« Bien que prostré maintenant » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un Frère qui renonça à persévérer. C’est alors que le Maître s’adressa à ce Frère et lui dit : « Frères, autrefois, les sages et les bons persévéraient même dans un environnement hostile et, même blessés, ne cédaient pas. » Et, ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta prit vie sous la forme d’un pur-sang du Sindh et fut nommé destrier du roi, entouré de faste et de faste. On le nourrissait d’un exquis riz de trois ans, qui lui était toujours servi dans un plat en or valant cent mille pièces de monnaie ; et le sol de son étal était parfumé des quatre odeurs. Autour de son étal étaient suspendus des rideaux cramoisis, tandis qu’au-dessus se dressait un dais constellé d’étoiles d’or. Aux murs étaient accrochées des couronnes et des guirlandes de fleurs parfumées ; et une lampe alimentée à l’huile parfumée y brûlait en permanence.
Tous les rois des environs convoitaient le royaume de Bénarès. Un jour, sept rois encerclèrent Bénarès et lui adressèrent une missive : « Soit tu nous abandonnes ton royaume, soit tu livreras bataille. » Rassemblant ses ministres, le roi de Bénarès leur exposa la question et leur demanda ce qu’il devait faire. Ils dirent : « Vous ne devriez pas aller combattre en personne, sire, dans un premier temps. [179] Envoyez d’abord tel chevalier les combattre ; et plus tard, s’il échoue, nous déciderons de la conduite à tenir. »
Alors le roi fit appeler ce chevalier et lui dit : « Peux-tu combattre les sept rois, mon cher chevalier ? » Il répondit : « Donnez-moi seulement votre noble destrier, et alors je pourrai combattre non seulement sept rois, mais tous les rois de l’Inde. » « Mon cher chevalier, prends mon destrier ou tout autre cheval de ton choix, et combats. » « Très bien, mon souverain seigneur », dit le chevalier ; et, armé d’un arc, il descendit des chambres hautes du palais. Puis il fit sortir le noble destrier et le revêtir d’une cotte de mailles, s’armant de son cap-à-pie, [ p. 62 ] et ceignant son épée. Monté sur son noble destrier, il franchit la porte de la ville et, d’une charge éclair, fracassa le premier camp, captura un roi vivant et le ramena prisonnier sous la garde des soldats. De retour sur le champ de bataille, il détruisit les deuxième et troisième camps, et ainsi de suite, jusqu’à capturer cinq rois vivants. Il venait de détruire le sixième camp et de capturer le sixième roi, lorsque son destrier reçut une blessure sanglante qui causa une vive douleur au noble animal. S’apercevant que le cheval était blessé, le chevalier le fit coucher à la porte du roi, détacha sa cotte de mailles et entreprit d’armer un autre cheval. Alors que le Bodhisatta gisait de tout son long sur le flanc, il ouvrit les yeux et comprit ce que faisait le chevalier. « Mon cavalier », pensa-t-il, « arme un autre cheval. Cet autre cheval ne pourra jamais détruire le septième camp et capturer le septième roi ; il perdra tout ce que j’ai accompli. Ce chevalier sans égal sera tué ; et le roi, lui aussi, tombera aux mains de l’ennemi. Moi seul, et aucun autre cheval, peux détruire ce septième camp et capturer le septième roi. » Alors, étendu là, il appela le chevalier et dit : « Seigneur chevalier, il n’y a pas d’autre cheval que moi qui puisse renverser le septième camp et capturer le septième roi. Je ne renoncerai pas à ce que j’ai déjà accompli ; faites-moi seulement remettre sur pied et revêtir mon armure. » Et, ce disant, il répéta cette strophe :
Bien que prostré maintenant et percé de fléchettes, je gît,
Pourtant, aucun pirate ne peut égaler le destrier.
Alors, n’attelez personne d’autre que moi, ô cocher.
Le chevalier fit remettre le Bodhisatta sur ses pieds, pansa sa blessure et l’arma de nouveau pour le protéger. Monté sur le destrier, il détruisit le septième camp et ramena vivant le septième roi, qu’il remit aux soldats. Ils conduisirent le Bodhisatta jusqu’à la porte du roi, et le roi sortit pour l’observer. Alors le Grand Être dit au roi : « Grand roi, ne tue pas ces sept rois ; lie-les par un serment et laisse-les partir. Que le chevalier jouisse de tous les honneurs qui nous sont dus à tous les deux, car il n’est pas juste qu’un guerrier qui t’a présenté sept rois captifs soit humilié. Quant à toi, sois charitable, observe les Commandements et gouverne ton royaume avec droiture et justice. » Après que le Bodhisatta eut ainsi exhorté le roi, ils lui ôtèrent sa cotte de mailles ; mais au moment où ils la détachaient par morceaux, il mourut.
Le roi fit brûler le corps avec respect, honora le chevalier et renvoya les sept rois chez eux après avoir exigé de chacun d’eux le serment de ne plus jamais lui faire la guerre. Il gouverna son royaume avec droiture et justice, s’éteignant à la fin de sa vie pour vivre selon ses mérites.
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Alors le Maître dit : « Ainsi, Frères, autrefois, les sages et les bons persévéraient même dans un environnement hostile et, même grièvement blessés, ne cédaient pas. Alors que vous, qui vous êtes consacrés à une doctrine si salvatrice, comment se fait-il que vous abandonniez la persévérance ? » Après quoi, il prêcha les Quatre Vérités, à la fin desquelles le Frère, au cœur faible, obtint l’état d’Arahant. Sa leçon terminée, le Maître [181] démontra le lien et identifia la Naissance en disant : « Ānanda était le roi de cette époque, Sāriputta le chevalier, et moi-même le pur-sang du Sindh. »