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Beaucoup d’ouvrages ont commenté l’œuvre de Paul, principal fondateur, avec les apôtres, de la religion chrétienne.
Paul est né à Tarse en Cilicie tout au début du 1er millénaire. Il est contemporain des apôtres de Jésus et des disciples de Jean le Baptiste qu’il a rencontré et côtoyé. Il appartient à la communauté juive de sa cité d’origine et il jouit de la citoyenneté romaine. Sa famille doit appartenir à la classe dirigeante, cette situation incline à une romanisation progressive exprimée par ses deux noms: Saül est son nom hébraïque et Paul son nom de consonance romaine. Sa première langue est l’araméen qui convient à l’exercice de la théologie hébraïque : c’est un pharisien érudit. Mais c’est en grec qu’il adresse ses lettres aux premières communautés chrétiennes. Il semblerait que deux influences principales aient orienté sa pensée religieuse : celle du mithriacisme, culte dominant dans sa ville natale et celle du stoïcisme. Il exerce le métier de fabricant de tentes afin de survivre au cours de ses nombreux et éprouvants voyages dans tout le bassin méditerranéen.
Les Actes des Apôtres révèlent les événements fondateurs qui ont modelé la vie de Saül de Tarse. A Jérusalem il assiste à la lapidation du grec Etienne par ses persécuteurs juifs. Ce prosélyte de la croyance chrétienne, qui n’est pas membre de la religion juive, s’est heurté aux pratiques traditionnelles du culte hébraïque. Ce premier martyr marque la rupture: la foi nouvelle ne sera plus une secte à l’intérieur du judaïsme.
Le pharisien Saül a perçu la foi, l’audace, le courage extraordinaire d’Etienne qui meurt plutôt que de renier une cause transcendante dont la spiritualité progresse d’une façon inéluctable face aux pratiques religieuses ancestrales et stagnantes.
Sur le chemin de Damas, Saül vit sa propre transfiguration. Son expérience spirituelle est authentique. Sa conversion est soudaine, spectaculaire, différente des lents progrès des chercheurs spirituels classiques. Il devient le serviteur de ceux qu’il voulait détruire par la violence. Il a entendu dans une divine clarté qui l’aveuglera momentanément le « Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu ? ». « Plus tard, Saül devint le dynamique et indomptable Paul, le philosophe, sinon le fondateur de la religion chrétienne » (LU 128:3.6).
Saül resta marqué par son passé de persécuteur. Il écrit à Tite, : « J’agissais par ignorance ». Il déclare à Jérusalem : « J’ai persécuté à mort…chargeant de chaînes, jetant en prison hommes et femmes » (actes 22-4). Dans sa lettre aux Corinthiens, il dit: « Je suis le plus petit des apôtres, indigne de porter ce titre, car j’ai persécuté l’église de Dieu » (1 Co 15-9).
Paul devient serviteur et témoin de la nouvelle foi. Ses frères chrétiens lui font confiance. Les Actes des Apôtres et ses lettres aux églises nouvelles sont le témoignage de son activité missionnaire dans tout l’empire romain. Il obéit aux préceptes: « Allez enseigner les nations » (Mat 28-18/20). Probablement malade ou de faible constitution, médiocre orateur, il voyage dans des conditions difficiles avec l’absence totale de confort propre à l’époque. Il sera plusieurs fois naufragé. Paul s’investit totalement. Il crée les premières communautés chrétiennes du bassin méditerranéen, qu’il enseigne et encourage. Il s’entretient avec Pierre, Jacques et Jean, s’éloigne du judaïsme et devient l’apôtre des païens. Il fuit les persécutions à Jérusalem, il gagne Antioche, ville aux mille prêtresses vouées au culte orgiaque, cité du vice mais paradoxalement fertile en conversions. Il s’attire la méfiance des sanhédrins locaux qui le feront flageller, bâtonner, lapider, chasser. De là, il part pour Antioche de Pisidie, puis Athènes, ville où selon Pétrone, il est plus difficile de rencontrer un homme qu’un dieu. Il va à Iconium, Lystres. Il est