© 1997 Ken Glasziou
© 1997 La Bibliothèque de la Confrérie des Hommes
| La physique quantique a-t-elle découvert le Père Universel ? | Volume 4 - No. 4 — Table des matières | Eh bien, n'est-ce pas ? |
extrait d’un essai intitulé «Positivisme, métaphysique et religion». par Werner Heisenberg.
Werner Heisenberg ainsi que Neils Bohr, Enrico Fermi, Paul Dirac, Wolfgang Pauli et Max Born furent des figures majeures du développement de la théorie quantique au cours des années d’avant-guerre. En 1952, Heisenberg, Pauli et Bohr se réunissent à nouveau à Copenhague pour discuter de la construction d’un accélérateur européen. Un soir, Pauli et Heisenberg marchaient ensemble le long du front de mer lorsque Pauli a posé inopinément cette question à Heisenberg : « Croyez-vous en un Dieu personnel ?
Après quelques instants, Heisenberg répondit : « Puis-je reformuler votre question. Je préférerais moi-même la formulation suivante : pouvez-vous, ou n’importe qui d’autre, atteindre l’ordre central des choses ou des événements, dont l’existence semble hors de doute, aussi directement que vous pouvez atteindre l’âme d’un autre être humain ? J’utilise le terme « âme » délibérément pour ne pas être mal compris. Si vous posez votre question ainsi, je dirai oui. Et parce que mes propres expériences importent peu, je pourrais ensuite vous rappeler le célèbre texte de Pascal, celui qu’il gardait cousu dans sa veste. Il s’intitulait « Feu » et commençait par les mots : Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob – pas un des philosophes ou des sages.
Pauli a répondu : « En d’autres termes, pensez-vous que vous pouvez prendre conscience de l’ordre central avec la même intensité que de l’âme d’une autre personne ? Heisenberg a répondu : « Peut-être ». Pauli a poursuivi : « Pourquoi utilisez-vous le mot « âme » et ne parlez-vous pas simplement d’une autre personne ? La réponse de Heisenberg fut :
« Précisément parce que le mot « âme » fait référence à l’ordre central, au noyau intérieur d’un être dont les manifestations extérieures peuvent être très diverses et dépasser notre entendement. »
« Si la force magnétique qui a guidé cette boussole particulière – et quelle était sa source sinon l’ordre central ? – devait un jour s’éteindre, des choses terribles pourraient arriver à l’humanité, bien plus terribles même que les camps de concentration et les bombes atomiques. Mais nous n’avons pas eu l’intention d’examiner des recoins aussi sombres ; espérons que le royaume central éclairera à nouveau notre chemin, peut-être de manière tout à fait insoupçonnée. En ce qui concerne la science, cependant, Neils a certainement raison de souscrire aux exigences des pragmatistes et des positivistes en matière d’attention méticuleuse aux détails et de clarté sémantique. Ce n’est qu’à l’égard de ses tabous que l’on peut s’opposer au positivisme, car si nous ne pouvons plus parler ou même penser aux connexions plus larges, nous sommes sans boussole et risquons donc de nous perdre. »
Malgré l’heure tardive, un petit bateau s’est amarré sur la jetée et nous a ramenés à Kongens Nytorv, d’où il a été facile de rejoindre la maison de Niels.
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