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Carolyn Kendall parle d'histoire le facteur Temps | Le Lien Urantien — Numéro 28 — Hiver 2003 — Table des matières | Le Facteur 100 ou les 757 575 ans qui nous séparent (peut être) du Paradis |
Ce texte est un condensé du discours présenté le 9 août 2003 au Congrès Urantia du Canada, et essaie de donner, à partir de la Vie de Jésus du Livre d’Urantia, un mode d’emploi de la vie, conciliant notre soif de spirituel avec nos contraintes matérielles.
Jésus n’est pas venu sur terre pour nous imposer quoi que ce soit, mais pour vivre sa vie au mieux, et par là nous montrer un chemin, créer un haut idéal et inspirer ainsi, et en douceur, un art de vivre fondamentalement novateur, à un monde alors assailli par le mal.
Et pourtant, sa vie a été des plus difficiles : « nul jeune homme d’ Urantia n’a ou n’aura jamais eu à traverser plus de conflits éprouvants ou de difficultés pénibles que lui » (LU 127:0.2). Ainsi, dès l’âge de 14 ans, après avoir perdu son père Joseph, il dût subvenir d’abord comme charpentier aux besoins de sa nombreuse famille. Il eut à connaître l’humilité, la pauvreté la plus grande, le sens du devoir, de la discipline, de la responsabilité et de la solidarité familiale. Par la suite, il vécut essentiellement comme instructeur, tout aussi pauvrement, comme un nomade sans domicile fixe. Et il termina son existence, crucifié comme le pire des criminels.
Et pourtant, Jésus respirait l’harmonie et la sérénité. Il était d’un dynamisme galvanisant et d’un enthousiasme illimité. Il était d’un immense charisme, et malgré les vicissitudes qu’il endurait, répandait autour de lui le bien, le réconfort, l’amour. C’est dans cette contradiction apparente entre une vie matérielle stressante et un comportement rayonnant de force tranquille, qu’il faut chercher l’art de vivre de Jésus.
Comment Jésus a-t-il réussi à montrer, dans un environnement aussi difficile, un grand art de vivre? Il nous dit que pour bien agir dans la vie, il faut avant tout être droit: Dans le royaume, il faut d’abord être droit, par la foi, avant de faire juste (LU 140:10.1).
Or, pour beaucoup, notre être a été, dès notre plus jeune âge, l’objet de multiples conditionnements nous obligeant à ceci, nous interdisant cela, nous amenant à agir de façon programmée selon les circonstances. Nous avons été dès lors, en quelque sorte identifiés, par exemple au rôle, au métier, ou à la fonction que la famille ou que la société nous a affectés. Mais quand ce rôle disparaît, l’être s’écroule. Et nombreux sont alors les cas de désespoir, de dépression, de drames. Ceci parce que notre société met trop en avant ce que fait l’homme, son statut social, sa fortune, etc, et non ce qu’il est, ses valeurs profondes. Jésus remet les choses à leur place en privilégiant l’être avant sa fonction.
Il nous enseigne en effet qu’il y a deux réalités auxquelles nous ne pouvons échapper: Dieu et nous-mêmes. Où que nous allions, nous nous emmenons nousmêmes, et nous emmenons Dieu, qui est en nous. N’essayons donc pas de nous tromper et faisons face à cette double réalité de notre être. Et puisque nous avons la chance d’avoir toujours Dieu en nous, sous la forme de son Ajusteur, ayons le désir de nous associer à lui pleinement, car cette association de nous-mêmes à Dieu est naturelle: c’est le don de filiation spirituelle, qui vient compléter et anoblir notre filiation matérielle issue d’un père mortel.
