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« N’allez pas trop loin ! » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un Frère obstiné. Interrogé par le Maître sur la véracité de la rumeur, le Frère répondit que oui. « Ce n’est pas la première fois, Frère », dit le Maître, « que vous vous montrez obstiné ; vous l’étiez aussi autrefois. » Et ce disant, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta prit vie sous la forme d’un tambourinaire et vécut dans un village. Apprenant qu’une fête allait avoir lieu à Bénarès, et espérant gagner de l’argent en jouant du tambour devant la foule de vacanciers, il se rendit en ville avec son fils. Là, il joua et gagna une fortune considérable. Sur le chemin du retour, avec ses gains, il dut traverser une forêt infestée de brigands ; et comme le garçon continuait à frapper le tambour sans cesse, le Bodhisatta tenta de l’arrêter en lui disant : « Ne te comporte pas ainsi, frappe seulement de temps en temps, comme si un grand seigneur passait. »
Mais, au mépris des ordres de son père, le garçon pensa que la meilleure façon d’effrayer les voleurs était de continuer à battre le tambour sans relâche.
Aux premières notes du tambour, les brigands s’enfuirent, croyant voir passer un grand seigneur. Mais, entendant le bruit persister, ils comprirent leur erreur et revinrent sur leurs pas pour savoir de qui il s’agissait réellement. Ne trouvant que deux personnes, ils les battirent et les dépouillèrent. « Hélas ! » s’écria le Bodhisatta, « par vos incessants coups de tambour, vous avez perdu tout notre butin durement gagné ! » Et, ce disant, il répéta cette strophe :
N’allez pas trop loin, mais apprenez à éviter les excès ;
Car la sur-batterie a perdu ce que la batterie a gagné. [284]
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Sa leçon terminée, le Maître montra le lien et identifia la Naissance en disant : « Ce Frère obstiné était le fils de ces jours-là, et moi-même le père. »