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Fascicule 151. Séjour et enseignement au bord de la mer |
Table des matières
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Fascicule 153. La crise à Capharnaüm |
152:0.1 L’HISTOIRE de la guérison d’Amos, l’aliéné de Khérésa, s’était déjà répandue à Bethsaïde et à Capharnaüm, de sorte qu’une grande affluence attendait Jésus lorsque son bateau accosta ce mardi matin. Dans cette foule, se trouvaient les nouveaux observateurs envoyés à Capharnaüm par le sanhédrin de Jérusalem pour trouver un motif d’arrêter et d’inculper le Maitre. Tandis que Jésus parlait avec les gens qui s’étaient rassemblés pour l’accueillir, Jaïre, l’un des chefs de la synagogue, se fraya un passage dans la foule, tomba à ses pieds, le prit par la main et lui demanda de l’accompagner en toute hâte en lui disant : « Maitre, ma petite fille, une enfant unique, est couchée chez moi à l’article de la mort. Je te supplie de venir la guérir. » Quand Jésus entendit la requête de ce père, il lui dit : « Je vais t’accompagner. »[1][2][1]
152:0.2 Tandis qu’il s’en allait avec Jaïre, la multitude, qui avait entendu la supplique du père, les suivit pour voir ce qui allait se passer. Un peu avant leur arrivée à la maison du dirigeant, et alors qu’ils passaient rapidement dans une rue étroite où la foule les bousculait, Jésus s’arrêta soudain en s’écriant : « Quelqu’un m’a touché. » Et, quand les personnes proches de lui nièrent de l’avoir touché, Pierre dit : « Maitre, tu peux voir que cette foule te presse ; elle risque de nous écraser, et cependant tu dis que quelqu’un t’a touché. Que veux-tu dire ? » Alors Jésus dit : « J’ai demandé qui m’a touché, car j’ai perçu qu’une énergie vivante était sortie de moi. » Il regarda autour de lui, et ses yeux tombèrent sur une femme, près de lui, qui s’avança, s’agenouilla à ses pieds et dit : « Durant des années, j’ai été affligée d’une hémorragie épuisante. De nombreux médecins m’ont fait beaucoup souffrir ; j’ai dépensé tout ce que je possédais, mais aucun n’a pu me guérir. Puis j’ai entendu parler de toi et j’ai pensé que, si je pouvais seulement toucher le bord de ton vêtement, je serais guérie. Alors, j’ai progressé dans la foule pendant qu’elle avançait jusqu’à ce que j’aie pu approcher de toi, Maitre, et j’ai touché le bord de ton vêtement ; cela m’a rendue bien portante ; je sais que j’ai été guérie de mon affliction[1]. »
152:0.3 En entendant cela, Jésus prit la femme par la main, la releva et dit : « Ma fille, ta foi t’a guérie ; va en paix. » C’était sa foi et non le contact qui l’avait guérie[2]. Ce cas est un bon exemple des guérisons apparemment miraculeuses qui émaillèrent la carrière terrestre de Jésus, mais qui, en aucun sens, ne résultèrent d’un acte conscient de sa volonté. La suite des temps prouva que cette femme était réellement guérie de sa maladie. Sa foi était d’une nature qui lui permettait de saisir directement le pouvoir créateur résidant dans la personne du Maitre. Avec la foi qu’elle avait, il lui était seulement nécessaire de s’approcher de la personne du Maitre. Il n’était nullement nécessaire qu’elle touchât son vêtement ; ce contact représentait simplement la partie superstitieuse de sa croyance. Jésus fit venir devant lui cette femme de Césarée de Philippe, appelée Véronique, pour corriger deux erreurs susceptibles de demeurer dans son mental ou de subsister dans celui des témoins de cette guérison. Il ne voulait pas que Véronique s’en allât en pensant que sa peur, en tentant de dérober sa guérison, avait porté des fruits, ou que cette guérison était due au fait d’avoir superstitieusement touché son vêtement. Jésus désirait faire savoir à tout le monde que c’était la foi pure et vivante de Véronique qui avait opéré la guérison.[3][4]
