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« Il laissa du temps aux brigands. » — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un certain ministre. On raconte qu’il s’était insinué auprès du roi et, après avoir collecté les revenus royaux dans un village frontalier, s’était entendu secrètement avec une bande de brigands pour emmener les hommes dans la jungle, laissant le village aux pillards, à condition qu’ils lui donnent la moitié du butin. En conséquence, à l’aube, alors que le village était sans défense, les brigands débarquèrent, tuèrent et mangèrent le bétail, pillèrent le village et s’enfuirent avec leur butin avant qu’il ne revienne le soir avec ses partisans. Mais sa fourberie ne tarda pas à se faire connaître et à parvenir aux oreilles du roi. Le roi le fit appeler et, sa culpabilité étant manifeste, il fut dégradé et un autre chef nommé à sa place. Le roi se rendit alors chez le Maître à Jetavana et lui raconta ce qui s’était passé. « Sire, dit le Bienheureux, cet homme n’a fait que montrer aujourd’hui la même disposition qu’autrefois. » Puis, à la demande du roi, il raconta cette histoire du passé.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, il nomma un ministre chef d’un village frontalier ; et tout se passa comme décrit précédemment. À cette époque, le Bodhisatta parcourait les villages frontaliers pour faire du commerce et s’était installé dans ce village même. Le soir, alors que le chef ramenait ses hommes au son des tambours, il s’exclama : « Ce scélérat, qui a secrètement incité les brigands à piller le village, a attendu qu’ils aient regagné la jungle, et voilà qu’il revient au son des tambours, feignant d’ignorer tout incident. » Et, ce disant, il prononça cette strophe :
Il a donné aux voleurs le temps de chasser et de tuer
Le bétail, brûle les maisons, capture les gens ;
Et puis, tambours battants, il rentra chez lui,
\—Plus de fils, car un tel fils est mort [^140].
C’est ainsi que le Bodhisatta condamna le chef. Peu après, la méchanceté fut découverte et le vaurien fut puni par le roi comme sa méchanceté le méritait.
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« Ce n’est pas la première fois, Sire », dit le roi, « qu’il est de cette nature ; il était pareil autrefois. » Sa leçon terminée, le Maître démontra le lien et identifia la Naissance en disant : « Le chef d’aujourd’hui était aussi le chef d’alors, et moi-même l’homme sage et bon qui récita la strophe. »