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_« Les paysans », etc. — Le Maître raconta cette histoire, alors qu’il résidait à Jetavana, à propos de Mitta-gandhaka, un frère lai. [289] Cet homme, dit-on, issu d’une famille déchue de Sāvatthi, envoya un compagnon demander en mariage une jeune femme. On lui demanda : « A-t-il un ami ou un camarade capable de régler une affaire qui mérite d’être examinée ? » On répondit : « Non, il n’y en avait pas. » « Alors il doit d’abord se faire des amis », lui dirent-ils. L’homme suivit ce conseil et se lia d’amitié avec les quatre portiers. Ensuite, il se lia peu à peu d’amitié avec les gardes de la ville, les astrologues, les nobles de la cour, et même avec le commandant en chef et le vice-roi ; et grâce à leur association, il devint l’ami du roi, puis celui des quatre-vingts principaux anciens, et par l’intermédiaire de l’ancien Ānanda, avec le Tathāgata lui-même. Le Maître établit alors sa famille dans les Refuges et les Vertus, le roi lui accorda une haute place et il fut connu sous le nom de Mitta-gandhaka, « l’homme aux nombreux amis [^272] ». Le roi lui fit don d’une grande demeure et fit célébrer son festin nuptial. De nombreux personnages, du roi jusqu’aux plus modestes, lui envoyèrent des présents. Son épouse reçut ensuite un présent du roi, puis celui du vice-roi, puis celui du commandant en chef, et ainsi de suite, rassemblant sous son autorité tous les habitants de la ville. Le septième jour, le Dasabala fut invité en grande pompe par les jeunes mariés. De généreux présents furent offerts au Bouddha et à sa suite, au nombre de cinq cents ; à la fin du festin, ils reçurent les remerciements du Maître et furent tous deux établis dans le fruit de la Première Voie.
Dans la Salle de la Vérité, tout le monde en parlait. « Frères, le laïc Mitta-gandhaka suivit le conseil de sa femme et, grâce à elle, devint l’ami de tous et reçut de grands honneurs de la part du roi. Devenus amis du Maître, mari et femme furent établis dans le fruit du Premier Sentier. » Le Maître entra et demanda de quoi ils parlaient. Ils le lui expliquèrent. Il dit : « Ce n’est pas la première fois, Frères, que cet homme reçoit de grands honneurs grâce à cette femme. Autrefois, alors qu’il n’était qu’un animal, grâce à ses conseils, il s’était fait de nombreux amis et avait été libéré de toute anxiété pour un fils. » Ce disant, il raconta une histoire du passé.
Il était une fois, lorsque Brahmadatta était roi de Bénarès, des hommes des Marches qui s’installaient là où ils trouvaient le plus de nourriture. Ils vivaient dans la forêt et tuaient pour leur viande et celle de leurs familles le gibier qui y abondait. [290] Non loin de leur village se trouvait un grand lac naturel, et sur sa rive sud vivait un faucon, à l’ouest une épervier ; au nord un lion, roi des animaux ; à l’est un balbuzard pêcheur, roi des oiseaux ; au milieu vivait une tortue sur une petite île. Le faucon demanda à l’épervier de devenir son épouse. Elle lui demanda : « Avez-vous un ami ? » « Non, madame », répondit-il. « Nous devons trouver quelqu’un qui puisse nous défendre contre tout danger ou trouble qui pourrait survenir, et vous devez trouver des amis. » « Avec qui dois-je me lier d’amitié ? » « Eh bien, avec le roi Balbuzard pêcheur qui vit sur la rive est, avec le Lion au nord, et avec la Tortue qui réside au milieu de ce lac. » Il suivit son conseil et s’exécuta. Puis ils vécurent ensemble (il faut dire que sur un petit îlot du même lac poussait un arbre kadamba, entouré d’eau de tous côtés) dans un nid qu’ils avaient construit.