152:1.1 Bien entendu, ce retard pour se rendre chez lui avait terriblement impatienté Jaïre, de sorte que le groupe se remit en marche à une allure accélérée. Avant même qu’ils ne fussent entrés dans la cour de la maison de ce dirigeant, l’un de ses serviteurs sortit en disant : « Ne dérange pas le Maitre ; ta fille est morte. » Mais Jésus ne parut pas prêter attention aux paroles du serviteur ; emmenant Pierre, Jacques et Jean, il se tourna vers le père désolé et lui dit : « N’aie aucune crainte, crois seulement. » En entrant dans la maison, il vit que les joueurs de flute étaient déjà là avec les pleureurs et faisaient un tapage indécent ; déjà la famille s’était mise à pleurer et à se lamenter. Quand il eut fait sortir de la pièce tous les pleureurs, il y entra avec le père, la mère et ses trois apôtres. Il avait dit aux pleureurs que la jeune fille n’était pas morte, mais ils s’étaient moqués de lui. Jésus s’adressa alors à la mère en lui disant : « Ta fille n’est pas morte ; elle dort seulement. » Quand l’agitation dans la maison fut calmée, Jésus s’approcha de l’enfant étendue, la prit par la main et lui dit : « Ma fille, je te le dis, réveille-toi et lève-toi. » Et, lorsque la jeune fille entendit ces paroles, elle se leva immédiatement et traversa la chambre[3]. Puis, après qu’elle se fut remise de son étourdissement, Jésus demanda qu’on lui donne à manger, car elle était restée longtemps sans prendre de nourriture.[5]
152:1.2 Il y avait beaucoup d’agitation à Capharnaüm contre Jésus. Il réunit donc la famille et expliqua que la fillette était tombée dans le coma à la suite d’une longue fièvre, qu’il s’était borné à la réveiller et qu’il ne l’avait pas ressuscitée d’entre les morts. Il expliqua la même chose à ses apôtres, mais ce fut en vain. Ils crurent tous qu’il avait ressuscité la fillette d’entre les morts. Tout ce que Jésus pouvait dire dans ces cas de miracles apparents avait peu d’effet sur ses disciples[4]. Ils espéraient des miracles et ne manquaient aucune occasion d’attribuer un nouveau prodige à l’action de Jésus. Le Maitre et les apôtres retournèrent à Bethsaïde après que Jésus leur eut spécifiquement recommandé de ne raconter cet épisode à personne.[6]
152:1.3 Lorsqu’il sortit de la maison de Jaïre, deux aveugles, conduits par un garçon muet, le suivirent en réclamant à grands cris d’être guéris[5]. À ce moment, la renommée de Jésus en tant que guérisseur était à son apogée. Partout où il allait, les malades et les affligés l’attendaient[6]. Le Maitre paraissait maintenant très fatigué, et tous ses amis se faisaient du souci, de crainte qu’en continuant à enseigner et à guérir, il n’aille au bout de ses forces et ne s’effondre.[2]
152:1.4 Les apôtres de Jésus, sans parler des gens du peuple, ne pouvaient comprendre la nature et les attributs de cet homme-Dieu. Nulle génération ultérieure n’a d’ailleurs été capable d’évaluer ce qui se passa sur terre dans la personne de Jésus de Nazareth. Jamais la science ni la religion n’auront l’occasion de contrôler ces évènements remarquables, pour la simple raison que cette situation extraordinaire ne pourra plus jamais se reproduire sur cette planète ni sur aucune autre de Nébadon. Jamais plus, sur aucun monde de tout cet univers, un être n’apparaitra dans la similitude de la chair mortelle, en incorporant en même temps tous les attributs de l’énergie créatrice conjugués avec les dons spirituels qui transcendent le temps et la plupart des autres limitations matérielles.
