[151] « _Les poissons sont beaux », etc. — Le Maître raconta cette histoire alors qu’il habitait à Jetavana, à propos de deux jeunes frères.
Ces deux jeunes gens, nous dit-on, appartenaient à une bonne famille de Sāvatthi et avaient embrassé la foi. Mais, ignorant l’impureté du corps [1], ils chantaient les louanges de leur beauté et s’en vantaient.
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Un jour, ils se disputèrent sur ce point : « Tu es beau, mais moi aussi », dirent-ils. Puis, apercevant un vieillard assis non loin, ils convinrent qu’il était susceptible de savoir s’ils étaient beaux ou non. Ils s’approchèrent alors de lui et lui demandèrent : « Seigneur, lequel de nous deux est beau ? » Le vieillard répondit : « Mes amis, je suis plus beau que vous deux. » Sur ce, les jeunes gens l’injurièrent et s’en allèrent en grommelant qu’il leur avait dit quelque chose qu’ils n’avaient pas demandé, mais qu’il ne leur dirait pas ce qu’ils avaient fait.
La Confrérie prit connaissance de cet événement et, un jour, alors qu’ils étaient tous réunis dans la Salle de la Vérité, ils commencèrent à en parler. « Ami, comme le vieil Ancien a fait honte à ces deux jeunes gens qui étaient imbus de leur propre beauté ! » Le Maître entra et leur demanda de quoi ils parlaient maintenant, assis ensemble. Ils le lui expliquèrent. Il répliqua : « Ce n’est pas la seule fois, Frères, que nos amis ont vanté leur propre beauté. Autrefois, ils s’en vantaient comme aujourd’hui. » Puis il leur raconta une histoire ancienne.
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Il était une fois, sous le règne de Brahmadatta, roi de Bénarès, le Bodhisatta, devenu un esprit des arbres sur la rive du Gange. Au confluent du Gange et de la Jumna, deux poissons se rencontrèrent, l’un du Gange, l’autre de la Jumna. « Je suis beau ! » dit l’un d’eux, « et toi aussi ! » Ils se mirent alors à se disputer à propos de leur beauté. Non loin du Gange, ils aperçurent une Tortue allongée sur la rive. « C’est à toi de décider si nous sommes beaux ! » dirent-ils. Ils s’approchèrent d’elle. « Lequel de nous est beau, amie Tortue ? » demandèrent-ils, « le poisson du Gange ou le poisson de la Jumna ? » La Tortue répondit : « Le poisson du Gange est beau, et le poisson de la Jumna est beau ; mais je suis plus beau que vous deux. » Et pour l’expliquer, il prononça le premier couplet : [152]
« Les poissons du ruisseau Jumna sont beaux, les poissons du Gange sont beaux,
Mais une créature à quatre pattes, avec un cou effilé comme le mien,
Ronds comme un banian qui s’étend, ils doivent tous briller plus fort.
Quand les poissons entendirent cela, ils s’écrièrent : « Ah, espèce de tortue coquine ! Tu ne réponds pas à notre question, mais tu en réponds à une autre ! » et ils répétèrent le deuxième couplet :
« Nous lui demandons ceci, il répond cela : en effet, étrange réponse !
Par sa propre langue, ses louanges sont chantées : — Je ne l’aime pas, moi non plus !
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Lorsque ce discours fut terminé, le Maître identifia la Naissance : « En ce temps-là, les jeunes Frères étaient les deux poissons, le vieil homme était la tortue, et j’étais l’esprit de l’arbre qui voyait toute la chose depuis la rive du Gange. »
104:1 Lecture an-anuyuñjitvā. ↩︎