malade en Galatie. Il joue un grand rôle à Corinthe, puis à Chypre, l’île d’Aphrodite, où il discourt avec le proconsul Sergius Paulus. Par un long cheminement à travers maux et périls, il traverse l’Asie Mineure, la Grèce où il suscite à la fois enthousiasme et division. Il rencontre et influence Luc, le médecin grec, rédacteur d’un évangile. Il arrive à Ephèse, ville regorgeant de pèlerins venus adorer la déesse Arthémis, contacte Apollos prêchant le baptême de Jean et s’adresse aux stoïciens et épicuriens, mais déclenche la révolte des orfèvres, fondeurs des statues d’idoles. Il fuit vers Troie, Tyr, Ptolémaïs, Césarée, Jérusalem enfin, où il est interrogé et détenu pendant deux ans et demi par le procurateur Félix. Paul en appelle à César, part pour Rome, et au cours du voyage visite les chrétiens de Crète et de Malte. Il semblerait qu’il ait eu aussi une expérience d’ermite au désert selon des sources apocryphes. Sa mission durera un peu plus de vingt ans avant de périr la tête tranchée au cours de son second séjour à Rome, vers l’an 67 selon Eusèbe, à l’époque de Néron et peu après l’incendie de la ville qui déclencha de nouvelles persécutions contre les chrétiens. Peu avant sa mort, il confiera : « tous m’ont abandonné ».
Paul a une foi, un dévouement, un courage, sans mesure. Il a poussé au paroxysme toutes ses possibilités humaines pour créer de solides communautés de croyants. L’œuvre accomplie se soldera par l’élaboration du christianisme dans tout l’empire romain. Mais n’oublions jamais que Paul est, et resta homme du premier siècle, avec les idées philosophiques et les coutumes religieuses de cette époque. Citons certaines influences qu’il a subies :
Le judaïsme — Avant sa destruction en l’an 70, le temple de Jérusalem fonctionne comme une véritable institution monarchique. Il redonne une unité aux religions tribales. Dans son enceinte se déroulent les fêtes saisonnières, dont la Pâques, en souvenir de la sortie du peuple d’Egypte. Les repas sacrificiels, les processions, les diverses offrandes, sont ordonnés par un clergé avide et puissant. Abraham et Moïse sont vénérés comme fondateurs, prophètes et libérateurs. Ils rappellent les exigences du décalogue déposé dans l’arche de l’alliance du temple où le dieu d’Israël réside en gloire. Cette religion méprise la moitié de l’humanité car on lit dans la Torah: « mieux vaut brûler la parole de la loi que la confier à une femme ».
Le stoïcisme — c’est une vision du monde systématisée par des paradoxes. A ce sujet, le philosophe Zénon écrit : « la sagesse est la science des choses divines et humaines ». Platon conseille « une vie conforme à la vertu en accord avec la nature », et évoque une théologie cosmique. Sénèque suggère une proximité entre Dieu et le sage, homme de bien. Epictète instaure un véritable dialogue entre le juste croyant et le Dieu qui l’accueillera à sa mort. Un hymne aux dieux, comprenant Zeus maître de l’Univers, les assimile aux puissances naturelles et réalise unité et communion du cosmos avec l’homme qui détient une parcelle du logos.
Philon d’Alexandrie — ce philosophe juif de formation hellénistique, contemporain de Jésus, a fait une synthèse entre la tradition judaïque et les philosophies grecques. Il considère Abraham et Moïse comme l’idéal des rois et prophètes. C’est un éclectique qui mêle platonisme, stoïcisme et pythagorisme dans une doctrine qui instaure un dialogue entre l’Etre Divin et les réalités terrestres. Il influencera des épîtres de Paul et la pensée johannique.
Culte des mystères, Mithra — c’est une religion initiatique réservée aux hommes. Le mystère se célèbre sous des voûtes ou des espaces souterrains. Les initiés partagent un repas rituel de pain et de vin. C’est un syncrétisme gréco-iranien aux trois dieux Apollon, Hélios et Hermès. Les thèmes mélangent fécondité, astrologie et culte du héros à la naissance miraculeuse.
