© 1998 Sydney Harris
© 1998 Bibliothèque de la Fraternité des Hommes
C’est un fait que de nombreuses expressions bibliques d’usage courant sont utilisées de manière incorrecte. « Œil pour œil et dent pour dent », par exemple, est invariablement mal compris par ceux qui l’utilisent comme excuse pour des représailles, alors qu’il s’agit à l’origine d’un appel à la justice.
Il existe une autre expression courante qui est encore plus endommagée dans son usage populaire, à savoir « la charité commence à la maison ». Chaque fois que ce dicton est répété, c’est pour justifier de prendre soin des siens avant de se préoccuper des besoins des autres.
Pourtant, ce n’est pas du tout le sens initial de cette expression. Tel que publié pour la première fois en 1642, dans Religio Medici de Sir Thomas Browne, cela signifiait « charité » au sens paulinien de « bienveillance », et non l’aumône ou la philanthropie.
Et cela ne veut pas dire que nous devons d’abord prendre soin des nôtres, mais que si nous ne faisons pas preuve de bonté envers notre famille et nos amis, alors toute aumône ou philanthropie dans laquelle nous nous engageons est faite par orgueil, ou par vanité, ou par ostentation, pas par profonde compassion humaine.
J’ai connu de nombreux philanthropes célèbres qui donnaient d’énormes sommes d’argent à des causes nobles de toutes sortes, mais dont les relations personnelles étaient dépourvues de bonté de cœur et qui utilisaient la magnanimité publique comme couverture pour un crâne-duggary privé.
Ce subterfuge courant, bien sûr, est la raison d’un autre dicton largement mal compris : l’injonction de Jésus selon laquelle votre main gauche ne doit pas savoir ce que fait votre main droite.
Si quelqu’un prenait la peine de lire le verset en entier, il apprendrait que Jésus s’adresse aux philanthropes de son temps qui se lèveraient en public et feraient connaître leurs importants dons à des œuvres caritatives. Il leur dit de donner d’une main si discrètement et anonymement que même l’autre main n’en est pas consciente, et encore moins la communauté.
Bien entendu, la charité ne commence pas à la maison, elle doit commencer là où on en a le plus besoin, que ce soit à la maison ou dans un village indien isolé.
Ce qui doit commencer à la maison, c’est l’amour, le respect et le traitement tendre de ceux qui nous sont les plus proches – car à moins que nous ne rayonnions de tels sentiments dans nos relations intimes quotidiennes, dans l’argent que nous donnons aux autres, ou même dans les bonnes œuvres et les belles choses que nous faisons pour d’autres ne sont qu’un pot-de-vin, nous permettant de maintenir notre estime de soi pendant que nous continuons à blesser, à blesser ou à ignorer ceux qui devraient être les plus proches de nous.
Les pauvres le savent et le ressentent lorsqu’ils sont l’objet d’une aide sans les sentiments de respect correspondants ; lorsqu’ils sont aidés pour que celui qui donne se sente mieux, et non en raison de son réel besoin.
D’un point de vue psychologique, le philanthrope a plus besoin des pauvres que de lui : la charité lui apporte des honneurs mais ne leur laisse que des restes.
Nous sommes façonnés et façonnés par ce que nous aimons.
Goethe