« Un vautour voit un cadavre », etc. — Le Maître raconta cette histoire à propos d’un Frère qui devait subvenir aux besoins de sa mère. Les circonstances seront relatées dans la Naissance du Sāma [1]. Le Maître lui demanda si lui, un Frère, subvenait réellement aux besoins de personnes encore en vie. Le Frère l’avoua : « Quel est leur lien de parenté avec vous ? » poursuivit le Maître. « Ce sont mes parents, Monsieur. » « Excellent, excellent », dit le Maître ; et il exhorta les Frères à ne pas se fâcher contre ce Frère. « Les sages d’autrefois », dit-il, « ont rendu service même à ceux qui n’étaient pas de leur famille ; mais la tâche de cet homme a été de subvenir aux besoins de ses propres parents. » Ce disant, il leur raconta cette histoire d’autrefois.
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Il était une fois, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta prit vie sous la forme d’un jeune vautour sur la colline des Vautours, et eut sa mère et son père à nourrir.
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Un jour, un grand vent et une pluie torrentielle s’abattirent sur les Vautours. Les vautours ne purent résister ; à moitié gelés, ils s’envolèrent vers Bénarès, et là, près du mur et du fossé, ils s’assirent, grelottant de froid.
Un marchand de Bénarès sortait de la ville pour se baigner, lorsqu’il aperçut ces misérables vautours. Il les rassembla dans un endroit sec, alluma un feu, leur envoya chercher de la viande de bœuf provenant du brûloir, et chargea quelqu’un de veiller sur eux.
Quand la tempête tomba, nos Vautours étaient en pleine forme et s’envolèrent aussitôt vers les montagnes. Sans tarder, ils se réunirent et tinrent conseil. « Un marchand de Bénarès nous a rendu service ; et un service en appelle un autre, comme on dit [2] : ainsi, après cela, si l’un de nous trouve un vêtement ou un ornement, il doit le déposer dans la cour de ce marchand. » Dès lors, s’ils apercevaient des gens séchant leurs vêtements ou leurs parures au soleil, l’air inattentif, ils les arrachaient promptement, comme des faucons fondent sur un morceau de viande, et les laissaient tomber dans la cour du marchand. Mais lui, chaque fois qu’il voyait qu’on lui apportait quelque chose, le faisait mettre de côté.
Ils racontèrent au roi comment les vautours pillaient la ville. « Attrapez-moi un seul vautour », dit le roi, « et je les forcerai à tout rapporter. » Pièges et greniers furent donc tendus partout ; notre dévoué Vautour fut capturé. Ils le saisirent avec l’intention de l’amener au roi. Le marchand susmentionné, en route pour servir Sa Majesté, vit ces gens marcher avec le Vautour. Il partit en leur compagnie, de peur qu’ils ne lui fassent du mal.
Ils donnèrent le Vautour au roi, qui l’examina.
« Vous pillez notre ville, vous emportez des vêtements et toutes sortes de choses », commença-t-il. — Oui, Sire. — À qui les ont-ils donnés ? — À un marchand de Bénarès. — Pourquoi ? — Parce qu’il nous a sauvé la vie, et on dit qu’un service en mérite un autre ; c’est pourquoi nous les lui avons donnés. »
« On dit que les vautours peuvent apercevoir un cadavre à cent lieues de distance ; et vous, ne voyez-vous pas un piège tendu contre vous ? » Et sur ces mots, il répéta la première strophe :
« Un vautour voit un cadavre qui gît à cent lieues de distance :
Quand tu tombes sur un piège, ne le vois-tu pas, je te prie ?
[52] Le Vautour écouta, puis répondit en répétant la deuxième strophe :
« Quand la vie touche à sa fin et que l’heure de la mort approche,
Même si tu t’en approches de trop près, tu ne trouveras ni piège ni filet.
Après cette réponse du Vautour, le roi se tourna vers notre marchand. « Toutes ces choses vous ont-elles donc été apportées par les Vautours ? » [ p. 36 ] « Oui, monseigneur. » « Où sont-elles ? » « Monseigneur, elles sont toutes mises de côté ; chacun recevra le sien : laissez seulement partir ce Vautour ! » Il obtint gain de cause ; le Vautour fut libéré, et le marchand rendit tous les biens à leurs propriétaires.
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Cette leçon terminée, le Maître déclara les Vérités et identifia la Naissance : à la conclusion des Vérités, le Frère dévoué fut établi dans la réalisation du Premier Sentier : « Ananda était le roi de ces jours-là ; Sariputta était le Marchand ; et j’étais moi-même le Vautour qui soutenait ses parents. »