[ p. 116 ]
[^78]
« Que signifient ces choses ? » etc. Le Maître, alors qu’il résidait à Jetavana, raconta cette histoire concernant la Perfection de la Sagesse. On trouvera le récit de cet incident dans le Mahāummagga [^79]. Or, à cette occasion, le Maître dit : « Non seulement maintenant, mais aussi autrefois, le Tathāgata était sage et écrasait tous les disputeurs », et par ces mots, il raconta une histoire du passé.
Il était une fois, sous le règne de Brahmadatta, le Bodhisatta, né à Bénarès, dans le royaume de Kāsi, dans la famille d’un magnat brahmane du Nord, fortuné de quatre-vingts crores, qui le nomma jeune Bodhi. À sa majorité, il fut instruit à Takkasilā, et de retour chez lui, il vécut plongé dans les soucis domestiques. Renonçant peu à peu à ses mauvais désirs, il se retira dans l’Himalaya [228] et embrassa la vie ascétique d’un mendiant errant. Il y vécut longtemps, se nourrissant de racines et de baies sauvages. À la saison des pluies, il descendit de l’Himalaya et, faisant ses tournées de mendicité, il s’approcha peu à peu de Bénarès. Là, il s’installa dans le parc royal et, le lendemain, faisant sa tournée de la ville pour demander l’aumône, en tant que mendiant, il s’approcha de la porte du palais. Le roi, debout à sa fenêtre, le vit et, ravi de son calme, le fit entrer dans son palais et le fit asseoir sur le divan royal. Après une brève conversation amicale, le roi écouta un exposé de la Loi, puis lui offrit une variété de mets délicats. Le Grand Être accepta la nourriture et pensa : « En vérité, la cour de ce roi est pleine de haine et regorge d’ennemis. Qui, je me le demande, me délivrera d’une peur qui a germé en moi ? » Et, apercevant un chien fauve, favori du roi, debout près de lui, il prit un morceau de nourriture et fit mine de vouloir le donner au chien. Le roi, s’en apercevant, fit apporter la gamelle du chien et lui ordonna de prendre la nourriture et de la donner au chien. Le Grand Être s’exécuta, puis termina son repas. Le roi, obtenant son consentement, fit construire pour lui une hutte de feuillage dans le parc royal de la ville et, lui accordant tout ce qu’un ascète pouvait exiger, il l’y laissa habiter. Et deux ou trois fois par jour, le roi venait lui rendre hommage. Et aux repas, le Grand Être continuait de s’asseoir sur le divan royal et de partager la nourriture royale. Ainsi passèrent douze ans. Le roi avait alors cinq conseillers qui lui enseignaient ses devoirs temporels et spirituels. L’un d’eux niait l’existence de la Cause (Karma). Un autre croyait que tout était l’acte d’un Être Suprême. Un troisième professait la doctrine des actions antérieures. Un quatrième croyait à l’annihilation à la mort. Un cinquième tenait la doctrine Kshatriya. Celui qui niait la Cause enseignait au peuple que les êtres de ce monde étaient purifiés par la renaissance. Celui qui croyait à l’action d’un Être Suprême enseignait que le monde avait été créé par lui. Celui qui croyait aux conséquences des actes antérieurs enseignait que la tristesse ou la joie qui frappe l’homme ici-bas est le résultat d’une action antérieure. Le croyant en l’annihilation enseignait que personne ne passe d’ici à un autre monde, mais que ce monde est anéanti.Celui qui professait la foi kshatriya enseignait que l’intérêt personnel est précieux, même au prix de la mort de ses parents. Ces hommes furent nommés juges à la cour du roi, [229] et, avides de pots-de-vin, ils dépossédèrent le propriétaire légitime de ses biens. Un jour, un homme, victime d’une fausse action en justice, vit le Grand Être entrer au palais pour demander l’aumône. Il le salua et lui exposa sa rancune en disant : « Saint Seigneur, pourquoi, vous qui prenez vos repas au palais du roi, considérez-vous avec indifférence [^80] l’action de ses seigneurs juges qui, en acceptant des pots-de-vin, ruinent tout le monde ? Il y a un instant, ces cinq conseillers, en acceptant un pot-de-vin d’un homme qui avait intenté une fausse action, m’ont injustement dépossédé de mes biens. » Alors, pris de pitié pour lui, le Grand Être se rendit au tribunal et, rendant un jugement juste, le rétablit dans ses biens. Le peuple, d’un commun