Ensuite, on leur donna deux fils. Un jour, alors que les ailes des jeunes étaient encore jeunes, des paysans passèrent la journée à fouiller les bois sans rien trouver. Ne voulant pas rentrer les mains vides, ils descendirent au lac pour attraper un poisson ou une tortue. Ils arrivèrent sur l’île et s’étendirent sous l’arbre kadamba. Là, tourmentés par les piqûres de moucherons et de moustiques, pour les chasser, ils allumèrent un feu en frottant des brindilles et firent de la fumée. La fumée qui s’élevait irrita les oiseaux, et les jeunes poussèrent un cri. « C’est le cri des oiseaux ! » dirent les paysans. « Debout, allumez le feu : nous ne pouvons pas rester ici affamés, mais avant de nous coucher, nous allons manger de la chair de volaille. » Ils allumèrent le feu et l’attisèrent. Mais la mère oiseau, entendant le bruit, pensa : « Ces hommes veulent manger nos jeunes. Nous nous sommes fait des amis pour nous sauver de ce danger. » « J’enverrai mon compagnon au grand Balbuzard pêcheur. » [291] Puis elle dit : « Va, mon mari, dis au Balbuzard pêcheur le danger qui menace nos petits », répétant cette strophe :
« Les paysans allument des feux sur l’île,
Pour manger mes petits dans peu de temps :
Ô Faucon ! Donne le mot à ton ami et à ton camarade,
« Mes enfants, dites à tous les oiseaux que c’est un danger ! »
Le coq vola à toute vitesse vers l’endroit et poussa un cri pour annoncer son arrivée. Après avoir obtenu la permission, il s’approcha du Balbuzard pêcheur et le salua. « Pourquoi es-tu venu ? » demanda le Balbuzard pêcheur. Le coq répéta alors la deuxième strophe :
« Ô oiseau ailé ! Tu es le plus grand des oiseaux :
Alors, roi balbuzard pêcheur, je cherche ton abri maintenant.
Certains paysans qui chassent actuellement sont ravis
Pour manger mes petits : sois à nouveau ma joie !
« N’aie pas peur », dit le Balbuzard pêcheur au Faucon, et pour le consoler, il répéta la troisième strophe :
« En saison, hors saison, les sages font
Amis et camarades pour votre protection :
Pour toi, ô Faucon ! J’accomplirai cet acte ;
Les bons doivent s’entraider dans leurs besoins.
[292] Puis il continua en demandant : « Les rustres ont-ils grimpé à l’arbre, mon ami ? » « Ils ne grimpent pas encore ; ils empilent juste du bois sur le feu. » « Alors tu ferais mieux d’aller vite réconforter mon [ p. 185 ] ami ton compagnon, et de lui dire que j’arrive. » Il s’exécuta. Le Balbuzard partit aussi, et d’un endroit près de l’arbre kadamba, il guetta les hommes grimpant, assis au sommet de l’arbre. Juste au moment où l’un des rustres qui grimpaient à l’arbre s’approchait du nid, le Balbuzard plongea dans le lac et, de ses ailes et de son bec, aspergea d’eau les tisons enflammés, de sorte qu’ils furent éteints. Les hommes redescendirent et allumèrent un autre feu pour cuire l’oiseau et ses petits ; lorsqu’ils remontèrent, le Balbuzard détruisit une fois de plus le feu. Ainsi, chaque fois qu’un feu était allumé, l’oiseau l’éteignait, et minuit arrivait. L’oiseau était très affligé : la peau sous son ventre était devenue très fine, ses yeux étaient injectés de sang. Le voyant, la femelle dit à son compagnon : « Seigneur, le Balbuzard pêcheur est épuisé ; va prévenir la Tortue, afin qu’elle puisse se reposer. » À ces mots, l’oiseau s’approcha du Balbuzard pêcheur et lui adressa une strophe :
« Le bien aide le bien : l’acte nécessaire
Tu as fait preuve de pitié pour nous dans le besoin.
