[111] « Voici le fruit du sacrifice », etc. — Le Maître raconta cette histoire lors de son séjour à Jetavana, à propos d’un laïc croyant. C’était une âme fidèle et pieuse, un disciple élu. Un soir, en route pour Jetavana, il arriva au bord de la rivière Aciravatī, alors que les passeurs avaient tiré leur bateau sur la rive pour assister à l’office ; comme aucun bateau n’était visible au débarcadère, et que l’esprit de notre ami était rempli de délicieuses pensées du Bouddha, il entra dans la rivière [1]. Ses pieds ne s’enfoncèrent pas. Il atteignit le milieu de la rivière, marchant comme s’il était sur la terre ferme ; mais là, il remarqua les vagues. Puis son extase s’apaisa et ses pieds commencèrent à s’enfoncer. Il se suspendit de nouveau à haute tension et continua sa marche sur l’eau. Il arriva ainsi à Jetavana, salua le Maître et s’assit sur un côté. Le Maître engagea une conversation agréable avec lui. « J’espère, cher laïc, dit-il, que vous n’avez pas eu d’accident en chemin. » « Oh, Monsieur, répondit-il, en chemin, j’étais tellement absorbé par mes pensées du Bouddha que j’ai mis le pied sur la rivière ; mais je l’ai traversée comme si elle avait été sèche ! » « Ah, ami laïc, dit le Maître, vous n’êtes pas le seul à avoir survécu en vous souvenant des vertus du Bouddha. Autrefois, de pieux laïcs ont fait naufrage en pleine mer et se sont sauvés en se souvenant des vertus du Bouddha. » Puis, à la demande de l’homme, il raconta une histoire ancienne.
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Il était une fois, à l’époque où Kassapa était le Bouddha suprême, un disciple qui avait suivi les Voies, embarqua en compagnie d’un barbier fortuné. La femme du barbier lui avait confié la garde de notre ami, pour le meilleur et pour le pire.
Une semaine plus tard, le navire fit naufrage en pleine mer. Ces deux personnes, accrochées à une planche, furent rejetées sur une île. Là, le barbier tua des oiseaux et les fit cuire, offrant une part de son repas au frère lai. « Non, merci », dit-il, « j’en ai assez. » Il se disait : « Ici, il n’y a d’autre secours que les Trois Joyaux [2] », et il médita sur les bienfaits des Trois Joyaux. Tandis qu’il méditait encore et encore, un Roi-Serpent né sur cette île changea son corps en la forme d’un grand navire. Le navire était rempli des sept sortes de choses précieuses. [112] Un Esprit de la Mer était le timonier. Les trois mâts étaient en saphir, l’ancre [3] en or, les cordes en argent et les planches en or.
L’Esprit de la Mer se tenait à bord et criait : « Des passagers pour l’Inde ? » Le frère lai répondit : « Oui, c’est là que nous allons. » « Alors, à bord ! » Il monta à bord et voulut appeler son ami le barbier. « Tu peux venir », dit le timonier, « mais pas lui. » « Pourquoi ? » « Ce n’est pas un homme de sainteté, voilà pourquoi », dit l’autre ; « J’ai amené ce navire pour toi, pas pour lui. » « Très bien : les dons que je t’ai donnés, les vertus que j’ai pratiquées, les pouvoirs que j’ai développés, je lui en donne le fruit ! » « Je te remercie, maître ! » dit le barbier. « Maintenant », dit l’Esprit de la Mer, « je peux te prendre à bord. » Il les emmena donc tous deux outre-mer et remonta le fleuve jusqu’à Bénarès. Là, par son pouvoir, il créa une réserve de richesses pour eux deux, et les ordonna ainsi.
« Fréquentez les sages et les bons. Si ce barbier n’avait pas été en compagnie de ce pieux laïc, il aurait péri au milieu des profondeurs. » Puis il prononça ces versets à la gloire de la bonne compagnie :
« Voici le fruit du sacrifice, de la vertu et de la piété :
Un serpent en forme de bateau transporte l’homme bon sur la mer.
« Ne vous liez d’amitié qu’avec les gens de bien et fréquentez de bonnes compagnies ;
Ami des bons, ce barbier pouvait voir sa maison en toute sécurité.
[113] Ainsi parla l’Esprit de la Mer, suspendu dans les airs. Finalement, il retourna chez lui, emmenant le Roi-Serpent avec lui.
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Le Maître, après avoir terminé ce discours, déclara les Vérités et identifia la Naissance : à la conclusion des Vérités, le pieux laïc entra sur le Fruit du Second Sentier : « À cette occasion, le frère laïc converti atteignit le Nirvana ; Sāriputta était le Roi-Serpent, et l’Esprit de la Mer était moi-même. »
77:1 La ressemblance avec saint Pierre sur la mer de Galilée est frappante. ↩︎
78:1 Les Trois Joyaux sont Bouddha, la Loi, l’Ordre. Pour les sept choses précieuses (ou joyaux), voir Childers, p. 402 b. ↩︎
78:2 lakāro ou laṅkūro. J’ignore la signification de ce mot. Le professeur Cowell suggère « ancre », dont le terme en persan moderne est langar. ↩︎