accord, applaudit bruyamment son geste. Le roi, entendant le bruit, demanda ce que cela signifiait. Lorsqu’on lui eut expliqué ce que c’était, le Grand Être, après avoir terminé son repas, s’assit à côté de lui et demanda : « Est-il vrai, Révérend Seigneur, comme on le dit, que vous avez statué sur un procès ? » « C’est vrai, Sire. » Le roi dit : « Ce sera dans l’intérêt du peuple que vous jugiez des affaires ; désormais, c’est vous qui siégerez en jugement. » « Sire », répondit-il, « nous sommes des ascètes ; ce n’est pas notre affaire. » « Sire, vous devriez le faire par pitié pour le peuple. Vous n’avez pas besoin de juger toute la journée, mais quand vous reviendrez du parc, rendez-vous à l’aube au lieu du jugement et jugez quatre affaires ; puis retournez au parc et, après avoir mangé, jugez quatre autres affaires, et ainsi le peuple en tirera profit. » Après avoir été maintes fois importuné, il accepta et s’exécuta en conséquence. Ceux qui intentaient des actions frauduleuses ne trouvèrent plus d’occasion, et les conseillers, ne recevant aucun pot-de-vin, se trouvèrent dans une situation difficile et pensèrent : « Depuis que ce mendiant Bodhi siège en jugement, nous n’avons plus rien. » Le qualifiant d’ennemi du roi, ils dirent : « Allons, calomnions-le auprès du roi et provoquons sa mort. » S’approchant alors du roi, ils dirent : [ p. 118 ] « Sire, le mendiant Bodhi vous veut du mal. » Le roi ne les crut pas et dit : « Non, c’est un homme bon et instruit ; il ne ferait pas cela. » « Sire », répondirent-ils, « tous les citoyens sont ses créatures : [230] nous sommes les cinq seules personnes qu’il ne peut pas mettre sous sa coupe. Si vous ne nous croyez pas, lors de sa prochaine venue ici, observez ses partisans. » Le roi accepta et, se tenant à sa fenêtre, il guetta sa venue. Voyant la foule de prétendants qui suivaient Bodhi à son insu, le roi pensa qu’il s’agissait de sa suite. Étant prévenu contre lui, il convoqua ses conseillers et leur demanda : « Que devons-nous faire ? » « Faites-le arrêter, Sire », dirent-ils.« À moins que nous ne constations une faute grave de sa part », dit-il, « comment l’arrêterons-nous ? » « Eh bien, diminuons l’honneur qu’on lui rend habituellement, et lorsqu’il verra ce manque de respect, en sage mendiant, il s’enfuira de lui-même sans rien dire à personne. » Le roi accepta cette suggestion et diminua peu à peu le respect qu’on lui témoignait. Le lendemain, on le fit asseoir sur un divan nu. Il le remarqua et comprit aussitôt qu’il avait été calomnié auprès du roi. De retour au parc, il comptait partir le jour même, mais il pensa : « Quand j’en serai certain, je partirai », et il ne partit pas. Le lendemain, alors qu’il était assis sur le divan nu, on vint apporter des mets préparés pour le roi, ainsi que d’autres mets, et on lui servit un mélange des deux. Le troisième jour, on ne le laissa pas s’approcher de l’estrade, mais, le plaçant en haut de l’escalier, on lui offrit un mélange de mets. Il la prit et, se retirant dans le parc, y prépara son repas. Le quatrième jour, on le plaça sur la terrasse en contrebas et on lui donna un bouillon de poussière de riz. Il l’emporta également dans le parc et y prépara son repas. Le roi dit : « Bien que les honneurs qui lui sont rendus soient diminués, le Grand Bodhi, le mendiant, ne s’en va pas. Que devons-nous faire ? » « Sire », dirent-ils, « ce n’est pas pour l’aumône qu’il vient ici ; il recherche la souveraineté. S’il était venu uniquement pour l’aumône, il se serait enfui dès le premier jour où il a été offensé. » « Que devons-nous faire alors ? » « Qu’on le tue demain, Sire. » Il répondit : « C’est bien », et plaçant des épées entre les mains de ces mêmes hommes, il dit : « Demain, lorsqu’il sera là, coupez-lui la tête et hachez-le, et sans dire un mot à personne, jetez son corps sur un tas de fumier, puis prenez un bain et revenez ici. »« Bien que les honneurs qui lui sont rendus soient diminués, le Grand Bodhi, le mendiant, ne s’en va pas. Que devons-nous faire ? » « Sire », dirent-ils, « ce n’est pas pour l’aumône qu’il vient ici ; mais il recherche la souveraineté. S’il était venu uniquement