« C’était le temps joyeux », etc. — C’était une histoire racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un Frère qui fut tenté par les pensées de la femme qu’il avait quittée. — Les circonstances qui ont conduit à cette histoire seront exposées dans la Naissance d’Indriya. [1] — Le Maître, s’adressant à ce Frère, dit : « Une fois déjà, à cause d’elle, tu as eu la tête tranchée. » Puis il raconta une légende du passé.
[59] Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit dans un village de Kāsi, chez un certain maître de maison, sous la surveillance d’un brigand. Devenu adulte, il gagna sa vie par le vol et sa renommée, celle d’un homme audacieux et fort comme un éléphant, rayonna dans le monde. Et personne ne put l’attraper. Un jour, il s’introduisit par effraction dans la maison d’un riche marchand et emporta un grand trésor. Les habitants vinrent trouver le roi et dirent : « Sire, un puissant brigand pille la ville ; faites-le arrêter. » Le roi ordonna au gouverneur de la ville de le saisir. Alors, pendant la nuit, le gouverneur posta des hommes çà et là en détachements, et, après l’avoir capturé avec l’argent sur lui, il le rapporta au roi. Le roi ordonna au gouverneur de lui couper la tête. Le gouverneur lui fit alors attacher les bras fermement dans le dos, lui noua une couronne de fleurs rouges de kaṇavera autour du cou et répandit de la poussière de brique sur sa tête. Il le fit flageller à coups de fouet sur toutes les places, puis le conduisit au lieu d’exécution au son rauque du tambour. On s’écria : « Ce voleur rapace qui pille notre ville est pris ! » Et toute la ville fut profondément émue.
À cette époque vivait à Bénarès une courtisane nommée Sāmā, dont la fortune s’élevait à mille pièces d’argent. C’était une favorite du roi et elle possédait une suite de cinq cents esclaves. Debout à une fenêtre ouverte, à l’étage supérieur du palais, elle vit ce brigand qu’on emmenait. Il était beau et gracieux, et se démarquait de tous les hommes, d’une splendeur et d’une apparence divine. En le voyant ainsi mené, elle tomba amoureuse de lui et pensa : « Comment puis-je obtenir cet homme pour époux ? » « Voilà le chemin », dit-elle. Elle envoya mille pièces d’argent au gouverneur par l’intermédiaire d’une de ses servantes. « Dites-lui, dit-elle, que ce brigand est le frère de Sāmā, et qu’il n’a d’autre refuge qu’à Sāmā. Demandez-lui d’accepter l’argent et de laisser s’échapper son prisonnier. » La servante fit ce qu’on lui avait dit. Mais le gouverneur dit : « C’est un brigand notoire, je ne peux pas le laisser partir ainsi. Mais si je pouvais trouver un autre homme pour le remplacer, je pourrais mettre le brigand dans une voiture couverte et vous l’envoyer. » L’esclave vint le rapporter à sa maîtresse.
À cette époque, un jeune marchand riche, amoureux de Sāmā, lui offrait chaque jour mille pièces d’argent. Ce jour-là, au coucher du soleil, son amant vint, comme d’habitude, chez elle avec l’argent. Sāmā prit l’argent, le déposa sur ses genoux et s’assit en pleurant. Lorsqu’on lui demanda la cause de son chagrin, elle répondit : « Monseigneur, ce brigand est mon frère, bien qu’il ne soit jamais venu me voir, car on dit que je pratique un commerce ignoble. Lorsque j’ai envoyé un message au gouverneur, il m’a fait savoir que s’il recevait mille pièces d’argent, il libérerait son prisonnier. Et maintenant, je ne trouve personne pour aller porter cet argent au gouverneur. » Le jeune homme, pour l’amour qu’il lui portait, dit : « J’irai. » « Va donc », dit-elle, « et prends avec toi l’argent que tu m’as apporté. » Il le prit donc et se rendit chez le gouverneur. [ p. 41 ] Le gouverneur cacha le jeune marchand dans un lieu secret et fit transporter le voleur dans une voiture fermée jusqu’à Sāmā. Il pensa alors : « Ce voleur est bien connu dans le pays. Il faut d’abord qu’il fasse nuit noire. Ensuite, quand tout le monde sera couché, je ferai exécuter l’homme. » Ainsi, prétextant un retard, une fois les gens couchés, il envoya le jeune marchand avec une forte escorte au lieu de l’exécution, lui coupa la tête avec une épée, empala son corps et retourna en ville.
