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« Toute l’année sans cesse, etc. — Cette histoire, le Maître la raconta alors qu’il résidait à Jetavana, à propos de l’Ancien Lāḷudāyī, ou Udāyī le Simplet.
Cet homme, nous l’apprenons, était incapable d’émettre un seul son en présence de deux ou trois personnes. Il était si nerveux qu’il disait une chose alors qu’il pensait le contraire. Or, les Frères en parlaient alors qu’ils étaient assis ensemble dans la Salle de la Vérité. [165] Le Maître entra et leur demanda de quoi ils parlaient. Ils le lui dirent. Il répondit : « Frères, ce n’est pas la première fois que Lāḷudāyī est très nerveux. C’était exactement la même chose auparavant. » Et il raconta une histoire ancienne.
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Un jour, alors que Brahmadatta était roi de Bénarès, le bodhisatta naquit dans une famille de brahmanes du royaume de Kāsi. À sa majorité, il partit étudier à Takkasilā. À son retour, il trouva sa famille pauvre ; il fit ses adieux à ses parents et partit pour Bénarès, se disant : « Je vais reconstruire ma famille déchue ! »
À Bénarès, il devint le serviteur du roi ; il devint très cher au roi et devint son favori.
Son père vivait du labourage de la terre, mais il n’avait qu’une paire de bœufs ; l’un d’eux mourut. Il se présenta devant le Bodhisatta et lui dit : « Mon fils, un de mes bœufs est mort, et le labourage ne continue pas. Demande au roi de t’en donner un ! »
« Non, mon père, répondit-il, je viens de voir le roi ; je ne devrais pas lui demander des bœufs maintenant : c’est à lui que vous les demandez. »
« Mon fils », dit son père, « tu ne sais pas à quel point je suis timide. S’il y a deux ou trois personnes présentes, je n’arrive pas à dire un mot. Si je vais demander un bœuf au roi, je finirai par lui donner celui-ci ! »
« Père », dit le Bodhisatta, « ce qui doit être, doit être. Je ne peux pas demander au roi ; mais je t’apprendrai à le faire. » Il conduisit donc son père à un cimetière où se trouvaient des touffes d’herbe odorante ; il en attacha des touffes, les dispersa çà et là, les nomma une à une et les montra à son père : « Voici le roi, voici le vice-roi, voici le capitaine en chef. Maintenant, Père, lorsque tu te présenteras devant le roi, tu devras d’abord dire : « Vive le roi ! », puis répéter ce verset pour demander un bœuf. » Et voici le verset qu’il lui enseigna :
« J’avais deux bœufs à ma charrue, avec lesquels je faisais mon travail,
Mais l’un d’eux est mort ! Ô puissant prince, donnez-m’en un autre, s’il vous plaît !
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[166] Pendant une année entière, l’homme apprit ce distique ; puis il dit à son fils : « Cher Somadatta, j’ai appris les vers ! Maintenant, je peux le réciter devant n’importe qui ! Conduis-moi auprès du roi. »
Alors le Bodhisatta, prenant un présent approprié, conduisit son père en présence du roi. « Longue vie au roi ! » s’écria le brahmane en lui offrant son présent.
« Qui est ce brahmane, Somadatta ? » demanda le roi.
« Grand roi, c’est mon père », répondit-il.
« Pourquoi est-il venu ici ? » demanda le roi. Le brahmane répéta alors son couplet pour demander le bœuf :
« J’avais deux bœufs à ma charrue, avec lesquels je faisais mon travail,
Mais l’un d’eux est mort ! Ô puissant prince, prends l’autre, s’il te plaît !
Le roi comprit qu’il y avait une erreur. « Somadatta », dit-il en souriant, « tu as beaucoup de bœufs chez toi, je suppose ? »
« Si c’est le cas, grand roi, ils sont ton cadeau ! »
À cette réponse, le roi fut satisfait. Il offrit à l’homme, en guise d’offrande brahmane, seize bœufs finement harnachés et un village où vivre, et le renvoya avec les plus grands honneurs. Le brahmane monta sur un char tiré par des chevaux Sindh d’un blanc immaculé et se rendit chez lui en grande pompe.
Alors que le Bodhisatta était assis à côté de son père dans le char, il dit : « Père, je t’ai enseigné toute l’année, et pourtant, lorsque le moment est venu, tu as donné ton bœuf au roi ! » et il prononça la première strophe :
«Tout au long de l’année, sans cesse, avec une diligence infatigable
Là où l’herbe douce pousse en touffes, jour après jour, il l’a pratiqué :
Lorsqu’il arriva au milieu des courtisans, il changea tout à coup de sens ;
La pratique ne sert vraiment à rien si l’on a peu d’esprit.
[167] Lorsqu’il entendit cela, le brahmane prononça la deuxième strophe :
« Celui qui demande, cher Somadatta, prend sa chance entre les deux…
Vous pouvez obtenir plus ou ne rien obtenir : quand vous demandez, c’est toujours ainsi.
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Lorsque le Maître, par cette histoire, eut montré à quel point le Simplet Udāyī avait été tout aussi timide auparavant qu’il l’était alors, il identifia la Naissance : « Lāḷudāyī était le père de Somadatta, et j’étais Somadatta moi-même. »
[^101] : 115 : 1 Fausbøll, Cinq Jātakas, p. 31 ; Comm. sur Dhammapada verset 152 (p. 317 de l’édition de F.).