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« Oh, avez-vous vu ? », etc. — Cette histoire, le Maître la raconta alors qu’il résidait à Jetavana, à propos de l’imitation du Bouddha.
Lorsque les Anciens furent allés rendre visite à Devadatta avec leurs disciples [1], le Maître demanda à Sāriputta ce que Devadatta avait fait en les voyant. Il répondit qu’il avait imité le Bouddha. Le Maître rétorqua : « Non seulement Devadatta m’a imité et a ainsi été ruiné ; il a fait exactement la même chose auparavant. » Puis, à la demande de l’Ancien, il raconta une histoire ancienne.
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[149] Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta devint un corbeau des marais et habita près d’un étang. Son nom était Vīraka, le Fort.
Une famine survint à Kāsi. Les hommes ne purent plus nourrir les corbeaux, ni faire d’offrandes aux gobelins et aux serpents. Un à un, les corbeaux quittèrent la terre ravagée par la famine et se réfugièrent dans les bois.
Un certain corbeau nommé Saviṭṭhaka, qui vivait à Bénarès, emmena avec lui sa dame corbeau et se rendit à l’endroit où vivait Vīraka, faisant sa demeure à côté du même étang.
Un jour, ce corbeau cherchait de la nourriture près de l’étang. Il vit Vīraka y descendre et se nourrir de quelques poissons. Il remonta ensuite et se mit à sécher ses plumes. « Sous l’aile de ce corbeau, pensa-t-il, on peut trouver beaucoup de poissons. Je serai son serviteur. » Il s’approcha donc.
« Qu’est-ce qu’il y a, Monsieur ? » demanda Vīraka.
« Je veux être votre serviteur, mon seigneur ! » fut la réponse.
Vīraka accepta, et dès lors l’autre le servit. Dès lors, Vīraka mangea suffisamment de poisson pour survivre, et donna le reste à Saviṭṭhaka dès qu’il en avait pêché ; et lorsque Saviṭṭhaka en eut assez pour survivre, il donna le surplus à sa femme.
Au bout d’un moment, la fierté envahit son cœur. « Ce corbeau », dit-il, « est noir, et moi aussi : il n’y a aucune différence entre nous. Je ne veux pas de son poisson ; je pêcherai le mien ! » Il annonça alors à Vīraka qu’il comptait désormais descendre à l’eau et pêcher lui-même. Vīraka lui dit alors : « Cher ami, tu n’appartiens pas à une tribu de corbeaux nés pour aller pêcher dans l’eau. Ne te détruis pas ! »
Mais malgré cette tentative de dissuasion, Saviṭṭhaka ne prit pas l’avertissement à cœur. Il descendit jusqu’au bassin, dans l’eau ; mais il ne put se frayer un chemin à travers les herbes et en ressortir ; il était là, empêtré dans les herbes, seul le bout de son bec émergeant de l’eau. Incapable de respirer, il périt là, sous l’eau.
[150] Sa compagne remarqua qu’il ne revenait pas et alla demander de ses nouvelles à Vīraka. « Seigneur », demanda-t-elle, « Saviṭṭhaka est invisible : où est-il ? » Et en lui posant cette question, elle répéta la première strophe :
« Ô as-tu vu Saviṭṭhaka, ô Vīraka, as-tu vu
Mon compagnon à la douce voix dont le cou est comme celui du paon dans son éclat ?
Lorsque Vīraka l’entendit, il répondit : « Oui, je sais où il est allé », et récita la deuxième strophe :
« Il n’est pas né pour plonger sous la vague,
Mais ce qu’il n’a pas pu faire, il doit l’essayer ;
Ainsi le pauvre oiseau a trouvé une tombe aquatique,
Empêtré dans les mauvaises herbes et laissé pour mort.
Lorsque la Dame Corbeau l’entendit en pleurant, elle retourna à Bénarès.
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Après la fin de ce discours, le Maître identifia la Naissance : « Devadatta s’incarna alors en tant que Saviṭṭhaka, et moi-même j’étais Vīraka. »
103:1 Sāriputta et Moggallāna rendirent visite à l’archi-hérétique pour tenter de regagner ses disciples au Maître. Le récit de leur visite et de son succès est relaté dans le Vinaya, Cullavagga, vii. 4 s. (traduit dans S. BE, Vinaya Texts, iii. 256). Voir aussi vol. i. n° 11. ↩︎