Nos jeunes sont en sécurité, toi qui es vivant : prends soin de toi
De toi-même, et ne te fatigue pas de toutes tes forces.
En entendant ces mots, aussi forts que le rugissement d’un lion, il répéta la cinquième strophe :
« Pendant que je veille sur cet arbre,
Peu m’importe si je perds ma vie pour toi :
Alors utilise le bien : ainsi fera un ami pour un ami :
Oui, même s’il périt à la fin.
[293] Mais la sixième strophe fut répétée par le Maître, dans sa Sagesse Parfaite, alors qu’il louait la bonté de l’oiseau :
« L’oiseau né d’un œuf qui vole dans les airs a accompli un travail des plus pénibles,
Le Balbuzard pêcheur, gardant bien les poussins avant l’obscurité de minuit.
Alors le Faucon dit : « Repose-toi un instant, ami Balbuzard pêcheur », puis il s’en alla vers la Tortue, qu’il réveilla. « Que veux-tu faire, ami ? » demanda la Tortue. « Tel danger nous menace, et le Balbuzard pêcheur royal peine depuis la première veille et est très fatigué ; c’est pourquoi je suis venu te trouver. » Sur ces mots, il répéta la septième strophe :
« Même ceux qui tombent par le péché ou par une mauvaise action
Ils pourraient se relever s’ils reçoivent de l’aide en cas de besoin.
Mon jeune en danger, je vole droit vers toi :
Ô habitant du lac, viens me secourir !
En entendant cela, la Tortue répéta une autre strophe :
« L’homme bon envers un homme qui est son ami,
La nourriture et les biens, et même la vie elle-même, seront prêtés.
Pour toi, ô Faucon ! J’accomplirai cet acte :
Les bons doivent s’entraider dans leurs besoins.
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Son fils, qui se trouvait non loin de là, entendant les paroles de son père, pensa : « Je ne voudrais pas que mon père soit troublé, mais je ferai la part de mon père », et il répéta donc la neuvième strophe :
« Reste ici à ton aise, ô mon père,
Et moi, ton fils, je ferai cette tâche pour toi.
[294] Un fils doit servir son père, c’est donc mieux ;
Je sauverai le faucon et ses petits dans le nid.
Le père Tortue s’adressa à son fils dans une strophe :
« Fais donc le bien, mon fils, et c’est vrai
C’est ce que le fils devrait faire pour servir son père.
Pourtant, ils peuvent laisser la jeune couvée du faucon tranquille,
Peut-être, s’ils me voient si adulte.
Sur ces mots, la Tortue renvoya le Faucon, ajoutant : « N’aie pas peur, mon ami, mais va devant, et je viendrai bientôt après. » Il plongea dans l’eau, ramassa de la boue, se rendit sur l’île, éteignit le feu et resta immobile. Alors les paysans s’écrièrent : « Pourquoi nous inquiéterions-nous des jeunes faucons ? Roulons sur cette maudite [^273] Tortue et tuons-la ! Elle suffira à tous. » Ils arrachèrent donc des lianes et se procurèrent des ficelles, mais après les avoir attachées à un endroit ou à un autre et déchiré leurs vêtements en lambeaux, ils ne purent faire rouler la Tortue. La Tortue les traîna avec elle et plongea dans l’eau profonde. Les hommes étaient si impatients de le récupérer qu’ils se lancèrent à sa poursuite, barbotèrent et sortirent le ventre plein d’eau. « Regardez donc », dirent-ils : « Pendant la moitié de la nuit, un Balbuzard pêcheur a éteint notre feu, et maintenant cette Tortue nous a fait tomber à l’eau et l’a avalé, à notre grand désespoir. Eh bien, nous allons allumer un autre feu, et au lever du soleil, nous mangerons ces jeunes faucons. » Ils commencèrent alors à allumer un feu. La poule entendit le bruit qu’ils faisaient et dit : « Mon mari, tôt ou tard, ces hommes dévoreront nos petits et partiront : va prévenir notre ami le Lion. » Il alla aussitôt trouver le Lion, qui lui demanda pourquoi il était venu à une heure aussi indue. L’oiseau lui raconta tout depuis le début et répéta la onzième strophe :
« Le plus puissant de tous les animaux, tant les bêtes que les hommes
Volez vers le plus fort lorsque vous êtes assailli par la peur.
