augmente la probabilité de son existence, précise le physicien. Mais donne une meilleure indication de la région où il faut chercher. » Cet intervalle correspond toutefois à une masse relativement petite, donc plus difficile à détecter.
Mais, « si le boson de Higgs existe, les expériences LHC devront bientôt le trouver. Dans le cas contraire, son absence ouvrira la voie à une nouvelle physique », a encore assuré à Bombay Sergio Bertolucci, directeur de la recherche au CERN. « Le Modèle Standard, la théorie dont nous disposons aujourd’hui, n’explique pas tout, détaille John Ellis. Par exemple, elle ne dit rien sur la matière cachée de l’univers qui constitue en fait 80% de sa masse. Il nous faut de toute façon une théorie plus complète que le Modèle Standard. Je vois le boson de Higgs comme une porte de sortie du Modèle Standard vers le monde extérieur. Qu’il existe ou non. »
Depuis vingt ans, le physicien britannique Stephen Hawking clame que quelque chose ne va pas avec le boson de Higgs. Il y a trois ans, provoquant la consternation d’une partie de la communauté scientifique, il a même parié 100 dollars contre son existence.
Si le père de la théorie des minitrous noirs a raison, deux pistes théoriques s’ouvrent aux physiciens des particules. « La première est que le Higgs n’est pas une particule élémentaire, comme un quark, mais un objet composé, précise John Ellis. Du coup, cela explique qu’il ne se comporte pas comme prévu par le Modèle Standard. »
La seconde théorie est plus intéressante. Elle consiste à abandonner complètement l’idée de l’existence d’un boson de Higgs. « Cela signifierait que quelque chose d’autre interagit avec les particules pour leur donner une masse. Quelque chose qui modifie les conditions à la frontière de l’espace que nous connaissons, en y rajoutant une quatrième ou une cinquième dimension, avance le Cernois. Nous n’avons pas encore détecté de nouvelles dimensions, mais ce sont elles qui pourraient donner une explication sur le fait que certaines particules ont une masse et d’autres non, et le LHC nous donne en principe le moyen de tester cette possibilité. »
La route a été longue, mais on devrait bientôt être fixé sur la question brûlante. En effet, le CERN entend doubler au moins d’ici à la fin de l’année le volume de données fournies jusqu’ici aux expériences. Et « si le LHC continue à fonctionner aussi bien que maintenant, à la fin de 2012 on aura multiplié par 10 le nombre d’événements obtenus jusqu’à présent, précise John Ellis. Il sera alors impossible pour le Higgs de se cacher. »
Qu’il existe ou non, la découverte sera majeure et vaudra bien un Prix Nobel.
Anne-Muriel Brouet
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