Dès lors, Sāmā n’accepta plus rien d’un autre homme, passant tout son temps à prendre plaisir avec ce seul brigand. Une pensée traversa l’esprit du brigand : « Si cette femme tombe amoureuse de quelqu’un d’autre, elle me fera mourir moi aussi et prendra plaisir avec lui. Elle est très perfide envers ses amis. Je ne dois plus habiter ici, mais me hâter de m’enfuir. » En partant, [61] il pensa : « Je ne partirai pas les mains vides, mais je prendrai quelques-uns de ses bijoux. » Alors, un jour, il lui dit : « Ma chère, nous restons toujours à l’intérieur comme des cacatoès apprivoisés en cage. Un jour, nous nous amuserons dans le jardin. » Elle accepta sans hésiter, prépara toutes sortes de mets, durs et mous, se para de tous ses ornements et se rendit au jardin avec lui assis dans une voiture fermée. Tandis qu’il s’amusait avec elle, il pensa : « Il est temps pour moi de m’échapper. » Alors, manifestant une affection violente pour elle, il s’enfonça dans un fourré de kanaveras et, feignant de l’embrasser, la serra jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Puis, la jetant à terre, il la dépouilla de tous ses ornements, les attacha à son vêtement extérieur, plaça le paquet sur son épaule et, sautant par-dessus le mur du jardin, s’enfuit.
Lorsqu’elle eut repris connaissance, elle se leva et alla demander à ses suivantes ce qu’il était advenu de son jeune seigneur. « Nous l’ignorons, madame. » « Il pense », dit-elle, « que je suis morte et qu’il a dû s’enfuir dans son effroi. » Bouleversée par cette pensée, elle retourna chez elle et dit : « Je ne reposerai sur un somptueux lit qu’après avoir vu mon cher seigneur. » Et elle s’allongea par terre. À partir de ce jour, elle ne revêtit plus de vêtements élégants, ne mangea plus qu’un seul repas, ne s’occupa plus de parfums, de couronnes, etc. Résolue à rechercher et à retrouver son amant par tous les moyens, elle fit venir des comédiens et leur donna mille pièces d’argent. À leur demande : « Que devons-nous faire pour cela, madame ? » Elle répondit : « Il n’y a pas d’endroit que vous ne visitiez. Allez donc dans chaque village, ville et cité, et, rassemblant une foule autour de vous, chantez d’abord ce chant au milieu du peuple, — enseignant la première strophe aux acteurs. — Et si, dit-elle, après avoir chanté ce chant, mon mari est du nombre, il vous parlera. [62] Alors vous pourrez lui dire que je vais bien et le ramener avec vous. Et s’il refuse de venir, envoyez-moi un message. [ p. 42 ] Et leur donnant leurs frais de voyage, elle les laissa partir. Ils partirent de Bénarès, et rassemblant la population çà et là, ils arrivèrent enfin à un village frontière. Or, le brigand, depuis sa fuite, vivait ici. Et les acteurs rassemblèrent une foule autour d’eux et chantèrent la première strophe :
C’était la joyeuse période du printemps,
Chaque arbuste et chaque arbre sont fleuris,
De son réveil évanoui
Sāmā vit et vit pour toi.
Le brigand, entendant cela, s’approcha de l’acteur et dit : « Tu dis que Sāmā est vivant, mais je n’y crois pas. » Et s’adressant à lui, il répéta la deuxième strophe :
Des vents violents peuvent-ils secouer une montagne ?
Pourront-ils faire trembler la terre ferme ?
Mais les morts sont vivants à voir
Marvel serait bien plus étrange !
[63] L’acteur, en entendant ces mots, prononça la troisième strophe :
Sāmā n’est sûrement pas mort,
Aucun autre seigneur ne voudrait se marier.
Jeûner de tous les repas sauf un,
Elle t’aime, toi et toi seul.
Le voleur, entendant cela, dit : « Qu’elle soit vivante ou morte, je n’en veux pas », et avec ces mots, il répéta la quatrième strophe :
L’imagination de Sāmā vagabonde toujours
De la foi éprouvée aux amours plus légères :
Moi aussi je trahirais Sāmā,
Si je ne devais pas m’enfuir.
Les acteurs vinrent raconter à Sāmā comment il les avait traités. Et elle, pleine de regrets, reprit son ancien mode de vie.
Le Maître, lorsque sa leçon fut terminée, révéla les Vérités et identifia la Naissance : — À la conclusion des Vérités, le Frère à l’esprit mondain atteignit la réalisation du Premier Sentier : — « À cette époque, ce Frère était le fils du riche marchand, la femme qu’il avait quittée était Sāmā, et j’étais moi-même le voleur. »
39:1 N° 423. ↩︎