Mes jeunes sont en danger ; aidez-moi alors :
Tu es notre roi, et c’est pourquoi je suis ici.
Cela dit, le Lion répéta une strophe :
« Oui, je te rendrai ce service, Faucon :
Venez, allons tuer cette bande d’ennemis !
Certes, le prudent, celui que la sagesse connaît,
« Le protecteur d’un ami doit s’efforcer d’être. »
Ayant ainsi parlé, il le congédia en disant : « Maintenant, va réconforter tes petits. » Puis il s’avança, barattant l’eau cristalline. [ p. 187 ] Lorsque les rustres l’aperçurent approcher, ils furent terrifiés : « Le Balbuzard pêcheur, s’écrièrent-ils, éteignez nos tisons ; la Tortue nous a fait perdre nos vêtements ; mais maintenant, nous sommes perdus. Ce Lion va nous détruire sur-le-champ. » Ils coururent çà et là ; lorsque le Lion arriva au pied de l’arbre, il ne put rien voir. [296] Alors le Balbuzard pêcheur, le Faucon et la Tortue s’approchèrent et l’abordèrent. Il leur parla des bienfaits de l’amitié et dit : « Dorénavant, prenez garde de ne jamais rompre les liens de l’amitié. » Sur ce conseil, il partit ; et ils retournèrent chacun chez lui. La femelle épervier, regardant ses petits, pensa : « Ah, grâce à des amis, mes petits m’ont été rendus ! » Et, tout en se réjouissant, elle parla à son compagnon et récita six strophes déclarant les effets de l’amitié :
« Trouvez-vous des amis, une maison pleine à coup sûr,
Trouvez-vous un bon ami : une bénédiction, il sera trouvé [^274] :
En vain frappez les flèches sur une cotte de mailles.
Et nous nous réjouissons, nos jeunes sont sains et saufs.
« Avec l’aide de leur propre camarade, l’ami qui est resté pour prendre leur parti,
On gazouille, les oisillons répondent en gazouillant, avec des notes qui charment le cœur.
« Le sage demande de l’aide à un ami ou à un camarade,
Vit heureux avec ses biens et sa progéniture :
Alors moi, mon compagnon et mon jeune, nous nous tenons ensemble,
Parce que notre ami était enclin à la pitié.
« Un homme a besoin d’un roi et de guerriers pour se protéger :
Et ceux-ci sont ceux dont l’amitié est parfaite :
Tu désires ardemment le bonheur : il est célèbre et fort ;
Celui à qui appartiennent les amis prospère certainement.
« Même les pauvres et les faibles, ô Faucon, doivent nécessairement trouver de bons amis :
Voyez maintenant, grâce à la bonté, nous et les nôtres sommes tous sains et saufs.
« L’oiseau qui gagne un héros fort pour jouer un rôle amical,
Comme toi et moi sommes heureux, Hawk est heureux dans son cœur.
[297] Elle déclara ainsi la qualité de l’amitié en six strophes. Et tous ces amis vécurent toute leur vie sans rompre le lien de l’amitié, puis s’éteignirent selon leurs actes.
Le Maître, ayant terminé ce discours, dit : « Ce n’est pas la première fois, Frères, qu’il accède à la félicité par l’intermédiaire de sa femme ; c’était la même chose auparavant. » Par ces mots, il identifia la Naissance : « À cette époque, le couple marié était le couple de Faucons, Rāhula était la jeune Tortue, Moggallāna était la vieille Tortue, Sāriputta le Balbuzard pêcheur, et j’étais moi-même le Lion.
[^281] : 186 : 1 Lecture de kāla-.