pour l’aumône, il se serait enfui dès le premier jour où il a été offensé. » « Que devons-nous faire alors ? » « Qu’on le tue demain, Sire. » Il répondit : « C’est bien », et plaçant des épées entre les mains de ces mêmes hommes, il dit : « Demain, lorsqu’il sera là et se tiendra devant la porte, coupez-lui la tête et hachez-le, et sans dire un mot à personne, jetez son corps sur un tas de fumier, puis prenez un bain et revenez ici. »« Bien que les honneurs qui lui sont rendus soient diminués, le Grand Bodhi, le mendiant, ne s’en va pas. Que devons-nous faire ? » « Sire », dirent-ils, « ce n’est pas pour l’aumône qu’il vient ici ; mais il recherche la souveraineté. S’il était venu uniquement pour l’aumône, il se serait enfui dès le premier jour où il a été offensé. » « Que devons-nous faire alors ? » « Qu’on le tue demain, Sire. » Il répondit : « C’est bien », et plaçant des épées entre les mains de ces mêmes hommes, il dit : « Demain, lorsqu’il sera là et se tiendra devant la porte, coupez-lui la tête et hachez-le, et sans dire un mot à personne, jetez son corps sur un tas de fumier, puis prenez un bain et revenez ici. »
Ils acceptèrent volontiers et dirent : « Demain, nous viendrons faire ainsi. » [231] Après avoir arrangé les choses, ils regagnèrent chacun leur demeure. Le roi, après son repas du soir, s’allongea sur le lit royal et se remémora les vertus du Grand Être. Aussitôt, le chagrin s’abattit sur lui, la sueur ruissela sur son corps et, sans trouver de réconfort dans son lit, il se roula sur le côté. Sa reine principale était allongée à ses côtés, mais il n’échangea pas un seul mot avec elle. [ p. 119 ] Elle lui demanda donc : « Comment se fait-il, Sire, que vous ne me disiez rien ? Vous ai-je offensé de quelque manière que ce soit ? » « Non, madame », dit-il, « mais on me dit que le mendiant Bodhi est devenu notre ennemi. J’ai ordonné à cinq de mes conseillers de le tuer demain. Après l’avoir tué, ils le découperont en morceaux et jetteront son corps sur un tas de fumier. Mais depuis douze ans, il nous a enseigné bien des vérités. Je n’ai jamais vu clairement en lui une seule faute, mais à l’instigation d’autres, j’ai ordonné sa mise à mort, et c’est pourquoi je suis affligée. » Puis elle le réconforta en disant : « Sire, c’est votre ennemi, pourquoi vous affligez-vous de le tuer ? Il faut veiller à votre propre sécurité, même si l’ennemi que vous tuez est votre propre fils. Ne le prenez pas trop à cœur. » Il fut rassuré par ses paroles et s’endormit. À cet instant, le chien fauve bien élevé, entendant ces paroles, pensa : « Demain, par mes propres moyens, je dois sauver la vie de cet homme. » Tôt le lendemain matin, le chien descendit de la terrasse et, arrivant à la grande porte, il resta couché, la tête sur le seuil, observant la route par laquelle le Grand Être était arrivé. Mais les conseillers, l’épée à la main, arrivèrent tôt le matin et se postèrent à l’intérieur. Bodhi, observant l’heure, sortit du parc et s’approcha de la porte du palais. Le chien, le voyant, ouvrit la gueule et montra ses quatre grandes dents. Il pensa : « Pourquoi, saint seigneur, ne cherchez-vous pas l’aumône ailleurs en Inde ? Notre roi a posté cinq conseillers armés de sabres à l’intérieur de la porte pour vous tuer. Ne venez pas en acceptant la mort comme votre destin [1], mais partez au plus vite. » Il poussa un aboiement puissant. Grâce à sa connaissance de la signification de tous les sons, Bodhi comprit la situation et retourna au parc [232] prendre tout le nécessaire pour son voyage. Mais le roi, debout à sa fenêtre, constatant qu’il ne viendrait pas, pensa : « Si cet homme est mon ennemi, il retournera au parc, rassemblera toutes ses forces et sera prêt à l’action. Sinon, il prendra certainement tout ce dont il a besoin et sera prêt à partir. Je vais découvrir ce qu’il fait. » Et en allant au parc, il trouva le Grand Être sortant de sa hutte de feuilles et avec tout son nécessaire au bout de son chemin de cloître, prêt à partir, et le saluant, il se tint sur le côté et prononça la première strophe :
Que signifient ces choses, parapluie, chaussures, robe de peau et bâton à la main ?