152:1.5 Jamais avant que Jésus n’ait séjourné sur terre, et jamais depuis lors, il n’a été possible d’obtenir d’une manière aussi directe et évidente les résultats accompagnant la foi solide et vivante des mortels des deux sexes. Pour répéter ces phénomènes, il nous faudrait retourner en présence immédiate de Micaël, le Créateur, et le trouver tel qu’il était à cette époque — le Fils de l’Homme. De même, aujourd’hui, alors que son absence empêche de telles manifestations matérielles, il faut s’abstenir de limiter en quoi que ce soit la démonstration possible de son pouvoir spirituel. Bien que le Maitre soit absent en tant qu’être matériel, il est présent dans le cœur des hommes en tant qu’influence spirituelle. En quittant ce monde, Jésus a permis à son esprit de vivre aux côtés de celui de son Père, qui habite le mental de tout homme.[4]
152:2.1 Jésus continua à enseigner le peuple durant la journée et à instruire les apôtres et les évangélistes dans la soirée. Le vendredi, il annonça une semaine de congé pour permettre à tous ses disciples d’aller passer quelques jours chez eux ou chez leurs amis avant de se préparer à monter à Jérusalem pour la Pâque. Mais plus de la moitié de ses disciples refusèrent de le quitter, et la foule s’accrut chaque jour au point que David Zébédée voulut établir un nouveau campement, mais Jésus refusa d’y consentir. Le Maitre avait eu si peu de repos durant le sabbat que, le dimanche matin 27 mars, il chercha à s’éloigner de la foule. Quelques évangélistes furent laissés en arrière pour parler à la multitude, tandis que Jésus et les douze projetaient de s’échapper sans être aperçus et d’aller sur la rive opposée du lac, où ils pensaient trouver, dans un magnifique parc au sud de Bethsaïde-Julias, le répit dont ils avaient tant besoin. La région était un lieu de promenade favori pour les habitants de Capharnaüm, qui connaissaient bien ces parcs de la rive orientale.[2][7]
152:2.2 Mais la foule ne l’entendit pas ainsi. Les intéressés virent la direction que prenait le bateau de Jésus, louèrent toutes les barques disponibles et se lancèrent à sa poursuite[7]. Ceux qui ne purent trouver de bateau partirent à pied en contournant l’extrémité nord du lac.[2][5]
152:2.3 Tard dans l’après-midi, plus de mille personnes avaient repéré le Maitre dans l’un des parcs. Il leur parla brièvement et Pierre le relaya. Beaucoup de ces gens avaient apporté de la nourriture. Ils prirent leur repas du soir, puis s’assemblèrent par petits groupes tandis que les apôtres et les disciples de Jésus les enseignaient.
152:2.4 Le lundi après-midi, la multitude s’était accrue. Elle comptait maintenant plus de trois-mille personnes et pourtant — tard dans la soirée — il continuait d’en arriver qui amenaient avec elles toutes sortes de malades. Des centaines de personnes intéressées avaient établi leurs plans pour s’arrêter à Capharnaüm afin de voir et d’entendre Jésus en cours de route en se rendant à la Pâque. Et ils ne voulaient à aucun prix être déçus. Le mercredi à midi, près de cinq-mille hommes, femmes et enfants s’étaient rassemblés là dans ce parc au sud de Bethsaïde-Julias. Le temps était agréable, car la fin de la saison des pluies approchait dans cette région.
152:2.5 Philippe s’était procuré des provisions pour nourrir Jésus et les douze pendant trois jours ; il en avait confié la garde au jeune Marc, leur factotum. Cet après-midi était la troisième journée de présence pour la moitié de la foule, et les provisions de bouche que les gens avaient apportées étaient presque épuisées. David Zébédée n’avait pas ici de ville de toile pour loger et nourrir les foules. Philippe n’avait pas non plus fait de provisions pour une si grande multitude. Mais, bien que les gens eussent faim, ils ne voulaient pas s’en aller. On chuchotait que Jésus, désireux d’éviter les difficultés à la fois avec Hérode et avec les dirigeants de Jérusalem, avait choisi ce lieu hors de la juridiction de ses