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« Prince Inégalé, habile au tir à l’arc », etc. — Le Maître raconta cette histoire à Jetavana, à propos de la Grande Renonciation. Le Maître dit : « Ce n’est pas seulement maintenant, Frères, que le Tathāgata a fait la Grande Renonciation ; autrefois, il avait aussi renoncé au blanc parasol de la royauté et en avait fait autant. » Et il raconta une histoire du passé.
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[87] Un jour, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le Bodhisatta conçut comme le fils de la Reine Consort. Elle naquit sans encombre ; et le jour de son anniversaire, on lui donna le nom d’Asadisa-Kumāra, Prince Sans Égal. Vers l’époque où il put marcher, la Reine conçut un être qui devait également être un être sage. Elle naquit sans encombre, et le jour de son anniversaire, on le nomma Brahmadatta-Kumāra, ou Prince Envoyé du Ciel.
À seize ans, le prince Sans égal se rendit à Takkasilā pour y faire ses études. Là, auprès d’un maître de renommée mondiale, il apprit les Trois Védas et les Dix-huit Accomplissements ; il était sans égal dans la science du tir à l’arc ; puis il retourna à Bénarès.
Sur son lit de mort, le roi ordonna que le prince Sans-Pair soit roi à sa place et que le prince Brahmadatta soit son héritier présomptif. Puis il mourut ; après quoi la royauté fut offerte à Sans-Pair, qui refusa, affirmant qu’elle lui était indifférente. Ils consacrèrent donc Brahmadatta roi par aspersion. Sans-Pair ne se souciait guère de la gloire et ne manquait de rien.
Pendant que son frère cadet régnait, Sans-Pair vivait dans la royauté. Les esclaves vinrent le calomnier auprès de son frère : « Le prince Sans-Pair veut devenir roi ! » dirent-ils. Brahmadatta les crut et se laissa tromper ; il envoya des hommes capturer Sans-Pair.
Un des serviteurs du prince Sans-pair lui raconta ce qui se tramait. Il se mit en colère contre son frère et partit pour un autre pays. Arrivé sur place, il fit prévenir le roi qu’un archer était arrivé et l’attendait. « Quel salaire demande-t-il ? » demanda le roi. « Cent mille dollars par an. » « Bien », dit le roi ; « qu’il entre. »
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Peerless entra en présence du roi et attendit. « Êtes-vous l’archer ? » demanda-t-il. « Oui, Sire. » « Très bien, je vous prends à mon service. » Peerless resta ensuite au service du roi. [88] Mais les vieux archers étaient irrités par le salaire qu’on lui versait ; « Trop cher », grommelaient-ils.
Un jour, le roi se rendit dans son parc. Là, au pied d’un manguier, là où un paravent avait été dressé devant un siège de cérémonie en pierre, il était allongé sur un magnifique divan. Il leva les yeux et, tout en haut de l’arbre, aperçut une grappe de manguiers. « C’est trop haut pour grimper », pensa-t-il. Appelant ses archers, il leur demanda s’ils pouvaient trancher cette grappe d’un coup de flèche et la lui faire descendre. « Oh », dirent-ils, « ce n’est pas grand-chose pour nous. Mais Votre Majesté a souvent constaté notre talent. Le nouveau venu est tellement mieux payé que nous, que vous pourriez peut-être lui faire descendre les fruits. »
Alors le roi fit appeler Peerless et lui demanda s’il pouvait le faire. « Oh oui, Votre Majesté, si je peux choisir ma place. » « Laquelle désirez-vous ? » « L’endroit où se trouve votre lit. » Le roi fit enlever le lit et lui céda la place.