Et ce manteau, ce bol et ce crochet ? Je voudrais bien comprendre.
Pourquoi t’es-tu précipité à partir et vers quelle terre lointaine ?
En entendant cela, le Grand Être pensa : « Je suppose qu’il ne comprend pas ce qu’il a fait. Je vais le lui faire savoir. » Et il répéta deux strophes :
Ces douze longues années, j’ai habité, ô roi, dans ton parc royal ;
Et jamais auparavant ce chien n’avait été vu aboyer.
Aujourd’hui, il montre ses dents si blanches, maintenant provocantes et fières,
Et entendant ce que tu disais, la reine, pour m’avertir, hurle à haute voix.
[ p. 120 ]
Alors le roi reconnut son péché et, demandant pardon, il répéta la quatrième strophe :
[233]
Le péché était mien : toi, saint seigneur, mon dessein était de te tuer ;
Mais maintenant je te favorise à nouveau, et je voudrais que tu restes.
En entendant cela, le Grand Être dit : « En vérité, Sire, les sages ne demeurent pas avec quelqu’un qui, sans avoir rien vu de ses propres yeux, suit l’exemple des autres », et en disant cela, il exposa sa mauvaise conduite et parla ainsi :
Ma nourriture d’autrefois était pure et blanche, puis elle était bigarrée en couleur,
Maintenant, il est brun comme un brun. Il est temps que je me retire.
D’abord sur l’estrade, puis à l’étage et enfin en bas je dîne ;
Avant d’être jeté dehors, je démissionnerai de ma place.
N’aie pas d’ami infidèle : il est comme un puits sec.
Quelle que soit la profondeur à laquelle on creuse, le ruisseau sera boueux.
Cultive toujours un ami fidèle, évite un ami infidèle,
Comme un assoiffé se précipite vers une piscine, un ami fidèle le poursuit.
Attache-toi à l’ami qui s’accroche à toi, rends son amour par l’amour ;
Celui qui abandonne un ami fidèle est considéré comme un être triste.
Celui qui ne s’attache pas à un ami fidèle, et dont l’amour ne rend pas l’amour,
Il est le plus vil des hommes, et il ne se classe pas au-dessus de la tribu des singes.
Se rencontrer trop souvent est aussi mauvais que ne pas se rencontrer du tout ;
Demander une faveur un peu trop tôt, c’est aussi rendre l’amour lassant.
Visitez un ami, mais pas trop souvent, et ne prolongez pas votre séjour ;
Au bon moment, les faveurs implorent : ainsi l’amour ne dépérira jamais.
Ceux qui restent trop longtemps constatent souvent que leur ami se transforme en ennemi ;
Alors, avant de perdre ton amitié, je prendrai congé et partirai.
[234] Le roi dit :
Même si je te supplie les mains jointes, tu ne m’écoutes pas,
Tu n’as pas de mots pour nous à qui ton service serait cher,
J’ai une seule envie : revenir nous rendre visite ici.