ennemis comme endroit convenable pour être couronné roi. L’enthousiasme de la foule croissait d’heure en heure. On ne disait rien à Jésus, mais, bien entendu, il savait tout ce qui se passait. Même les douze apôtres, et spécialement les jeunes évangélistes, avaient les idées faussées par de telles notions. Les apôtres qui favorisaient cette tentative pour proclamer Jésus roi étaient Pierre, Jean, Simon Zélotès et Judas Iscariot. Ceux qui s’opposaient au plan étaient André, Jacques, Nathanael et Thomas. Matthieu, Philippe et les jumeaux Alphée étaient neutres. Le meneur du complot pour couronner Jésus était Joab, l’un des jeunes évangélistes.[2]
152:2.6 Telle était la situation, le mercredi après-midi vers cinq heures, lorsque Jésus demanda à Jacques Alphée de convoquer André et Philippe. Jésus leur dit : « Qu’allons-nous faire de la multitude ? Ces gens sont avec nous depuis trois jours, et beaucoup d’entre eux ont faim. Ils n’ont pas de vivres[8]. » Philippe et André échangèrent un coup d’œil, puis Philippe répondit : « Maitre, tu devrais les renvoyer pour qu’ils aillent dans les villages des environs s’acheter de la nourriture. » André craignant que le complot pour instituer un roi ne prenne corps ; appuya donc rapidement Philippe en disant : « Oui, Maitre, je crois qu’il vaut mieux que tu renvoies la foule afin qu’elle aille son chemin et achète des vivres pendant que tu prendras un peu de repos. » Pendant ce temps, d’autres apôtres parmi les douze s’étaient joints à l’entretien. Jésus dit alors : « Mais je ne désire pas les renvoyer affamés ; ne pouvez-vous les nourrir ? » C’en fut trop pour Philippe qui s’écria : « Maitre, ce lieu en pleine campagne est-il un endroit où nous pouvons acheter du pain pour cette foule ? Avec deux-cents deniers nous n’en aurions pas assez pour un repas. »[1]
152:2.7 Avant que les autres apôtres n’aient eu la possibilité de s’exprimer, Jésus se tourna vers André et Philippe en disant : « Je ne veux pas renvoyer ces gens. Ils sont là telles des brebis sans berger, et je voudrais les nourrir. De quoi disposons-nous comme nourriture ? » Tandis que Philippe s’entretenait avec Matthieu et Judas, André chercha le jeune Marc pour vérifier ce qui restait de leurs provisions. Il revint vers Jésus en disant : « Il ne reste au garçon que cinq pains d’orge et deux poissons séchés » — et Pierre ajouta promptement : « Et il faut encore que nous mangions ce soir. »[9]
152:2.8 Pendant un moment, Jésus resta silencieux. Il y avait dans ses yeux un regard lointain. Les apôtres ne disaient rien. Jésus se tourna soudain vers André et dit : « Apporte-moi les pains et les poissons. » Lorsqu’André lui eut apporté le panier, le Maitre dit : « Ordonne aux gens de s’assoir sur l’herbe par compagnies de cent, et de désigner un chef par groupe pendant que tu amènes tous les évangélistes auprès de nous[10]. »
152:2.9 Jésus prit les pains dans ses mains et rendit grâces. Après quoi, il rompit le pain et en donna à ses apôtres, qui le passèrent aux évangélistes, lesquels à leur tour le portèrent à la multitude. Jésus rompit et distribua les poissons de la même manière. La multitude mangea et fut rassasiée et, lorsqu’elle eut fini de manger, Jésus dit aux disciples : « Ramassez les morceaux afin que rien ne se perde. » Quand ils eurent achevé de rassembler les morceaux, ils en avaient rempli douze paniers. Environ cinq-mille hommes, femmes et enfants participèrent à ce repas extraordinaire[11].
152:2.10 Ce fut le premier et unique miracle de la nature que Jésus accomplit après l’avoir sciemment projeté. Il est vrai que ses disciples avaient tendance à qualifier de miracles des phénomènes qui n’en étaient pas, mais, en l’espèce, il s’agissait bien d’un authentique ministère surnaturel. D’après ce qui nous a été dit, Micaël multiplia les éléments nutritifs comme il le fait toujours, sauf qu’en l’occurrence, il élimina le facteur temps et le processus vital physiquement observable.