Mais comment faire vivre en nous cette filiation à Dieu le Père? Tout d’abord en nous ouvrant à lui, par notre cœur et notre esprit, puis en comprenant que nous sommes ses enfants, enfin en prenant conscience de son existence en nous, tout autour de nous. Ce processus peut être difficile, et nous amener à accepter que les sécurités matérielles et temporelles sont vulnérables et transitoires, alors que les réalités spirituelles sont invulnérables et éternelles. Il peut nous entraîner très loin puisque « pour celui qui connaît Dieu et croit au Royaume, qu’importe si toutes les choses terrestres se brisent » (LU 100:2.7). Dès lors que cette prise de conscience est établie, Dieu se remet à exister pour nousmêmes et en nous-même, mais cette fois-ci, contrairement à ce que nous vivions quand nous étions enfant, nous comprenons ce que cela signifie. En plus d’être nés matériellement, nous sommes donc nés maintenant spirituellement, et ce parce que nous l’avons désiré. Nous sommes nés à nouveau.
Étant dès lors re-liés au Père, nous pouvons chercher à nous harmoniser à lui, et faire en sorte, comme Jésus nous le propose, de l’aimer, comme un fils aime tout naturellement son père. Car de même que l’amour est le sentiment le plus répandu entre nous humains, de même, dans l’univers des univers, l’amour est la relation suprême, la plus grande des réalités spirituelles. Cela veut aussi dire que nous nous re-lions à Dieu notre Père par la foi, que nous avons désormais à tout moment entière confiance en lui. Cette relation de filiation, d’amour et de foi signifie enfin que le Père, comme un père humain, de son côté nous écoute et nous aide, si nous voulons bien nous adresser à lui, et que lui aussi nous fait confiance. Notre être s’est redressé vers Dieu, est re-devenu droit, candidement, comme lorsque nous étions enfants.
Dans cette relation de filiation, le petit enfant que nous sommes par rapport à Dieu se bâtit, s’épanouit, se renforce par la foi que nous avons en lui, et s’affranchit par la force que celle-ci lui apporte. Et cette force repousse nos pensées fausses, négatives, nos préjugés, blocages, refoulements, stress et anxiétés. A ce sujet, Jésus dit à Jean et Jacques: « Ne vous occupez pas des choses qui entretiennent votre anxiété, mais plutôt de faire la volonté du Père » (LU 137:1.6). Son mot de passe est: « N’ayez aucune crainte ». Ainsi, la foi générée par notre filiation à Dieu, nous libère, libère l’activité supra-humaine divine qui réside dans notre mental d’humain. En libérant les forces spirituelles en nous, la foi nous guérit: « Ta foi t’a guérie » dit Jésus à Véronique qu’il vient de sauver (LU 152:0.3).
Nous sommes aussi issus de l’évolution animale et en avons hérité une domination quasi-complète sur notre mental des modèles énergétiques et des forces chimiques propres à notre ordre d’humains. Selon Urantia « peu de mortels sont de réels penseurs, et peuvent développer et discipliner leur mental jusqu’ à favoriser une liaison avec le divin Ajusteur en nous » (LU 110:7.6). De plus, nous dépendons de nos instincts de base et de nos envies animales car « avant la re-naissance de l’esprit, l’homme est sujet aux mauvais penchants inhérents à sa nature. » (LU 148:4.6). Et si ces penchants ne peuvent être changés fondamentalement, nos réactions à ces tendances peuvent être améliorées grâce à notre union à Dieu par la filiation vécue. Dans un caractère fort, les réactions émotives sont intégrées et coordonnées, ce qui produit une personnalité unifiée (LU 140:4.8). Dans ce sens, Jésus nous propose de substituer à nos tentations des lignes de conduite supérieures et idéalistes, et ce sans conflits intérieurs déprimants, doucement. (LU 156:5.6).
Enfin notre nature nous entraîne à l’indolence et à prendre pour argent comptant les morales, idéologies ou croyances qui nous promettent le paradis contre l’acceptation passive de leurs règles de vie. La relation de filiation divine nous permet de nous libérer aussi de ces embrigadements, et en nous confortant dans notre libre-arbitre, nous pousse, à nous exprimer, à nous réaliser dans la fonction de création dont Dieu nous a doté, bref, à faire juste.
