© 1999 Dominique Ronfet
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« A propos » de l’apôtre Paul | Le Lien Urantien — Numéro 1 — Hiver 1999 — Table des matières | Mon Ajusteur et moi |
L’idée de cette étude m’est venue suite à une intervention de notre ami Jean Royer sur le forum de discussion électronique. Celui-ci faisait remarquer que certains nombres donnés dans le Livre d’Urantia étaient très étonnants. Par exemple celui approximatif de 187 millions d’ascendeurs présents sur Jérusem (LU 53:7.12) au moment de la rébellion. En prenant comme rapport 619 mondes habités et le nombre de personnes décédées sur Terre en 1990, soit 90 millions (source: Quid 1990) се nombre de 187 millions peut paraître en effet insignifiant. Mon propos n’est pas de lever un inutile débat sur le lieu et le pourcentage des survivants lors de leur ascension ainsi que le taux de réussite à la fusion.
Par contre il me parait très intéressant de s’interroger sur le sens profond de cette décision cruciale qu’est le choix de survivre, et cela à quelque niveau dans l’évolution que nous placions cette décision.
J’utiliserai pour illustrer mes réflexions bien sûr des extraits des Fascicules d’Urantia mais aussi de textes soufis [^1] tels que je les ai découverts à travers l’écrivain Idries Shah.
Le LU nous révèle qu’il n’y a que 2 voies qui peuvent nous faire rater l’éternité : la rébellion volontaire et poussée à ses extrêmes limites ou, tout simplement la décision de refuser la survie.
Par exemple :
Quand la vie matérielle a terminé son cours, si ces enfants du temps n’ont pas choisi la vie ascendante, ou bien s’ils ont nettement pris position contre l’aventure de Havona, la mort met automatiquement fin à leur carrière probatoire. Il n’y a pas de jugement pour de tels cas ; cette seconde mort ne comporte pas de résurrection. Tout se passe simplement pour ces enfants du temps comme s’ils n’avaient pas existé. LU 47:2.7
Si l’on ne tient pas compte de la rébellion cela ne serait simplement qu’une affaire de choix. A priori pas de problèmes, il n’y a pas un jour où nous ne prenions chacun beaucoup de décisions, alors celle concernant un choix aussi vital que la survie…
Mais que penser de tous les gens que nous côtoyons et qui, par ignorance, ne pourront pas décider?
Et puis comment faire la différence entre la décision d’un chat d’aller vers son repas et la mienne de choisir un excellent restaurant ? Quelle valeur donner à mon pouvoir de décision?
Le LU nous dit que ce pouvoir de choix, notre libre-arbitre, est sacré. Qu’il nous appartient en propre grâce au don de personnalité que n’ont pas les animaux.
La vie attribuée aux plantes et aux animaux par les Porteurs de Vie ne retourne pas aux Porteurs de Vie après la mort de la plante ou de l’animal. La vie qui abandonne la créature vivante ne possède ni identité ni personnalité ; elle ne survit pas individuellement à la mort LU 36:6.5
La personnalité de la créature se distingue par deux phénomènes spontanés et caractéristiques des réactions du comportement de mortel : la conscience de soi et le libre arbitre relatif qui lui est associé. LU 16:8.5
Comme disait Rumi* « la vérité c’est le libre-arbitre, le libre-arbitre, le libre arbitre » [^2]
Voilà, mes décisions seraient d’essence absolue puisque qu’elles proviennent d’une source absolue, ma personnalité.
1. La personnalité est cette qualité dans la réalité qui est conférée par le Père Universel lui-même, ou par l’Acteur Conjoint agissant pour le Père. LU 112:0.3
Mais alors comment expliquer le doute, les erreurs… ma personnalité pourrait commettre des bêtises ??
Cela m’amène tout naturellement à me poser une autre question :
Si je reprends le passage précédent sur le libre-arbitre (194.5) nous y trouvons un adjectif qui peut surprendre : relatif. L’auteur nous parle d’un libre-arbitre relatif.
Mais relatif à quoi ?
Le libre arbitre relatif qui caractérise la conscience de soi de la personnalité humaine se trouve engagé dans les cas suivants :
- Décision morale, la plus haute sagesse.
- Choix spirituel, le discernement de la vérité.
- Amour désintéressé, le service fraternel.
- Coopération intentionnelle, la loyauté de groupe.
- Perspicacité cosmique, la compréhension des significations universelles.
- Consécration de la personnalité, la dévotion à faire de tout cœur la volonté du Père.
- L’adoration, quand on poursuit sincèrement les valeurs divines et que l’on aime de tout son cœur le divin Donateur des Valeurs. LU 16:8.7
Bigre ! Alors mon libre-arbitre, mon pouvoir de choix serait en fait uniquement engagé dans de telles dimensions ??!
Mais alors moi qui prend des décisions les plus diverses, de la couleur de mon pantalon à la régulation de ma journée de travail, ce ne serait pas la même personne?
Sommes-nous donc schizophrènes ?
La vérité est sans doute plus nuancée.
P. 112:2.7 nous pouvons lire :
Des fractions du moi peuvent fonctionner de nombreuses façons réfléchir, ressentir, souhaiter — mais seuls les attributs coordonnés de la personnalité entière sont focalisés dans une action intelligente LU 112:2.7
Nous n’aurions donc pas plusieurs centres de décision, mais un centre volatile, si je puis dire, générant des parcelles de notre individu qui cherchent à se cristalliser. A stopper leur remise en question.