152:3.1 Le ravitaillement des cinq-mille au moyen de l’énergie surnaturelle fut un autre de ces cas où l’évènement représentait la pitié humaine alliée au pouvoir créateur. Maintenant que la foule avait été rassasiée, et du fait que la renommée de Jésus avait été accrue séance tenante par ce prodigieux miracle, le projet de s’emparer du Maitre et de le proclamer roi n’avait plus besoin des directives de personne. L’idée parut se répandre dans la foule comme une contagion. La réaction de la foule à cette satisfaction soudaine et spectaculaire de ses besoins physiques fut profonde et irrésistible. Depuis longtemps, on avait enseigné aux Juifs qu’à son avènement, le Messie, le fils de David, ferait de nouveau couler le lait et le miel dans le pays, et que le pain de vie leur serait offert, comme la manne du ciel était jadis censément tombée sur leurs ancêtres dans le désert. Cette espérance ne venait-elle pas de se réaliser sous leurs yeux ? Quand cette foule affamée et sous-alimentée eut fini de se gorger de la nourriture miraculeuse, sa réaction fut unanime : « Voilà notre roi[12]. » Le libérateur d’Israël, auteur de prodiges, était venu. Aux yeux de ces gens simples, le pouvoir de nourrir entrainait le droit de régner. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la multitude rassasiée se soit levée comme un seul homme et ait crié : « Faites-le roi ! »
152:3.2 Cette puissante clameur enthousiasma Pierre et ceux des apôtres qui conservaient encore l’espérance de voir Jésus affirmer son droit de régner. Leurs faux espoirs n’allaient pas subsister longtemps. À peine l’écho de la puissante clameur de la multitude avait-il fini de se répercuter sur les rochers voisins, que Jésus monta sur une énorme pierre, leva la main droite pour attirer l’attention et dit : « Mes enfants, vos intentions sont bonnes, mais vous avez la vue courte et votre pensée est matérielle[13]. » Il y eut une brève interruption ; ce vaillant Galiléen se tenait là, dans une pose majestueuse, dans la lumière enchanteresse de ce crépuscule oriental. Jusqu’au bout des ongles, il avait une allure de roi, tandis qu’il continuait à parler à la foule qui retenait son souffle : « Vous voudriez m’établir roi, non parce que vos âmes ont été éclairées par une grande vérité, mais parce que vos estomacs ont été remplis de pain. Combien de fois vous ai-je dit que mon royaume n’est pas de ce monde ? Le royaume des cieux que nous proclamons est une fraternité spirituelle, et nul homme ne peut le diriger d’un trône matériel[14]. Mon Père qui est aux cieux est le Souverain infiniment sage et tout-puissant de cette fraternité spirituelle des fils de Dieu sur terre. Ai-je échoué dans ma révélation du Père des esprits au point que vous vouliez faire un roi de son Fils incarné ? Partez maintenant et rentrez chez vous. S’il vous faut un roi, que le Père des lumières siège sur un trône dans le cœur de chacun de vous en tant que Souverain spirituel de toutes choses[15]. »[8][9]
152:3.3 Ces paroles de Jésus renvoyèrent la foule abasourdie et découragée. Beaucoup de ceux qui avaient cru en lui firent volte-face et cessèrent dorénavant de le suivre. Les apôtres se tenaient cois, réunis silencieusement autour des douze paniers remplis des restes de nourriture ; seul le jeune Marc, leur garçon à toutes mains, ouvrit la bouche pour dire : « Et il a refusé d’être notre roi. » Avant de partir pour être seul dans les collines, Jésus se tourna vers André et dit : « Remmène tes frères à la maison de Zébédée et prie avec eux, spécialement pour ton frère Simon Pierre[16]. »[2]
152:4.1 Les apôtres sans leur Maitre — livrés à eux-mêmes — montèrent dans leur bateau et commencèrent à ramer silencieusement vers Bethsaïde, sur la rive occidentale du lac[17]. Aucun des douze n’était aussi écrasé et abattu que Simon Pierre. Ils prononcèrent à peine quelques paroles ; ils pensaient tous au Maitre seul dans les collines. Les avait-il abandonnés ? Jamais auparavant il ne les avait tous renvoyés en refusant de les accompagner. Que pouvait signifier tout cela ?[2][7][10][11]
152:4.2 L’obscurité les enveloppa bientôt, car un fort vent contraire s’était levé et il leur était presque impossible d’avancer. Tandis que les heures de nuit s’écoulaient à ramer péniblement, Pierre, épuisé, tomba dans un profond sommeil. André et Jacques l’étendirent sur le siège capitonné à l’arrière du bateau. Pendant que les autres apôtres peinaient contre le vent et les vagues, Pierre eut un rêve ; il vit une apparition de Jésus s’approchant d’eux en marchant sur la mer. Quand le Maitre parut passer près du bateau, Pierre cria : « Sauve-nous, Maitre, sauve-nous. » Et ceux qui se trouvaient à l’arrière du bateau entendirent certaines de ces paroles. Tandis que cette apparition nocturne continuait dans le mental de Pierre, il rêva que Jésus disait : « Ayez bon courage ; c’est moi ; ne craignez point. » Cela fit l’effet d’un baume de Galaad sur l’âme agitée de Pierre ; cela calma son esprit troublé, de sorte que (dans son rêve) il cria au Maitre : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir et de marcher avec toi sur les eaux. » Et, quand Pierre se mit à marcher sur l’eau, les vagues tumultueuses l’effrayèrent, et il allait sombrer lorsqu’il cria : « Seigneur, sauve-moi! » La plupart des douze l’entendirent pousser ce cri. Pierre rêva ensuite que Jésus venait à son secours, le prenait par la main et le soulevait en disant : « Ô homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? »[18]
152:4.3 En liaison avec la dernière partie de son rêve, Pierre se leva véritablement du banc où il dormait, passa par-dessus bord et tomba réellement à l’eau. Il se réveilla de son rêve tandis qu’André, Jacques et Jean se penchaient sur le bastingage et le retiraient de la mer.
