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La traduction suivante a été réalisée à partir d’un texte basé sur les manuscrits Turnour et Phayre conservés au Bureau des Indes, dont le Dr Morris a eu la gentillesse de me permettre l’utilisation. Les Suttas du Magghima Nikâya se distinguent généralement par la manière dont une pensée unique, ou une ou deux pensées connexes, sont brièvement énoncées au début, puis développées et répétées dans plusieurs paragraphes consécutifs et soigneusement équilibrés, agencés selon une forme littéraire qui serait aujourd’hui considérée comme monotone et extrêmement fastidieuse. Les répétitions dans les Suttas du Dîgha Nikâya sont sans doute tout aussi artificielles, mais le raisonnement étant plus long et plus varié, on peut toujours espérer un changement de forme, ou un nouveau départ dans la pensée, pour soutenir l’intérêt défaillant du lecteur.
L’argument de ce Sutta peut être résumé ainsi. Les moyens de se libérer de la stérilité et de l’esclavage du cœur sont le zèle et un effort déterminé. Mais ce zèle sera paralysé dans sa lutte contre la stérilité par le manque de confiance en l’enseignant, sa doctrine, son ordre ou son système de culture personnelle, et par le manque de concorde avec les frères. Et ce zèle sera paralysé dans sa lutte contre l’esclavage par la sensualité, la paresse ou le désir ardent d’une vie future sous toutes ses formes. Si le disciple lutte avec acharnement contre ces choses, il n’a rien à craindre ni à douter ; il ne faillira jamais et atteindra assurément la sécurité suprême de l’état d’Arahat.
Quand j’ai lu ce Sutta pour la première fois, je me suis irrésistiblement rappelé à ce passage du Nouveau Testament où l’exhortation au disciple, « faire tous les efforts » pour ajouter à sa foi la vertu, la connaissance, la tempérance, la patience, la piété et la bonté fraternelle, est suivie de l’image que ces choses le rendront « ni stérile ni stérile » ; et se termine par la promesse que s’il fait ces choses, en faisant tous les efforts pour affermir sa vocation et son élection, il ne tombera jamais, mais entrera dans ce royaume éternel qui est le but suprême de la vie chrétienne.
L’analogie est suffisamment proche pour jeter une lumière considérable sur notre Sutta, mais elle ne touche qu’à la stérilité. L’asservissement est spécialement bouddhiste et est lié à la doctrine des Sanyoganas, ou chaînes, que le pèlerin sur le Noble Sentier doit briser avant de pouvoir atteindre le plein fruit de l’état d’Arahat. Il faut le comparer aussi au quintuple lien mentionné dans le Tevigga Sutta, chap. I, §§ 26-28, le mot utilisé ici étant bandhanam, par opposition à vinibandhanam ici, et le quintuple lien étant une division quintuple de notre premier asservissement.
Les dix chaînes sont—
1. L’illusion de soi (sakkâya-ditthi).
2. Doute (vikikikkhâ).
3. Confiance dans l’efficacité des rites et des cérémonies (sîlabbata-parâmâsa).
4. Les convoitises ou passions corporelles (kâma).
5. Haine, ressentiment (patigha).
6. Désir d’une vie future dans les mondes de la forme (rûparâga).
7. Désir d’une vie future dans les mondes sans forme (arûparâga).
8. Orgueil (mâno).
9. L’autosatisfaction (uddhakka).
10. Ignorance (aviggâ).
Ici, la 4ème entrave est corrélative à notre premier esclavage ; la 6ème entrave à notre 2ème et 3ème esclavage ; et une partie de la 3ème entrave à notre 5ème esclavage.
Les deuxième, troisième et cinquième esclavages ne sont en fait qu’une nouvelle façon d’énoncer la doctrine bouddhiste fondamentale selon laquelle le bien doit être recherché sans aucune arrière-pensée ; et que l’homme n’est pas spirituellement libre s’il y a encore le moindre désir d’une vie future au-delà de la tombe.