Notre personnalité étant comme un point de gravité où se situerait notre moi réel et vers laquelle devra se stabiliser, avec le temps, notre centre de décision.
Mais écoutons ce que peut nous dire le soufisme sur ce sujet :
« Le moi dominant, tyrannique (appelé dans la littérature soufie classique le nafs-i-ammara), se manifeste par des réactions, des espoirs et des peurs, des opinions et des préoccupations variées. Quand son fonctionnement est mis au jour, l’individu lui-même et les autres peuvent observer ses limitations, déformations et singularités.
Ce moi est en fait, dans une large mesure, ce que la plupart imaginent être leur personnalité propre, leur unique moi. Il s’interpose entre la réalité objective et le moi réel (l’essence) de l’individu, dont la réalisation est l’objectif de l’étude soufie. » (I. Shah, Apprendre à apprendre page 37 ).
La phrase ancienne « Connais-toi toimême », reprise par Socrate, peut prendre alors une autre ampleur. Il ne s’agit plus de chercher ses défauts ou de flatter ses qualités mais littéralement de rechercher notre Personnalité afin que notre centre de décision soit correctement placé. Et cette recherche va de pair avec la quête de son créateur.
« Qui se connaît, connaît son Seigneur » (Hadith [^3] du Coran.)
Bien. C’est déjà un peu plus clair. Enfin presque…il faut être…sincère, pas se raconter d’histoires, enfin essayer. Car nous restons d’incorrigibles fabulateurs.
Nous serions rarement au niveau de notre Personnalité, plutôt comme endormis à celle-ci.
Cette dernière essaie pourtant d’unifier ce que je définirais de chaos naissant, l’identité évoluante (LU 112:0.7) « Alors qu’elle est dépourvue d’identité, la personnalité peut unifier l’identité de tout système énergétique vivant ».
Mais alors dans quelle mesure suis-je tenu comme responsable de mes actes ? Ou alors:
Mettons ces 2 extraits en parallèle :
L’homme mortel peut s’approcher de Dieu tout en renonçant maintes et maintes fois à faire la volonté divine, et cela aussi longtemps qu’il conserve le pouvoir de choisir. Sa perte finale n’est pas décidée avant qu’il ait perdu le pouvoir de choisir la volonté du Père. LU 5:1.11
Du fait qu’elle est apparue en réponse à la volonté du Père, la personnalité atteindra une destinée de Déité, mais l’homme doit choisir s’il sera présent ou non à l’aboutissement de cette destinée. A défaut de choix positif, la personnalité atteint directement la Déité expérientielle en devenant une partie de l’Etre Suprême. LU 112:5.2
1ère remarque : il s’agit donc d’une impossibilité « technique » et définitive à faire le bon choix. Comme si nous étions redescendus à un niveau de réaction purement mécanique. Notre centre de décision est définitivement hors du contrôle de notre personnalité.
2ème remarque: notre personnalité en définitive ne perd jamais, elle atteindra la Déité. C’est le rapport entre notre individualité évoluante et notre personnalité qui peut ne pas marcher.
Notre destruction deviendrait donc un état de fait. Nous sommes en dehors de la réalité puisque nous refusons de faire évoluer notre individualité.
Il faut tenter de cerner cette différence entre individualité et personnalité pour comprendre notre problème.
Si la personnalité n’a pas d’identité (LU 112:0.7) il est logique d’en déduire qu’elle ne peut pas se connaître et ne peut pas être connue. Comme nous le rappelle feu M. Henri BEGEMANN (Lien 10) notre personnalité est d’un niveau absolu.
C’est peut-être ainsi que l’altruisme (le vrai, le rarissime, celui de la phrase que la main gauche ne sache pas ce qu’a fait la main droite (LU 140:8.26)) est possible: comment une personnalité qui ne se connaît pas pourrait-elle connaître l’égoïsme, l’orgueil? Elle n’existe que pour le service.
Pour tenter de percevoir ainsi les divers niveaux possibles de réalisation de soi je citerai ce passage extrait de Chercheur de vérité d’Idries SHAH :
DÉFINITIONS
Un homme de bien, c’est quelqu’un qui traite autrui comme il voudrait être traité.
L’homme généreux, c’est celui qui traite les autres mieux qu’il espère être traité.
Le sage, c’est celui qui sait comment lui-même et les autres doivent être traités : de quelle façon et dans quelle mesure.
Le premier exerce une influence civilisatrice.
L’action de l’homme généreux est du domaine de l’affinement et de la diffusion.
L’influence du sage touche au « développement supérieur… ».
« Croire que la bonté ou la générosité sont des fins en soi c’est peut-être une preuve de bonté ou de générosité. Ce n’est certainement pas une attitude fondée sur la connaissance des faits et c’est ce que nous pouvons dire de moins méchant et de plus généreux… »
Ne sommes-nous pas proches du concept d’amour paternel tel qu’il est exposé Fascicule LU 140:5 ?
Faisons en sorte d’accepter que notre individu ait une ambition d’absolu.
Dominique Ronfet
Bibliographie :
« A propos » de l’apôtre Paul | Le Lien Urantien — Numéro 1 — Hiver 1999 — Table des matières | Mon Ajusteur et moi |