Le Bodhisatta dit :
Si rien ne vient briser notre vie, ô roi, si toi et moi
Toujours vivant, ô protecteur de ton royaume, peut-être volerai-je ici,
Et nous pourrons peut-être encore nous revoir, au fil des jours et des nuits.
[235] Ainsi parla le Grand Être et prêcha la Vérité au roi, en disant : « Sois vigilant, ô Sire. » Et quittant le parc, après avoir fait une tournée pour demander l’aumône dans un district qui lui appartenait, il quitta Bénarès et atteignit peu à peu un endroit dans l’Himalaya. Après y avoir séjourné quelque temps, il descendit des collines et s’installa dans une forêt près d’un village frontalier. Dès son départ, ces conseillers siégèrent de nouveau en jugement, pillant le peuple, et ils pensèrent : « Si le Grand Bodhi, le mendiant, revenait, nous perdrions nos moyens de subsistance. Que devons-nous faire pour l’empêcher de revenir ? » Alors, cette pensée leur vint à l’esprit : « De tels gens ne peuvent abandonner aucun objet auquel ils sont attachés. Quel peut être l’objet ici auquel il est attaché ? » Puis, convaincus qu’il devait s’agir du roi [ p. 121 ] principale épouse, pensèrent-ils : « Voilà pourquoi il revient ici. Nous serons à l’avance [2] avec eux et la mettrons à mort. » Et ils répétèrent cela au roi, disant : « Sire, aujourd’hui, une certaine rumeur court dans la ville. » « Quelle rumeur ? » demanda-t-il. « Le grand Bodhi le mendiant et la reine s’envoient des messages. » « Dans quel but ? » « Son message à la reine, disent-ils, est le suivant : « Serez-vous capable, par vos propres moyens, de mettre le roi à mort et de m’accorder le parapluie blanc ? » Son message à lui est : « La mort du roi, en vérité, est ma charge : vous devez venir rapidement. » Ils répétèrent cela sans cesse jusqu’à ce que le roi le croie et demande : « Que faire alors ? » Ils répondirent : « Nous devons mettre la reine à mort. » Et sans enquêter sur la vérité, il dit : « Eh bien, mettez-la à mort, et, découpant son corps en morceaux, jetez-le sur le fumier. » Ils s’exécutèrent, et la nouvelle de sa mort se répandit dans toute la ville. Ses quatre fils dirent alors : « Notre mère, pourtant innocente, a été mise à mort par cet homme », et ils devinrent les ennemis du roi. Et le roi fut profondément terrifié. Le Grand Être apprit ce qui s’était passé et pensa : « À part moi, personne ne peut apaiser ces princes et les inciter à pardonner à leur père ; je sauverai la vie du roi et les délivrerai de leurs mauvais desseins. » Le lendemain, il entra dans un village frontalier et, après avoir mangé la chair d’un singe que lui avaient donnée les habitants, il demanda la peau qu’il avait séchée dans sa hutte d’ermite jusqu’à ce qu’elle perde toute odeur, puis en fit une robe intérieure et extérieure qu’il posa sur son épaule. Pourquoi fit-il cela ? Afin de pouvoir dire : « Cela m’est très utile. » Prenant la peau avec lui, il se dirigea peu à peu vers Bénarès et, s’approchant des jeunes princes, il leur dit : « Tuer son propre père est une chose terrible : vous ne devez pas le faire. Aucun mortel n’est à l’abri de la corruption et de la mort. Je suis venu ici pour vous réconcilier ; lorsque j’enverrai un message, vous devrez venir à moi. »" Après avoir ainsi exhorté les jeunes gens, il entra dans le parc de la ville et s’assit sur une dalle de pierre, étendant la peau de singe dessus.
