« L’herbe est immobile », etc. — Cette histoire fut racontée par le Maître à Jetavana, à propos d’un certain voyou. L’incident qui a inspiré cette histoire a déjà été relaté.
Un jour, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta devint son ministre et son conseiller temporel et spirituel. Le roi de Bénarès s’opposa au roi du Kosala avec une importante armée et, arrivé à Sāvatthi, après une bataille, il entra dans la ville et fit prisonnier le roi. Or, le roi du Kosala avait un fils, le prince Chatta. Il s’échappa déguisé et se rendit à Takkasilā, où il acquit les trois Védas et les dix-huit arts libéraux. Puis il quitta Takkasilā et, tout en étudiant les applications pratiques de la science, il arriva à un village frontalier. Dans un bois proche, cinq cents ascètes vivaient dans des huttes de feuillage. Le prince les aborda et, désireux d’apprendre d’eux, il devint ascète et acquit ainsi toutes les connaissances qu’ils avaient à transmettre. Peu à peu, il devint le chef de ce groupe de disciples.
Un jour, il s’adressa à son groupe de saints hommes et leur demanda : « Messieurs, pourquoi n’allez-vous pas dans la région centrale ? »
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« Seigneur », dirent-ils, « on dit que dans la région centrale vivent des sages. [116] Ils vous interrogent, vous invitent à rendre grâce, à répéter une forme de bénédiction et à réprimander les incompétents. C’est pourquoi nous craignons d’y aller. »
« N’ayez pas peur », dit-il, « je vais gérer tout cela pour vous. »
« Alors, partons », dirent-ils. Et tous, emportant leurs provisions, arrivèrent à Bénarès en temps voulu. Le roi de Bénarès, s’étant emparé de tout le royaume de Kosala, établit des fonctionnaires loyaux comme gouverneurs. Lui-même, ayant rassemblé tous leurs trésors, retourna à Bénarès avec son butin. Il en remplit des pots de fer, les enterra dans le jardin royal et continua d’y vivre. Ces saints hommes passèrent donc la nuit dans le jardin du roi, et le lendemain, ils se rendirent en ville pour demander l’aumône et se présentèrent à la porte du palais. Le roi fut si charmé par leur comportement qu’il les appela, les fit asseoir sur l’estrade et leur donna du riz et des gâteaux. Jusqu’à l’heure du repas, il leur posa diverses questions. Chatta gagna le cœur du roi en répondant à toutes ses questions, et à la fin du repas, il offrit diverses formes d’actions de grâces. Le roi, encore plus satisfait, exigea d’eux une promesse et les fit tous rester dans son jardin.
Chatta connaissait un sortilège pour révéler un trésor enfoui. Demeurant là, il se demanda : « Où cet homme a-t-il bien pu cacher l’argent de mon père ? » Répétant le sortilège et regardant autour de lui, il découvrit qu’il était enterré dans le jardin. Pensant qu’avec cet argent il recouvrerait également son royaume, il s’adressa aux ascètes et dit : « Messieurs, je suis le fils du roi de Kosala. Lorsque notre royaume fut conquis par le roi de Bénarès, je me suis enfui déguisé et, jusqu’à présent, j’ai sauvé ma vie. Mais maintenant, j’ai récupéré les biens de ma famille. Avec cela, j’irai recouvrer mon royaume. Que ferez-vous ? »
« Nous aussi, nous irons avec toi », répondirent-ils.
« D’accord », dit-il. Il fit confectionner de grands sacs de cuir. La nuit, creusant un trou dans le sol, il en sortit les pots contenant le trésor. [117] Il y mit l’argent et les fit remplir d’herbe. Il ordonna ensuite aux cinq cents saints et à d’autres de prendre l’argent et s’enfuit à Sāvatthi. Là, il fit arrêter tous les officiers du roi et, recouvrant son royaume, restaura les murailles, les tours de guet et autres ouvrages. Ayant ainsi rendu la ville imprenable contre toute attaque de roi hostile, il s’y installa. On annonça au roi de Bénarès : « Les ascètes ont emporté le trésor de votre jardin et se sont enfuis. » Il se rendit au jardin et, ouvrant les pots, n’y trouva que de l’herbe. La perte de son trésor le plongea dans une grande tristesse. En route pour la ville, il erra en murmurant : « De l’herbe, de l’herbe ! » et personne ne put apaiser son chagrin. Le Bodhisatta pensa : « Le roi est en grande difficulté. Il erre de long en large, bavardant sans but. À part moi, personne n’a le pouvoir de chasser son chagrin. Je le délivrerai de ses ennuis. » Un jour, alors qu’il était assis tranquillement avec lui, alors que le roi se mettait à bavarder, il répéta la première strophe :
« L’herbe » est toujours ton cri constant ;
Qui t’a pris ton herbe ?
De quoi as-tu besoin, ou pourquoi
Dis-tu seulement ce mot ?
Le roi, entendant ce qu’il disait, répondit dans une seconde strophe :
Chatta, saint homme de renommée,
Comme il arriva, voici ce qui arriva :
Je le tiens seul pour responsable,
Remplacer l’herbe par l’or.
[118] Le Bodhisatta, en entendant cela, prononça une troisième strophe :
Les gens astucieux devraient imposer leur règle,
« Un peu donnant et un peu prenant. »
Ce qu’il a pris était tout à lui,
Il ne restait que de l’herbe.
En entendant cela, le roi prononça la quatrième strophe :
La vertu ne suit pas de telles règles,
Ce sont des principes moraux dignes des imbéciles.
Ils doivent avoir des mœurs douteuses,
Apprendre aussi est une vanité.
Tandis qu’il blâmait ainsi Chatta, le roi, par ces paroles du Bodhisatta, fut libéré de son chagrin et gouverna son royaume avec justice.
Le Maître termina ici sa leçon et identifia la Naissance : « À cette époque, le Frère coquin était le grand Chatta, et j’étais moi-même le sage ministre. »