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« Rien en commun », etc.—Cette histoire, le Maître, demeurant à Jetavana, la raconta concernant le précepte moral sur la calomnie.
Un jour, le Maître, apprenant que les Six [1] Prêtres recueillaient des calomnies, les appela et leur demanda : « Est-il vrai, Frères, que vous recueillez des calomnies sur ceux de vos frères enclins aux querelles, aux conflits et aux disputes, et que des querelles, qui autrement n’auraient pas lieu, surgissent et, lorsqu’elles surviennent, ont tendance à s’aggraver ? » « C’est vrai », dirent-ils. Puis il réprimanda ces frères et dit : « Frères, la médisance est comme un coup d’épée tranchante. Une amitié solide est vite brisée par la calomnie et ceux qui l’écoutent risquent de s’éloigner de leurs amis, comme ce fut le cas du lion et du taureau. » Et ce disant, il raconta une vieille légende du passé.
Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta naquit comme son fils, et après avoir acquis tous les arts à Takkasilā, à la mort de son père, il dirigea son royaume avec justice.
À cette époque, un bouvier qui gardait le bétail dans ses étables en forêt rentra chez lui et laissa par inadvertance une vache pleine de veau. Une solide amitié naquit entre cette vache et une lionne. Les deux animaux devinrent de grands amis et allèrent ensemble. Ainsi, au bout d’un moment, la vache mit au monde un veau et la lionne un lionceau. Ces deux jeunes créatures, par la force des liens familiaux, devinrent également de grands amis et allèrent ensemble. [150] Alors un forestier, après avoir constaté leur affection, prit des marchandises produites dans la forêt et se rendit à Bénarès pour les offrir au roi. Le roi lui demanda : « Ami, as-tu vu une merveille inhabituelle dans la forêt ? » Il répondit : « Je n’ai rien vu d’autre de merveilleux, mon seigneur, mais j’ai vu un lion et un taureau errant ensemble, très amicaux l’un envers l’autre. »
« Si un troisième animal apparaît », dit le roi, « il y aura certainement des ennuis. Venez me dire si vous voyez le couple rejoint par un troisième animal. »
« Certainement, mon seigneur », répondit-il.
Lorsque le forestier fut parti pour Bénarès, un chacal s’occupa du lion et du taureau. De retour dans la forêt, voyant cela, il dit : « Je vais prévenir le roi qu’un troisième animal est apparu. » Et il partit pour la ville. Le chacal pensa : « Il n’y a pas de viande que je n’aie mangée, si ce n’est la chair des lions et celle des taureaux. En les disputant, je mangerai leur chair. » Il dit : « Voilà comment il parle de vous. » Les séparant ainsi, il provoqua bientôt une querelle et les condamna à l’agonie.
Mais le forestier vint dire au roi : « Monseigneur, un troisième animal est apparu. » « Lequel ? » demanda le roi. « Un chacal, monseigneur. » Le roi dit : « Il va les provoquer en querelle et provoquer leur mort. Nous les trouverons morts à notre arrivée. » Ce disant, il monta sur son char et, suivant la route indiquée par le forestier, il arriva au moment même où les deux animaux s’étaient mutuellement entretués. Le chacal, ravi, mangeait tantôt la chair du lion, tantôt celle du taureau. Le roi, voyant qu’ils étaient tous deux morts, se tint debout, tel qu’il était, sur son char et, s’adressant à son cocher, prononça ces vers :
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Ce couple n’avait rien en commun,
Ils ne partageaient ni épouses ni nourriture ;
Mais voici quelle parole calomnieuse,
Aussi tranchant qu’une épée à double tranchant,
A conçu avec ruse et art
Des amis de longue date à garder à l’écart.
Ainsi tombèrent le taureau et le lion
La proie de la bête la plus méchante de toutes :
Ainsi seront tous les compagnons de lit
Avec ce couple dans la misère,
S’ils prêtent une oreille attentive
Au ricanement murmuré du calomniateur.
Mais ils prospèrent extrêmement bien,
Tout comme ceux qui habitent dans le ciel,
Qui ne doit jamais calomnier -
Calomnie séparant un ami d’un ami.
[ p. 101 ]
[152] Le roi prononça ces vers, et, après avoir ordonné de rassembler la crinière, la peau, les griffes et les dents du lion, il retourna directement dans sa ville.
Le Maître, ayant terminé sa leçon, identifia ainsi la Naissance : « À cette époque, j’étais moi-même le roi. »
[^60] : 99 : 1 Voir no. 361 infra, Contes tibétains, XXXIII. p. 325, « Le chacal comme calomniateur » et Introduction au Panchatantra de Benfey.
99:2 Voir Vol. i. no. 28, p. 71. ↩︎