Lorsque le gardien du parc vit cela, il se hâta d’aller le dire au roi. Le roi, en entendant cela, fut rempli de joie et, emmenant ces conseillers avec lui, alla saluer le Grand Être et, s’asseyant, commença à converser agréablement avec lui. Le Grand Être, sans échange de salutations amicales, continua à caresser sa peau de singe. Le roi dit : « Seigneur, sans rien prévoir [3] pour moi, vous continuez à frotter votre peau de singe. Cela vous est-il plus utile que moi ? » « Oui, Seigneur, ce singe m’est d’une grande utilité. Je voyageais assis sur son dos. Il portait ma cruche d’eau pour moi. Il balayait ma demeure. [ p. 122 ] Il accomplissait pour moi divers travaux mineurs. Par sa simplicité, j’ai mangé sa chair et, après avoir fait sécher sa peau, je l’ai étalée, je m’assieds et je m’allonge dessus : elle m’est donc très utile. » Ainsi, pour réfuter ces hérétiques, il attribua les actes d’un singe à la peau de singe, et c’est dans ce but qu’il parla ainsi. Ayant autrefois revêtu sa peau, il dit : « J’ai voyagé assis sur son dos. » Ayant placé la peau sur son épaule et ayant ainsi porté son récipient à boire, il dit : « Il a porté mon récipient à boire. » Ayant balayé le sol avec la peau, il dit : « Il balaie ma demeure. » Lorsqu’il se couche, parce que son dos est touché par cette peau, et lorsqu’il marche dessus, parce qu’elle touche ses pieds, il dit : « Il a accompli tel et tel devoir pour moi. » Lorsqu’il eut faim, parce qu’il prit et mangea sa chair, il dit : « Étant une créature si simple, j’ai mangé sa chair. » En entendant cela, les conseillers pensèrent : « Cet homme est coupable de meurtre. Considérez, je vous prie, l’acte de cet ascète : il dit avoir tué un singe, mangé sa chair et se promener avec sa peau. » Et, frappant des mains, ils le ridiculisèrent. Le Grand Être, les voyant faire cela, dit : « Ces individus ignorent que je suis venu avec cette peau pour réfuter leurs hérésies ; je ne le leur dirai pas. » Et s’adressant à celui qui niait la Cause, il demanda : « Pourquoi, monsieur, me blâmez-vous ? » « Parce que vous avez commis un acte de trahison envers un ami et un meurtre. » Alors le Grand Être dit : « Si quelqu’un croit en vous et en votre doctrine et agit en conséquence, quel mal a-t-il été commis ? » Et réfutant son hérésie, il dit :
Si c’est là ton credo : « Tous les actes des hommes, bons ou vils,
De causes naturelles, je soutiens que, dans tous les cas,
Où le péché peut-il trouver place dans les actes involontaires ?
Si tel est ton credo et si cette doctrine est vraie,
Alors mon action était juste quand j’ai tué ce singe.
Pourrais-tu seulement voir combien ta croyance est pécheresse,
Tu ne pourrais alors plus blâmer mon acte avec raison.
[238] Ainsi le Grand Être le réprimanda et le réduisit au silence. Le roi, irrité par cette réprimande devant l’assemblée, s’effondra [^84] et s’assit. Et le Grand Être, après avoir réfuté son hérésie, s’adressa à celui qui croyait que tout est engendré par un Être Suprême et dit : « Pourquoi, seigneur, me blâmez-vous, si vous vous en remettez réellement à la doctrine selon laquelle tout est la création d’un Être Suprême ? » Et il répéta ce verset.
S’il existe un Seigneur tout-puissant pour accomplir
Dans chaque créature, bonheur ou malheur, et action bonne ou mauvaise,
Ce Seigneur est souillé par le péché. L’homme ne fait qu’accomplir sa volonté.
Si tel est ton credo et si cette doctrine est vraie,
Alors mon action était juste quand j’ai tué ce singe.
[ p. 123 ]
Pourrais-tu seulement voir combien ta croyance est pécheresse,
Tu ne pourrais alors plus blâmer mon acte avec raison.
Ainsi, tel quelqu’un qui abat une mangue avec une massue prise sur le manguier, il réfuta l’homme qui croyait à l’action d’un Être suprême par sa propre doctrine, puis il s’adressa ainsi à celui qui croyait en l’existence de tout ce qui est arrivé auparavant, en disant : « Pourquoi, monsieur, me blâmez-vous si vous croyez à la vérité de la doctrine selon laquelle tout est arrivé auparavant ? » Et il répéta ce verset :
De l’action passée naissent encore à la fois le bonheur et le malheur ;
Ce singe paie sa dette, à savoir son ancien péché :
Chaque acte est une dette acquittée. Où donc se situe la culpabilité ?