152:4.4 Pierre considéra toujours cet épisode comme réel. Il crut sincèrement que Jésus était venu vers eux cette nuit-là. Il ne réussit que partiellement à convaincre Jean Marc, ce qui explique pourquoi celui-ci élimina de son récit une partie de l’histoire. Quant à Luc, le médecin, il fit des recherches approfondies sur le sujet et conclut que l’épisode était une simple vision de Pierre ; en conséquence, il refusa d’incorporer cette histoire lorsqu’il prépara son récit.[2]
152:5.1 Le jeudi avant le lever du jour, ils ancrèrent leur bateau près de la maison de Zébédée, puis dormirent jusque vers midi[19]. André fut le premier à se lever. Il se promena sur le rivage et trouva Jésus, en compagnie de leur factotum, assis sur une pierre au bord de l’eau. Beaucoup de gens et de jeunes évangélistes avaient passé toute la nuit et une grande partie du lendemain à chercher Jésus dans les collines de la rive orientale. Mais Jésus, accompagné du jeune Marc, était parti à pied peu après minuit pour contourner le lac, traverser le fleuve et revenir à Bethsaïde.[2]
152:5.2 Parmi les cinq-mille qui avaient été miraculeusement nourris et qui, l’estomac plein et le cœur vide, voulaient faire de Jésus un roi, cinq-cents seulement persistèrent à le suivre. Avant que ces derniers n’eussent été informés de son retour à Bethsaïde, Jésus pria André de réunir les douze apôtres et leurs associés, y compris les femmes, en lui disant : « Je voudrais leur parler. » Et, quand ils furent tous prêts, Jésus dit :
152:5.3 « Combien de temps vous supporterai-je ? Êtes-vous tous lents à comprendre par l’esprit et manquez-vous de foi vivante ? Durant tous ces mois, je vous ai enseigné les vérités du royaume, et malgré cela vous restez dominés par des mobiles matériels au lieu de l’être par des considérations spirituelles. N’avez-vous même pas lu dans les Écritures le passage où Moïse exhorte les enfants incroyants d’Israël en leur disant : ‘Ne craignez pas, restez tranquilles et contemplez le salut du Seigneur[20][21].’ Le psalmiste a dit : ‘Mettez votre foi dans le Seigneur[22].’ ‘Soyez patients, attendez le Seigneur et ayez bon courage. Il fortifiera votre cœur[23].’ ‘Remettez votre fardeau au Seigneur et il vous soutiendra[24]. Ayez toujours confiance en lui et épanchez votre cœur en lui, car Dieu est votre refuge[25].’ ‘Celui qui habite dans le lieu secret du Très-Haut demeurera à l’ombre du Tout-Puissant[26].’ ‘Mieux vaut avoir foi dans le Seigneur que de donner sa confiance à des princes humains.’