Culte de la mère — Ce culte subsiste en Crète au début du premier millénaire. Il sera incorporé à la religion chrétienne sous prétexte de rendre un culte à Marie, mère terrestre de Jésus.
Les textes attribués à Paul ont été déclarés fondateurs, canoniques, par plusieurs conciles de l’église primitive. Paul fait une tentative louable pour rendre l’évangile plus acceptable aux adeptes des anciennes religions, mais il incorpore au christianisme des éléments qui sont totalement étrangers à l’évangile de Jésus.
Le Livre d’Urantia en LU 196:2.1-2, « Paul incorpore ses propres vues théologiques, décrit son expérience, ses convictions religieuses personnelles…, mais perd de vue le Jésus humain qui par sa foi, avec son Ajusteur, s’élève de la condition humaine à la divinité ».
Pourtant, Paul fonde un culte plus élevé, plus spirituel que les cultes païens antérieurs. Il renonce « aux rites magiques, aux enchantements cérémoniels, mais trébuche sur la doctrine du rachat, n’entrevoit pas l’Ajusteur, théorise le péché originel, les doctrines de culpabilité héréditaire, du mal inné, de sa Rédemption dont l’origine est partiellement mithriaque » (LU 121:5.14).
Paul subit l’influence des grecs romanisés qui « apportent leurs convictions philosophiques, coordonnent les idées, systématisent les idéaux. » (LU 195:2.5).
Le rituel chrétien sera copié sur celui des synagogues. Le culte des mystères, spécialement celui de Mithra et le culte à l’empereur ajouteront l’apparat des cérémonies païennes à la nouvelle religion « à propos de Jésus ».
Soulignons l’influence personnelle de Paul sur les problèmes de renoncement, d’ascèse, de continence et de la place de la femme dans la société. On relève dans sa lettre aux chrétiens de Corinthe « Il est bon pour un homme de ne pas toucher de femme…, je dis donc aux célibataires et aux veuves de demeurer comme moi…, que les femmes se taisent dans les assemblées » (1 Co, 7 à 14). « Je ne permets pas à la femme d’enseigner » (Ti, 2-12). Il favorise ainsi la création de castes sacerdotales composées de prêtres célibataires, prémices du futur ordre médiéval et inquisiteur. Ainsi, « L’église, ombre socialisée et humanisée, supplante le concept spirituel du Royaume vécu et enseigné par Jésus » (LU 170:5.6).
Que dire du paradoxe de Paul. Nous avons relevé, dans Le Livre d’Urantia, un passage fondamental qui mérite réflexion: « Paul ne songeait guère que ses lettres bien intentionnées à ses convertis seraient plus tard considérées par des chrétiens comme la parole de Dieu…, des éducateurs de bonne volonté, comme lui, ne doivent pas être tenus pour responsables de l’usage que des successeurs venus bien plus tard auront fait de leurs écrits. » (LU 98:7.9).
A nous d’envisager le futur avec une organisation souple et d’indispensables coordonnateurs qui rendront possibles notre besoin de partage et d’amour fraternel. Proscrire tout interdit ou directives humaines est la source de divergences certaines. L’essentiel est de ne pas oublier cet Homme-Dieu qui efface toutes traces de lui-même après son passage sur terre, mais qui maintient une ineffable présence, une densité spirituelle, une proximité intime en chacun de ceux qui le veulent bien. Souvenons-nous de ce que Jésus a écrit sur le sable, de ce qu’il a dit à la Cananéenne, de sa présence pour défendre la femme faussement accusée d’adultère. A Bethsaïde s’adressant à Jean il dit: « Dieu habite en toi, il est devenu ce que tu es, pour faire de toi ce qu’Il est ». (LU 148:6.10)
Un extrait du chapitre du Livre d’Urantia en LU 194:3.15, nous servira de conclusion: « la mère et un frère de Jésus se trouvaient parmi les 180 croyants ayant reçu l’Esprit de Pentecôte qui marqua la fin de toute prêtrise ou différentiation de sexe, de caste et de distinction raciale ».
A Paul le dernier mot « Là où se trouve l’Esprit du Seigneur, là est la liberté ».
Raymonde et Jean Davier
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