[239] Si tel est ton credo et que cette doctrine est vraie,
Alors mon action était juste quand j’ai tué ce singe.
Pourrais-tu seulement voir combien ta croyance est pécheresse,
Tu ne pourrais alors plus blâmer mon acte avec raison.
Ayant ainsi réfuté l’hérésie de cet homme, il se tourna vers le croyant en l’annihilation [^85] et dit : « Toi, monsieur, tu maintiens qu’il n’y a pas de récompense et autres choses du même genre, croyant que tous les mortels subissent l’annihilation ici-bas et que personne ne va dans un monde futur. Pourquoi alors me blâmes-tu ? » Et le réprimandant, il dit :
La forme de chaque créature vivante est composée de quatre éléments ;
Chaque corps se transforme en ces parties composantes dissoutes.
Les morts n’existent plus, les vivants vivent toujours ;
Si ce monde est détruit, les sages comme les fous disparaîtront.
Au milieu d’un monde en ruine, la tache de culpabilité ne souille personne.
Si tel est ton credo et si cette doctrine est vraie,
Alors mon action était juste quand j’ai tué ce singe.
Pourrais-tu seulement voir combien ta croyance est pécheresse,
Tu ne pourrais alors plus blâmer mon acte avec raison.
[240] Il réfuta ainsi l’hérésie de celui-ci, puis s’adressant à celui qui tenait la doctrine kshatriya, il dit : « Vous, monsieur, soutenez qu’un homme doit servir ses propres intérêts, même s’il doit tuer son père et sa mère. Pourquoi, si vous professez cette croyance, me blâmez-vous ? » Et il répéta ce verset :
Les Kshatriyas disent, pauvres imbéciles simples qui se croient si sages,
Un homme peut tuer ses parents, si l’occasion le justifie,
Ou frère aîné, enfants, femme, si besoin est.
Il résista ainsi également aux vues de cet homme, et pour révéler son propre point de vue, il dit :
« Du haut d’un arbre sous l’ombre duquel un homme s’asseyait et se reposait,
Ce serait une trahison que de couper une branche. Nous détestons tous deux les faux amis.
[ p. 124 ]
Mais si l’occasion se présente, alors extirpez cet arbre.
Ce singe, pour servir mes besoins, a été tué à juste titre par moi.
Si tel est ton credo et si cette doctrine est vraie,
Alors mon action était juste quand j’ai tué ce singe.
Pourrais-tu seulement voir combien ta croyance est pécheresse,
Tu ne pourrais alors plus blâmer mon acte avec raison.
[241] Il réfuta ainsi la doctrine de cet homme, et maintenant que ces cinq hérétiques étaient stupéfaits et déconcertés [^86], s’adressant au roi, il dit : « Sire, ces individus avec qui vous errez sont de grands voleurs qui pillent votre royaume. Ô ! Insensé que vous êtes ! Un homme qui fréquenterait de tels individus, tant dans ce monde que dans l’avenir, subirait de grandes souffrances. » Et, ce disant, il enseigna la vérité au roi et dit :
Cet homme affirme : « Il n’y a pas de cause. » Un autre : « Un seul est le Seigneur de tous. »
Certains soutiennent : « Chaque acte a été accompli de longue date. » D’autres : « Tous les mondes tomberont en ruine. »
Ceux-ci et les hérétiques Kshatriya sont des fous qui pensent qu’ils sont sages,
Les hommes mauvais sont ceux qui pèchent eux-mêmes et qui conseillent méchamment les autres,
Les mauvaises communications entraînent toujours des souffrances et des pénalités.
Maintenant, à titre d’illustration, développant le texte de son sermon, il dit :
Un loup déguisé en bélier d’autrefois
Drew, sans s’en douter, s’est approché du pli.
Il a tué le troupeau [^87]pris de panique,
Puis ils se sont précipités vers de nouveaux pâturages.
Ainsi, les moines et les brahmanes utilisent souvent
Un manteau, le crédule à abuser.
Certains gisent sur un sol nu, tout sales,
Certains sont rapides, d’autres s’accroupissent de douleur.