152:5.4 « Avez vous compris maintenant que l’accomplissement de miracles et de prodiges matériels ne gagnera pas d’âmes au royaume spirituel ? Nous avons nourri une foule de gens, mais, après cela, ils n’ont eu ni faim du pain de vie ni soif de l’eau de la droiture spirituelle. Quand leur faim a été assouvie, ils n’ont pas cherché à entrer dans le royaume des cieux, mais plutôt à proclamer la royauté du Fils de l’Homme à la manière des rois de ce monde, uniquement pour pouvoir continuer à manger du pain sans avoir à travailler pour le gagner. Et tout ceci, à quoi beaucoup de vous ont plus ou moins participé, ne contribue en rien à révéler le Père céleste ni à faire progresser son royaume sur terre. N’avons-nous donc pas assez d’ennemis parmi les chefs religieux du pays sans faire ce qui est propre à nous aliéner également les chefs civils ? Je prie le Père d’oindre vos yeux pour que vous puissiez voir, et d’ouvrir vos oreilles pour que vous puissiez entendre, afin que vous ayez pleinement foi dans l’évangile que je vous ai enseigné[27]. »
152:5.5 Jésus annonça ensuite qu’il voulait se retirer quelques jours et prendre du repos avec ses apôtres avant de monter à Jérusalem pour la Pâque, et il défendit à tous ses disciples et à la foule de le suivre. Jésus et les douze se rendirent donc par bateau dans la région de Gennésareth pour deux ou trois jours de repos et de sommeil. Jésus se préparait à une grande crise de sa vie terrestre et passa donc beaucoup de temps en communion avec son Père qui est aux cieux.[1]
152:5.6 La nouvelle du ravitaillement des cinq-mille et de la tentative pour faire de Jésus un roi excita une vaste curiosité et aiguillonna les craintes des chefs civils et religieux dans toute la Galilée et la Judée. Ce grand miracle ne fit aucunement progresser l’évangile du royaume dans l’âme des croyants peu enthousiastes et orientés matériellement, mais il provoqua une crise dans la famille des apôtres et des proches disciples de Jésus, qui avaient tendance à rechercher des miracles et à désirer ardemment un roi. Cet épisode spectaculaire mit fin à la première période d’enseignement, d’éducation et de guérison, préparant ainsi la voie pour l’inauguration de la dernière année consacrée à proclamer les phases supérieures et plus spirituelles du nouvel évangile du royaume — la filiation divine, la liberté spirituelle et le salut éternel.[8]
152:6.1 Pendant qu’il se reposait chez un riche croyant de la région de Gennésareth, Jésus tint, chaque après-midi, des réunions informelles avec les douze apôtres. Ces ambassadeurs du royaume formaient un groupe sérieux, calme et assagi d’hommes désillusionnés. Même après tout ce qui était arrivé, les évènements ultérieurs révélèrent que ces douze hommes n’étaient pas encore complètement délivrés de leurs notions anciennes et longtemps chéries sur la venue du Messie juif. Les évènements des quelques semaines précédentes s’étaient déroulés trop rapidement pour que ces pêcheurs étonnés aient pu en saisir pleinement la signification. Il faut du temps aux hommes et aux femmes pour effectuer des changements importants et radicaux dans leurs conceptions fondamentales sur la conduite sociale, sur les attitudes philosophiques et sur les convictions religieuses.[12][13][14]
152:6.2 Tandis que Jésus et les douze se reposaient à Gennésareth, la multitude se dispersa, les uns rentrant chez eux, les autres se rendant à Jérusalem pour la Pâque. En moins d’un mois, les disciples enthousiastes de Jésus, qui le suivaient ouvertement au nombre de plus de cinquante-mille dans la seule Galilée, se réduisirent à moins de cinq-cents. Jésus désirait faire subir à ses apôtres l’expérience de l’inconstance des acclamations populaires, afin qu’ils ne soient pas tentés de s’appuyer sur de telles manifestations temporaires d’hystérie religieuse après qu’il les aurait laissés œuvrer seuls pour le royaume ; mais il ne réussit que partiellement dans son effort.[15][16][17]