L’environnement politique et social actuel ne nous incite pourtant pas à agir avec justesse. Attisés par la convoitise, l’avidité ou la soif de pouvoir, soumis à leurs instincts les plus bas, beaucoup continuent à déclencher des guerres et des dommages sans fin. Pour lutter contre, les religions et autres institutions ont chacune défini leur conception du bien et mis en place, tout un carcan de règles de morale, de traditions et de cérémonies, que chacune défend becs et ongles, en écrasant parfois au passage les individus.
Au début de son enseignement, Jésus a proposé de simplifier tout ça en disant que la totalité du devoir des hommes est résumée dans un seul commandement: « Aime le Seigneur ton Dieu de toute ta pensée, de tout ton coeur et de toute ton âme, et aime ton prochain comme toimême. » (LU 163:4.8). Et il a suggéré de le mettre en pratique en appliquant comme règle de vie de « faire aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent », qu il a améliorée par la suite en la recommandation de « faire aux autres ce que nous concevons que Dieu leur ferait » (LU 147:4.9), formule qui a l’immense avantage d’englober de façon ramassée les deux concepts fondamentaux de Paternité spirituelle et de fraternité humaine.
Car dans la vie de l’époque comme dans la vie actuelle, le plus gros problème est de discerner le bien du mal, le vrai du faux, de faire le bon choix, certains actes décidés au nom du bien pouvant déboucher sur le mal, par suite de circonstances non prévues, de l’ignorance, d’une analyse insuffisante, etc. Pour faire le bon choix, il faut bien sûr s’appuyer sur son expérience, sa raison, et une morale sans faille. Mais pour Jésus, il faut aussi mettre notre vécu quotidien au diapason de la volonté du Père. Selon Urantia, ceci n’est pas un abandon, mais plutôt une expansion, une glorification de notre volonté. Ce n’est pas non plus une négation de celle-ci, mais une affirmation: « C’est ma volonté que ta volonté soit faite ». (LU 111:5.6).
Pour connaître la volonté du Père, Jésus avait l’habitude quasi permanente de prier, puis nous dit le livre d’Urantia, de « rester quelque temps dans un recueillement silencieux pour donner à l’esprit intérieur les meilleures chances de parler à l’âme attentive. Car c’est au moment ou la pensée humaine est dans une attitude d’adoration que l’esprit du Père parle le mieux aux hommes. » (LU 146:2.17). C’est ce qu’il nous faut essayer de pratiquer. Beaucoup appliquent cette technique de prière-adoration, en particulier à travers la méditation, ce qui a en plus l’avantage d’apporter énergie et détente. Plus précisément, « la prière peut être comparée à une recharge des batteries spirituelles de l’âme, et l’adoration à la synchronisation de l’âme pour capter les communications de l’esprit du Père » (LU 144:4.8).
Jésus avait aussi l’habitude de se retirer seul dans la montagne pour être encore plus près du Père lorsqu’il avait à prendre des décisions importantes.
Et une fois le choix fait, sur quels critères nous fonder après, pour être sûrs que nous ne nous sommes pas trompés? Après coup, l’on peut considérer qu’ « une expérience est bonne quand elle élève l’appréciation de la beauté, accroît la volonté morale, rehausse le discernement de la vérité, développe l’aptitude à aimer et servir, exalte les idéaux spirituels, et unifie les suprêmes mobiles humains avec les plans éternels de votre Ajusteur intérieur » (LU 132:2.5).
Jésus mettait autant d’entrain à enseigner qu’à vivre ses enseignements en manifestant partout ses talents et ses qualités dans un grand dévouement au service de ses prochains, sous toutes les formes possibles, allant du conseil utile et réconfortant, à la guérison.
