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« Quand la joie est là » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Sāvatthi, à propos d’un certain Frère. La tradition raconte qu’en écoutant le Maître prêcher, un jeune homme de Sāvatthi donna son cœur à la précieuse Foi [^111] et devint Frère. Ses professeurs et maîtres se mirent à l’instruire dans l’ensemble des Dix Préceptes de la Moralité, l’un après l’autre, lui exposèrent les Moralités Courte, Moyenne et Longue [1], énoncèrent la Moralité qui repose sur la maîtrise de soi selon le Pātimokkha [2], la Moralité qui repose sur la maîtrise de soi des Sens, la Moralité qui repose sur une vie irréprochable, la Moralité qui se rapporte à la façon dont un Frère peut utiliser les Prérequis. Le jeune débutant pensa : « Cette Moralité est immense ; et je ne parviendrai sans doute pas à accomplir tous mes vœux. » Mais à quoi bon être frère si l’on ne peut respecter les règles de la morale ? Le mieux pour moi est de retourner dans le monde, de prendre femme et d’élever des enfants, de vivre d’aumônes et d’autres bonnes œuvres. Il fit donc part de ses pensées à ses supérieurs, leur disant qu’il envisageait de retourner à l’état inférieur de laïc et souhaitait rendre son bol et ses vêtements. « Eh bien, s’il en est ainsi pour vous », dirent-ils, « prenez au moins congé du Bouddha avant de partir » ; et ils amenèrent le jeune homme devant le Maître dans la Salle de la Vérité.
« Pourquoi, frères, dit le Maître, m’amenez-vous ce frère contre sa volonté ? »
« Seigneur, il a dit que la moralité dépassait ses capacités et voulait rendre ses robes et son bol. Nous l’avons donc emmené et amené devant vous. »
« Mais pourquoi, mes frères », demanda le Maître, « l’avez-vous accablé d’un tel fardeau ? Il peut faire ce qu’il peut, mais pas plus. Ne répétez pas cette erreur et laissez-moi décider de la conduite à tenir dans ce cas. »
Puis, se tournant vers le jeune Frère, le Maître dit : « Allons, Frère, que te préoccupe la morale dans la messe ? Crois-tu pouvoir obéir à seulement trois règles morales ? »
« Oh, oui, monsieur. »
« Eh bien, veillez et protégez les trois voies de la voix, de l’esprit et du corps ; ne faites aucun mal, que ce soit en paroles, en pensées ou en actes. Ne cessez pas d’être un Frère, mais partez et obéissez à ces trois règles. »
« Oui, en effet, Monsieur, je les observerai », s’exclama le jeune homme joyeux, et il repartit avec ses maîtres. Tout en observant ses trois règles, il pensa : « Mes maîtres m’ont enseigné toute la morale ; mais, n’étant pas le Bouddha, ils n’ont pas pu me faire saisir cela. Tandis que l’Éveillé, de par sa bouddhéité et sa qualité de Seigneur de Vérité, a exprimé tant de morale en seulement trois règles concernant les Voies, et me l’a clairement fait comprendre. En vérité, le Maître m’a été d’un secours précieux. » Et [ p. 141 ] il acquit la Pénétration et, en quelques jours, atteignit l’état d’Arahat. Lorsque cela parvint aux oreilles des Frères, ils en parlèrent lors de leur réunion dans la Salle de la Vérité, racontant comment le Frère, qui retournait dans le monde faute d’avoir pu accomplir la Morale, avait reçu du Maître trois règles incarnant la Morale tout entière, et avait été amené à les comprendre, ce qui lui avait permis d’atteindre l’état d’Arahant. « Comme le Bouddha était merveilleux », s’écrièrent-ils.
Entrant dans la salle à ce moment-là, et apprenant par la suite le sujet de leur conversation, le Maître dit : « Frères, même un lourd fardeau devient léger, s’il est pris morceau par morceau ; et ainsi les sages et les bons des temps passés, trouvant une énorme masse d’or trop lourde à soulever, la brisaient d’abord et pouvaient ensuite emporter leur trésor morceau par morceau. » Ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta prit vie sous la forme d’un fermier dans un village. Un jour, il labourait un champ où se trouvait autrefois un village. Or, autrefois, un riche marchand était mort, laissant enfoui dans ce champ un énorme lingot d’or, épais comme la cuisse d’un homme et long de quatre coudées. La charrue du Bodhisatta heurta de plein fouet ce lingot et s’y enfonça. Prenant cela pour une racine d’arbre, il l’arracha ; mais, découvrant sa véritable nature, il se mit au travail pour nettoyer l’or de la terre. Sa journée de travail terminée, au coucher du soleil, il posa sa charrue et son équipement, et tenta de porter son trésor sur ses épaules et de s’en aller avec. Mais, incapable de le soulever, il s’assit devant et réfléchit à l’usage qu’il en ferait. « J’aurai tant pour vivre, tant pour enterrer un trésor, tant pour faire du commerce, et tant pour la charité et les bonnes œuvres », pensa-t-il, et il coupa donc l’or en quatre. La division rendit son fardeau plus facile à porter ; et il rapporta les morceaux d’or chez lui. Après une vie de charité et d’autres bonnes œuvres, il mourut pour vivre selon ses mérites.
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Sa leçon terminée, le Maître, en tant que Bouddha, récita cette strophe : — [278]
Quand la joie remplit le cœur et l’esprit,
Quand la justice est pratiquée, la paix est gagnée,
Celui qui marche ainsi remportera la victoire
Et toutes les chaînes détruisent complètement.
Et lorsque le Maître eut ainsi mené son enseignement jusqu’à l’état d’Arahant comme point culminant, il montra le lien et identifia la Naissance en disant : « En ces jours-là, j’étais moi-même l’homme qui avait obtenu la pépite d’or. »