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[191] « En est-il ainsi, Sudātha », etc. — Le Maître, alors qu’il résidait à Jetavana, raconta cette histoire concernant les deux principaux disciples. Un jour, les deux principaux anciens décidèrent de se consacrer à la solitude pendant la saison des pluies. Ils dirent donc adieu au Maître et, quittant la compagnie des Frères, quittèrent Jetavana, portant de leurs propres mains leur bol et leurs robes, et allèrent vivre dans une forêt près d’un village frontalier. Un homme, qui servait les anciens et se nourrissait de leurs provisions, vivait à l’écart au même endroit. Voyant le bonheur que ces anciens vivaient ensemble, il pensa : « Je me demande s’il est possible de les séparer. » Il s’approcha donc de Sāriputta et dit : « Se pourrait-il, Révérend, qu’il y ait une querelle entre vous et le vénérable chef ancien Moggallāna ? » « Pourquoi donc, Monsieur ? » demanda-t-il. « Il arrive toujours, Saint Seigneur, qu’il vous dise avec mépris : « Quand je ne serai plus là, que vaut Sāriputta comparé à moi en caste, en lignée, en famille et en pays, ou en puissance de ses connaissances dans les livres sacrés ? » L’aîné sourit et dit : « Va-t’en, mon cher ! » Un autre jour, il s’approcha du grand aîné Moggallāna et lui dit la même chose. Lui aussi sourit et dit : « Va-t’en, mon cher ! » Moggallāna alla trouver Sāriputta et lui demanda : « Cet homme, qui vit de nos restes, vous a-t-il dit quelque chose ? » « Oui, mon ami, il l’a dit. » « Et il m’a dit exactement la même chose. Nous devons le chasser. » « Très bien, mon ami, chasse-le. » L’aîné dit : « Tu ne dois pas venir ici », et claquant des doigts, il le chassa. Les deux anciens vécurent heureux ensemble. De retour auprès du Maître, ils lui rendirent hommage et s’assirent. Le Maître leur parla avec bienveillance et leur demanda s’ils avaient bien vécu leur Retraite. Ils dirent : « Un mendiant a voulu nous opposer, mais n’ayant pas réussi à le faire, il s’est enfui. » Le Maître répondit : « En vérité, Sāriputta, non seulement maintenant, mais aussi autrefois, il a voulu vous opposer, mais n’ayant pas réussi à le faire, il s’est enfui. » Sur sa demande, il raconta une histoire d’autrefois.
Il était une fois, alors que Brahmadatta régnait à Bénarès, le Bodhisatta était un dieu-arbre dans une forêt. [192] À cette époque, un lion et un tigre vivaient dans une grotte de montagne dans cette forêt. Un chacal les gardait et, se nourrissant de leurs morceaux de viande, commença à grossir. Un jour, il fut frappé par cette pensée : « Je n’ai encore jamais mangé la chair d’un lion ou d’un tigre. Je dois mettre ces deux animaux par les oreilles, et quand, à la suite de leur querelle, ils auront trouvé la mort, je mangerai leur chair. » Il s’approcha donc du lion et dit : « Y a-t-il une querelle, Monsieur, entre vous et le tigre ? » « Pourquoi donc, Monsieur ? » « Votre Révérence », dit-il, « il parle toujours avec mépris et dit : « Quand je [ p. 127 ] suis parti, ce lion n’atteindra jamais le seizième de ma beauté personnelle, ni de ma taille et de ma corpulence, ni de ma force et de ma puissance naturelles. Alors le lion lui dit : « Va-t’en. Il ne parlera jamais ainsi de moi. » Alors le chacal s’approcha du tigre et lui parla de la même manière. En l’entendant, le tigre se précipita vers le lion et lui demanda : « Ami, est-il vrai que tu as dit ceci et cela de moi ? » Et il prononça la première strophe :
Est-ce ainsi que [^74]Sudāṭha parle de moi ?
« Par sa forme et son pedigree,
En puissance et en prouesse sur le terrain,
[^74]Subāhu doit encore me céder.
En entendant cela, Sudāṭha répéta les quatre strophes restantes :
Est-ce ainsi que Subāhu parle de moi ?
« Par sa forme et son pedigree,
En force et en prouesse sur le terrain, Sudāṭha doit encore me céder.
Si de telles paroles injurieuses sont de toi,
Tu ne seras plus mon ami.
L’homme qui prête une oreille attentive
À tous les ragots qu’il peut entendre,
Bientôt, il se dispute avec un ami,
Et l’amour finira par une haine amère.
Aucun ami ne soupçonne sans raison,
Ou recherche soigneusement les défauts ;
[193] Mais il reposera sur son ami en toute confiance
Comme un enfant sur le sein de sa mère,
Et jamais, par la parole d’un étranger
Soyez séparé du seigneur de son sein.
Après avoir exposé les qualités d’un ami dans ces quatre strophes, le tigre dit : « C’est ma faute », et implora le pardon du lion. Et ils continuèrent à vivre heureux ensemble au même endroit. Mais le chacal s’en alla et s’enfuit ailleurs.
Le Maître, ayant terminé sa leçon, identifia la Naissance : « À cette époque, le chacal était le mendiant qui vivait de viandes brisées, le lion était Sāriputta, le tigre Moggallāna, et la divinité qui habitait cette forêt et qui voyait tout cela de ses propres yeux était moi-même. »
126:1 Comparer le n° 349 supra, Contes tibétains,_ XXXIII : Le Chacal comme calomniateur et Introduction au Panchatantra de Benfey. ↩︎