[41] « Ami du mal », etc. — Voici une histoire racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un homme têtu ; les circonstances se trouvent dans la Naissance du Vautour [1], du Neuvième Livre. Le Maître dit à ce Frère : « Autrefois, comme aujourd’hui, tu as été piétiné à mort par un éléphant fou parce que tu étais si têtu et si indifférent aux conseils des sages. » Et il raconta la vieille histoire.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta, issu d’une famille de brahmanes. En grandissant, il quitta son foyer mondain pour embrasser la vie religieuse et devint par la suite le chef d’une compagnie de cinq cents anachorètes, tous vivant ensemble dans la région de l’Himalaya.
Parmi ces anachorètes se trouvait un homme têtu et réfractaire à l’enseignement, nommé Indasamānagotta. Il avait un éléphant de compagnie. Le Bodhisatta le fit appeler lorsqu’il l’apprit et lui demanda s’il possédait vraiment un jeune éléphant. Oui, répondit l’homme, il avait un éléphanteau qui avait perdu sa mère. « Eh bien », dit le Bodhisatta, « quand les éléphants grandissent, ils tuent même ceux qui les nourrissent ; il vaut donc mieux ne plus le garder. » « Mais je ne peux pas vivre sans lui, mon Maître ! » fut sa réponse. « Oh, eh bien », dit le Bodhisatta, « tu le regretteras. »
Cependant, il élevait toujours la créature, et peu à peu elle grandit jusqu’à atteindre une taille immense.
Il arriva un jour que les anachorètes étaient tous partis au loin cueillir des racines et des fruits dans la forêt, et qu’ils furent absents pendant plusieurs jours. Au premier souffle du vent du sud, cet éléphant tomba fou de rage. [ p. 29 ] « Détruisez cette hutte ! » pensa-t-il, « je vais briser la jarre à eau ! Je vais renverser le banc de pierre ! Je vais déchirer le grabat ! Je vais tuer l’ermite, et puis je m’en vais ! » Il se précipita donc dans la jungle et attendit leur retour.
Le maître arriva le premier, chargé de nourriture pour son animal. Dès qu’il le vit, il accourut, pensant que tout allait bien. L’éléphant jaillit du fourré, le saisit par sa trompe, le jeta à terre, puis, d’un coup sur la tête, lui arracha la vie ; et, barrant comme un fou, il s’enfuit dans la forêt.
Les autres anachorètes rapportèrent cette nouvelle au Bodhisatta. Il dit : « Nous ne devons pas avoir affaire aux méchants. » Puis il répéta ces deux vers :
« Que le bon évite l’amitié avec le mal,
Les bons, qui savent ce que leur devoir leur ordonne de faire :
Ils feront des bêtises, tôt ou tard,
Tout comme l’éléphant que son maître a tué.
« Mais si tu vois un esprit semblable,
En vertu, en sagesse, en apprentissage comme toi,
Choisissez quelqu’un comme votre véritable ami ;
« Les bons amis et la bénédiction vont de pair. »
[43] De cette façon, le Bodhisatta montra à ses anachorètes qu’il est bon d’être docile et non obstiné. Puis il célébra les obsèques d’Indasamānagotta et, cultivant les Excellences, parvint enfin au ciel de Brahma.
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Après avoir conclu ce discours, le Maître identifia la Naissance : « Cet homme indiscipliné était alors Indasamānagotta, et j’étais moi-même l’enseignant de la bande d’anachorètes. »
28:1 Gijjha-jātaka, n° 427. ↩︎