Peerless n’avait pas d’arc à la main ; il le portait sous son vêtement ; il lui fallait donc un écran. Le roi ordonna qu’on lui apporte un écran et qu’on le déploie, et notre archer entra. Il ôta le tissu blanc qu’il portait par-dessus tout et en revêtit un rouge près de sa peau ; puis il attacha sa ceinture et enfila un pagne rouge. D’un sac, il sortit une épée en morceaux, qu’il assembla et ceignit à son côté gauche. Ensuite, il revêtit une cotte de mailles d’or, attacha son étui à arc sur son dos et sortit son grand arc en corne de bélier, fait de plusieurs morceaux qu’il assembla, fixa la corde, rouge comme du corail ; il mit un turban sur sa tête ; faisant tournoyer la flèche avec ses ongles, il ouvrit l’écran et sortit, tel un prince serpent émergeant d’un sol déchiré. Il se rendit au lieu de tir, flèche tendue vers l’arc, et posa cette question au roi. « Votre Majesté, dit-il, dois-je abattre ce fruit d’un tir vers le haut, [89] ou en lançant la flèche dessus ? »
« Mon fils », dit le roi, « j’ai souvent vu une marque tomber du haut, mais jamais en tombant. Tu ferais mieux de faire retomber la flèche dessus. »
« Votre Majesté », dit l’archer, « cette flèche volera haut. Elle montera jusqu’au ciel des Quatre Grands Rois, puis reviendra d’elle-même. Soyez patient jusqu’à son retour. » Le roi promit. Puis l’archer répéta : « Votre Majesté, cette flèche, en s’élevant, percera la tige exactement en son milieu ; et lorsqu’elle redescendra, elle ne déviera pas d’un cheveu dans un sens ou dans l’autre, mais touchera précisément le même endroit, et entraînera la grappe avec elle. » Puis il lança la flèche rapidement. En montant, elle perça le centre exact de la tige du manguier. Le temps que l’archer sache que sa flèche avait atteint l’endroit des Quatre Grands Rois, il décocha une autre flèche plus vite que la première. Celle-ci toucha la plume de la première flèche et la fit reculer ; Puis elle monta jusqu’au ciel des trente-trois archanges. Là, les divinités la saisirent et la retinrent.
Le bruit de la flèche qui fendit l’air était comparable à celui de la foudre. « Quel est ce bruit ? » demandait tout le monde. « C’est la flèche qui tombe », répondit notre archer. Les spectateurs étaient tous terrifiés, de peur que la flèche ne s’abatte sur eux ; mais Peerless les réconforta. « Ne craignez rien », dit-il, « et je veillerai à ce qu’elle ne tombe pas à terre. » La flèche s’abattit, pas d’un cheveu dans un sens ou dans l’autre, mais coupa nettement la tige de la mangue. L’archer saisit la flèche d’une main et le fruit de l’autre, afin qu’ils ne tombent pas à terre. « Nous n’avons jamais rien vu de tel ! » s’écrièrent les spectateurs devant cette merveille. [90] Comme ils louaient le grand homme ! Comme ils applaudissaient, applaudissaient et claquaient des doigts, des milliers de mouchoirs flottant dans l’air ! Dans leur joie et leur ravissement, les courtisans offrirent à Peerless des cadeaux d’une valeur de dix millions d’argent. Et le roi aussi le combla de cadeaux et d’honneurs comme une pluie.
Tandis que le Bodhisatta recevait gloire et honneurs de la part de ce roi, sept rois, sachant qu’il n’y avait pas de Prince Sans Égal à Bénarès, rassemblèrent une ligue autour de la ville et sommèrent son roi de combattre ou de capituler. Le roi fut terrifié. « Où est mon frère ? » demanda-t-il. « Il est au service d’un roi voisin », répondit-il. « Si mon cher frère ne vient pas », dit-il, « je suis un homme mort. Allez, prosternez-vous à ses pieds en mon nom, apaisez-le, amenez-le ici ! » Ses messagers arrivèrent et accomplirent leur mission. Sans Égal prit congé de son maître et retourna à Bénarès. Il réconforta son frère et lui recommanda de ne rien craindre ; puis griffonna [1] un message sur une flèche : « Moi, Prince Sans Égal, je suis de retour. J’ai l’intention de vous tuer tous d’une seule flèche que je tirerai sur vous. Que ceux qui tiennent à la vie s’enfuient. » Il lança un coup de feu qui tomba au milieu d’un plat d’or où les sept rois mangeaient ensemble. Lorsqu’ils lurent l’inscription, ils s’enfuirent tous, à moitié morts de peur.
Ainsi notre Prince mit en fuite sept rois, sans verser même autant de sang qu’une petite mouche pourrait en boire ; puis, regardant son jeune frère, il renonça à ses convoitises, et abandonna le monde, cultiva les Facultés et les Acquis, et à la fin de sa vie vint au ciel de Brahma.
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[91] « Et c’est ainsi, dit le Maître, que le Prince Sans Pair mit en déroute sept rois et gagna la bataille ; après quoi il embrassa la vie religieuse. » Puis, parfaitement éclairé, il prononça ces deux vers :
« Prince sans égal, habile dans l’art du tir à l’arc, il était un chef vaillant ;
Rapide comme l’éclair, son trait était le fléau des grands guerriers.
« Parmi ses ennemis, quels ravages ! Et pourtant il n’a blessé personne ;
Il a sauvé son frère et a gagné la grâce de la maîtrise de soi.
[92] Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il identifia la Naissance : « Ānanda était alors le frère cadet, et j’étais moi-même l’aîné. »
62:1 Dans le Mahāvastu, il est enroulé autour de lui (2. p. 82. 14, pariveṭhitvā) ; ainsi chez Hardy. ↩︎