Pour lui, l’essentiel de la vie repose sur les relations avec les autres et avec Dieu. Pour le Livre d’Urantia, seules comptent les relations entre personnalités car « bien des expériences matérielles disparaîtront comme d’anciens échafaudages ayant servi de ponts pour passer au niveau morontiel et n’ayant désormais plus d’utilité. Mais la personnalité et les relations entre personnalités ne sont jamais des échafaudages; la mémoire humaine des relations de personnalités a une valeur cosmique et persistera ». (LU 112:5.22).
Jésus nous a montré la voie. Petit, il a vécu comme un frère amical et attentif. Quand il lui a fallu, tout jeune, remplacer son père Joseph, il appris à devenir aussi un père aimant. Pour ses sept frères et sœurs, il était le « père-frère » qui les élevait et les guidait le mieux possible. De plus, il a fréquenté dès son plus jeune âge de nombreuses personnes d’origines diverses, a été confronté à de multiples situations et expériences, et a beaucoup voyagé. C’est ainsi qu’il a vite compris que le plus important dans la vie, après notre filiation au Père, était notre relation de fraternité avec notre frère, l’homme. Il était d’une considération et d’un respect constants pour tous les êtres humains, de quelque race ou statut social qu’ils soient. Il fut le premier à dire que l’on devait accorder aux femmes des droits égaux à ceux des hommes, et en recruta comme évangélistes au même niveau que les hommes. Il pardonnait à ses ennemis, et n’opposait pas de résistance à l’agression. Il n’accusait pas le pêcheur, mais condamnait le péché.
« Il fut un instructeur positif de la vraie vertu et évita donc soigneusement la méthode négative consistant à distribuer des directives. Il n’était pas un réformateur moral ». (LU 140:8.21). Et ses rares condamnations étaient dirigées contre l’orgueil, la cruauté, l’oppression et l’hypocrisie. Il prodiguait tact et tolérance, une bonté active et spontanée, un amour naturel, « et il étendait la notion de voisinage au point d’y inclure tous les êtres humains, sans distinction » (LU 140:8.11).
Dans la vie civile, Jésus recommandait d’être prudents et discrets, allant jusqu’à dire : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu » (LU 140:8.9). Il était partisan d’une évolution progressive de la société, et non d’une révolution militante. Jésus n’était pas un sociologue et respectait les lois et les règles civiles. Sa plus proche déclaration sociologique fut de dire: « Ne jugez pas, afin de ne pas être jugés » (LU 140:8.12). Il disait à ses apôtres: « soyez aussi prudents que des serpents et aussi inoffensifs que des colombes. » (LU 140:8.13).
Sa philosophie sociale était centrée sur la famille, cellule de base de la société. « Il loua la vie de famille comme étant le plus haut devoir humain, mais fit comprendre que celle-ci ne devait pas interférer avec les obligations religieuses. Il enseigna une nouvelle et plus large confraternité des hommes, celle des fils de Dieu » (LU 140:8.14)
Dans ce sens, peu avant l’ acte d’amour suprême de la crucifixion, il harmonisa sa parole à ses gestes en donnant, comme résultante de ses enseignements précédents et de toute sa vie terrestre, son nouveau commandement: « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (LU 180:1.1).
Si Jésus était sur terre aujourd’hui, il refuserait certainement de prendre parti dans les disputes politiques, sociales ou économiques actuelles. Il resterait sans doute sur la réserve en nous demandant avant tout de perfectionner notre vie intérieure pour nous rendre plus à même de résoudre nos problèmes humains.
Et l’on pourrait dire, pour résumer, que l’application de son enseignement au niveau de notre manière de vivre, consiste plutôt à exprimer au mieux l’expérience spirituelle intérieure de notre être, une fois celui-ci décidé à faire la volonté du Père, en particulier en manifestant une adoration sincère de Dieu et un service aimant à nos prochains.
Hubert Gallet
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