152:6.3 Le deuxième soir de leur séjour à Gennésareth, le Maitre répéta aux apôtres la parabole du semeur et y ajouta ces paroles : « Vous voyez, mes enfants, que l’appel aux sentiments humains est transitoire et totalement décevant ; de même, l’appel exclusif à l’intellect est vide de sens et stérile ; c’est seulement en adressant votre appel à l’esprit qui vit dans le mental humain que vous pouvez espérer obtenir un succès durable et accomplir les merveilleuses transformations de caractère qui se traduiront bientôt par une abondante récolte des véritables fruits de l’esprit dans la vie quotidienne de tous ceux qui sont ainsi délivrés des ténèbres du doute par la naissance de l’esprit dans la lumière de la foi — dans le royaume des cieux. »[18][19][20][3]
152:6.4 Jésus enseigna l’appel aux émotions en tant que technique pour arrêter et focaliser l’attention intellectuelle. Il qualifia le mental ainsi éveillé et vivifié de porte d’entrée vers l’âme où réside cette nature spirituelle de l’homme qui doit reconnaitre la vérité et répondre à l’appel spirituel de l’évangile, pour procurer les résultats permanents des vraies transformations de caractère.[21][22][23][24][25][26][4]
152:6.5 Jésus s’efforça ainsi de préparer les apôtres au choc imminent — la crise de l’attitude du public envers lui, qui allait éclater quelques jours plus tard. Il expliqua aux douze que les chefs religieux de Jérusalem conspireraient avec Hérode Antipas pour les détruire. Les douze commencèrent à comprendre plus pleinement (mais non définitivement) que Jésus ne siègerait pas sur le trône de David. Ils saisirent plus complètement que les prodiges matériels ne feraient pas progresser la vérité spirituelle. Ils commencèrent à réaliser que la nourriture miraculeuse des cinq-mille et le mouvement populaire pour faire de Jésus un roi marquaient l’apogée des espérances du peuple recherchant des miracles et attendant des prodiges, ainsi que le point culminant des acclamations de Jésus par la populace. Ils discernèrent vaguement et prévirent obscurément l’approche du passage au crible spirituel et de la cruelle adversité. L’intelligence de ces douze hommes s’éveillait lentement à la compréhension de la nature réelle de leur tâche d’ambassadeurs du royaume, et ils commencèrent à se cuirasser pour les rudes et sévères épreuves de la dernière année du ministère du Maitre sur terre.[1][23]
152:6.6 Avant leur départ de Gennésareth, Jésus s’expliqua au sujet de la nourriture miraculeuse des cinq-mille. Il raconta exactement aux douze pourquoi il s’était engagé dans cette manifestation extraordinaire de pouvoir créateur. Il leur assura qu’il n’avait pas cédé à un mouvement de compassion envers la foule avant de s’être assuré que c’était « conforme à la volonté du Père. »
152:7.1 Le dimanche 3 avril, Jésus, accompagné seulement des douze apôtres, partit de Bethsaïde pour Jérusalem. Afin d’éviter les foules et d’attirer un minimum d’attention, ils passèrent par Gérasa et Philadelphie. Jésus défendit aux apôtres d’enseigner publiquement durant ce voyage ; il ne leur permit pas non plus d’enseigner ni de prêcher pendant leur séjour à Jérusalem. Ils arrivèrent à Béthanie près de Jérusalem tard dans la soirée du mercredi 6 avril. Ils s’arrêtèrent pour une nuit seulement chez Lazare, Marthe et Marie, mais, dès le lendemain, ils se séparèrent. Jésus resta avec Jean chez un croyant nommé Simon, voisin de Lazare à Béthanie. Judas Iscariot et Simon Zélotès s’arrêtèrent chez des amis à Jérusalem, tandis que les autres apôtres séjournaient deux par deux dans différents foyers.
152:7.2 Durant cette Pâque, Jésus ne pénétra qu’une seule fois dans Jérusalem, et ce fut lors du grand jour de la fête. Nombre de croyants de Jérusalem sortirent de la ville sous la conduite d’Abner pour rencontrer Jésus à Béthanie. Durant ce séjour à Jérusalem, les douze apprirent combien les sentiments d’amertume croissaient envers leur Maitre. Ils quittèrent la ville convaincus qu’une crise était imminente.[1]
152:7.3 Le dimanche 24 avril, Jésus et les apôtres partirent de Jérusalem pour Bethsaïde en passant par les villes côtières de Joppé, Césarée et Ptolémaïs. De là, par voie de terre, ils allèrent par Rama et Chorazin à Bethsaïde où ils arrivèrent le vendredi 29 avril. Aussitôt rentré, Jésus envoya André demander au chef de la synagogue l’autorisation de prendre la parole le lendemain, jour de sabbat, à l’office de l’après-midi. Jésus savait bien que c’était la dernière fois qu’on lui permettrait de parler dans la synagogue de Capharnaüm.
Fascicule 151. Séjour et enseignement au bord de la mer |
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Fascicule 153. La crise à Capharnaüm |