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« Ô roi, messager du Ventre », etc. Le Maître raconta cette histoire lors de son séjour à Jetavana, à propos d’un Frère adonné à la convoitise. Les circonstances seront détaillées dans la Naissance de Kāka [1], au Livre Neuvième. Ici encore, le Maître dit au Frère : « Tu étais avide autrefois, Frère, comme tu l’es maintenant ; et autrefois, à cause de ta cupidité, tu as eu la tête fendue d’un coup d’épée. » Puis il raconta une histoire du vieux monde.
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Un jour, alors que Brahmadatta régnait sur Bénarès, le Bodhisatta naquit comme son fils. Il grandit et termina son éducation à Takkasilā. À la mort de son père, il hérita du royaume et se montrait très délicat dans ses repas ; c’est pourquoi il gagna le nom de Roi Délicat. Ses repas étaient si extravagants qu’il dépensa cent mille pièces pour un seul plat. Lorsqu’il mangeait, il ne mangeait pas à l’intérieur ; mais, désireux de conférer du mérite [2] à de nombreuses personnes en leur montrant le fastueux assortiment de ses repas, il fit dresser un pavillon orné de joyaux devant la porte, et, au moment du repas, il le fit décorer. Il s’assit alors sur une estrade royale tout en or, sous un parasol blanc, entouré de princesses, et dégusta des mets aux cent saveurs délicates dans un plat qui coûtait cent mille pièces.
Or, un homme avide, voyant la manière dont le roi mangeait, désira goûter. Incapable de maîtriser son désir, il serra ses reins et courut vers le roi, criant à haute voix : « Messager ! Messager ! Ô roi ! » les mains levées. (À cette époque et dans ce pays, si quelqu’un appelait « Messager ! » personne ne l’arrêtait ; et c’est ainsi que la foule se divisa et lui laissa passer.)
L’homme accourut et, prenant un morceau de riz dans le plat du roi, le porta à sa bouche. L’épéiste tira son épée pour lui fendre la tête. Mais le roi l’en empêcha. « Ne frappe pas », dit-il ; puis, s’adressant à l’homme : « Ne crains rien, continue à manger ! » Il se lava les mains et s’assit. [ p. 222 ] [320] Après le repas, le roi fit apporter à l’homme son eau potable et sa noix de bétel, puis dit :
« Mon ami, tu as des nouvelles, dis-tu. Quelles sont tes nouvelles ? »
« Ô roi, je suis un messager de la Luxure et du Ventre. La Luxure me dit : « Va ! » et m’a envoyé ici comme messager. » Et c’est sur ces mots qu’il prononça les deux premières strophes :
« Ô roi, tu vois le messager du Ventre :
Ô Seigneur des chars, ne sois pas en colère !
Pour l’amour du ventre, les hommes iront très loin,
Même pour demander une faveur à un ennemi.
« Ô roi, tu vois le messager du Ventre ;
Ô Seigneur des chars, ne sois pas en colère !
Le ventre tient sous sa puissante emprise
Tous les hommes sur la terre, nuit et jour.
Lorsque le roi entendit cela, il dit : « C’est vrai. Ce sont des messagers du ventre ; poussés par la convoitise, ils vont et viennent, et la convoitise les fait aller. Comme cet homme a bien dit les choses ! » Il fut satisfait de lui et prononça la troisième strophe :
« Brahmane, je te présente mille vaches rouges
À toi ; à cela le taureau, pour complément.
Un messager peut donner à un autre ;
Car les messagers de Belly sont tous ceux qui vivent.
Ainsi parla le roi, et il continua : « J’ai entendu dire par ce grand homme quelque chose que je n’avais jamais entendu auparavant, ni imaginé. » Et il fut si heureux qu’il le combla d’honneurs.
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[321] Lorsque le Maître eut terminé ce discours, il déclara les Vérités et identifia la Naissance : — à la conclusion des Vérités, le Frère avide atteignit le Fruit du Troisième Sentier, et beaucoup d’autres entrèrent dans les autres Sentiers : — « L’homme avide est le même dans les deux histoires, et j’étais le Roi Dainty. »