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« Pleurez pour les vivants », etc.—Le Maître, alors qu’il résidait à Jetavana, raconta cette histoire d’un certain propriétaire terrien qui habitait à Sāvatthi.
À la mort de son frère, dit-on, il fut si accablé de chagrin qu’il ne mangea, ne se lava ni ne s’oignit. Mais, profondément affligé, il se rendait au cimetière à l’aube pour pleurer. Le Maître, de bon matin, jetant un regard sur le monde et observant chez cet homme la capacité d’atteindre la réalisation du Premier Chemin, pensa : « Personne d’autre que moi ne peut, en lui racontant ce qui s’est passé il y a longtemps, apaiser sa douleur et l’amener à la réalisation du Premier Chemin. Je dois être son Refuge. » Le lendemain, de retour de sa tournée d’aumônes, il prit un jeune prêtre et se rendit chez lui. Apprenant l’arrivée du Maître, le propriétaire fit préparer un siège et le fit entrer. Le saluant, il s’assit à l’écart. En réponse au Maître, qui lui demandait la raison de son chagrin, il répondit qu’il était dans le chagrin depuis la mort de son frère. Le Maître dit : « Toutes les existences composées sont impermanentes, et ce qui doit être brisé est brisé. Il ne faut pas s’en faire un sujet de trouble. Les sages d’autrefois, sachant cela, ne s’affligeaient pas à la mort de leur frère. » Et, à sa demande, le Maître raconta cette légende du passé.
Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta renaquit dans la famille d’un riche marchand fortuné de quatre-vingts crores. À sa majorité, ses parents moururent. À leur mort, un frère du Bodhisatta administra le domaine familial. [57] Le Bodhisatta vécut sous sa dépendance. Peu après, son frère mourut lui aussi d’une maladie mortelle. Ses proches, amis et compagnons se réunirent et, les bras levés, pleurèrent et se lamentèrent, sans que personne ne puisse maîtriser ses émotions. Mais le Bodhisatta ne se lamenta ni ne pleura. Les hommes dirent : « Voyez, bien que son frère soit mort, il ne fait pas la grimace : c’est un homme au cœur dur. Il me semble qu’il a souhaité la mort de son frère, espérant ainsi jouir d’une double part. » C’est ainsi qu’ils blâmèrent le Bodhisatta. Ses proches le réprimandèrent également en disant : « Bien que votre frère soit mort, vous ne versez pas une larme. » En entendant leurs paroles, il dit : « Dans votre aveuglement, ignorant les Huit Conditions Mondaines, vous pleurez et vous vous écriez : « Hélas ! mon frère est mort », mais moi aussi, et vous aussi, nous devrons mourir. Pourquoi alors ne pleurez-vous pas à la pensée de votre propre mort ? Tout ce qui existe est transitoire, et par conséquent aucun composé ne peut rester dans son état naturel. Bien que vous, aveugles et insensés, dans votre état d’ignorance, faute de connaître les Huit Conditions Mondaines [ p. 39 ], vous pleuriez et vous lamentiez, pourquoi pleurerais-je ? » Et en disant cela, il répéta ces strophes :
Pleurez les vivants plutôt que les morts !
Toutes les créatures qui prennent une forme mortelle,
Bête à quatre pattes, oiseau et serpent à capuchon,
Oui, les hommes et les anges suivent tous le même chemin.
Impuissant face au destin, il se réjouit de mourir,
Au milieu de la triste vicissitude du bonheur et de la douleur,
Pourquoi l’homme devrait-il se plaindre en versant des larmes inutiles,
Et plongé dans le chagrin pour un soupir de frère ?
Les hommes versés dans la fraude et dans les excès vieillissent,
Le fou sans instruction, même les hommes vaillants et puissants,
Si vous êtes sages du monde et ignorants du droit,
La sagesse elle-même peut tenir lieu de folie.
[58] Ainsi le Bodhisatta enseigna la Vérité à ces hommes et les délivra tous de leur chagrin.
Le Maître, après avoir terminé son exposé religieux, révéla les Vérités et identifia la Naissance : — À la conclusion des Vérités, le propriétaire terrien parvint à la réalisation du Premier Sentier : — « À cette époque, l’homme sage qui, par son exposé religieux, délivra les gens de leur chagrin, c’était moi-même. »