[242] Certains ne peuvent pas boire, certains mangent selon une règle,
Comme un saint, chacun pose, méchant fou.
C’est une race d’hommes méchants, et des fous qui se croient sages,
Tous ces hommes non seulement pèchent eux-mêmes, mais d’autres conseillent méchamment,
Les mauvaises communications entraînent toujours des souffrances et des pénalités.
Qui dit : « Aucune force n’existe en quoi que ce soit »,
Nier la cause de tous, dénigrer
Leurs actes et ceux des autres ne sont que vanité, ô roi,
C’est une race d’hommes méchants, et des fous qui se croient sages,
Tous ces hommes non seulement pèchent eux-mêmes, mais d’autres conseillent méchamment,
Les mauvaises communications entraînent toujours des souffrances et des pénalités.
Si la Force n’existe nulle part et n’agit ni bien ni mal,
Pourquoi un roi devrait-il entretenir des artisans pour profiter de leur savoir-faire ?
C’est parce que la Force existe et que les actions sont bonnes ou mauvaises,
Que les rois entretiennent toujours des artisans et profitent de leur savoir-faire.
[ p. 125 ]
Si pendant cent ans ou plus il ne pleut ni ne neige,
Notre race, au milieu d’un monde en ruine, périrait entièrement.
Mais alors que les pluies tombent et que la neige tombe, l’année changeante assure,
Cette récolte mûrit et notre terre perdure pour toujours.
[4]Le taureau à travers les flots prendra un chemin détourné, etc.
Celui qui cueille le fruit avant qu’il soit bien mûr sur l’arbre,
Il détruit sa graine et ne sait jamais à quel point le fruit peut être sucré.
[243] Ainsi celui qui a détruit son pays par un gouvernement injuste,
Les douceurs qui naissent de la justice n’ont jamais été appréciées.
Mais celui qui laisse mûrir le fruit qu’il cueille le premier sur l’arbre,
Il conserve ses graines et sait très bien à quel point le fruit peut être sucré.
Lui aussi, par son règne juste, a préservé le pays,
On peut pleinement comprendre à quel point les fruits de la justice sont doux.
Le roi guerrier qui exercera une domination injuste sur le pays
Il subira des pertes en plantes et en herbes, quel que soit le rendement du sol.
Ainsi devrait-il gâter ses citoyens si aptes à gagner par le commerce,
Une source de revenus défaillante entraînerait un épuisement de son budget.
Et s’il vexait ses soldats audacieux, si habiles à diriger le combat,
Son armée s’éloignera de lui et le détruira de sa force.
Qu’il soit injuste, sage ou saint, il recevra sa juste récompense.
Et à cause de son péché, même s’il est de haute naissance, il sera exclu du ciel.
Et si une femme d’un roi méchant, bien qu’innocente, était tuée,
Il souffre dans ses enfants et en enfer il est tourmenté par la douleur.
Sois juste envers les gens de la ville et de la campagne et traite bien tes soldats,
Soyez gentil avec votre femme et vos enfants et laissez les saints vivre en sécurité.
Un monarque tel que celui-ci, ô Sire, s’il est libre de toute passion,
Comme Indra, seigneur des Asuras, il sème la terreur tout autour.
[245] Le Grand Être ayant ainsi enseigné la Vérité au roi, convoqua les quatre jeunes princes et les admonesta, leur expliquant l’action du roi. Il dit : « Demandez pardon au roi », et après avoir persuadé le roi de leur pardonner, il dit : « Sire, n’acceptez plus les déclarations des calomniateurs sans peser leurs paroles, et ne vous rendez coupables d’aucun acte de violence similaire, et quant à vous, jeunes princes, n’agissez pas traîtreusement envers le roi », et il les admonesta tous ainsi. Alors le roi lui dit : « Saint Seigneur, c’est à cause de ces hommes que j’ai péché contre vous et la reine, et en acceptant leurs déclarations, j’ai commis cette mauvaise action. [246] Je les mettrai tous les cinq à mort. » « Sire, vous ne devez pas faire cela. » « Alors j’ordonnerai qu’on leur coupe les pieds et les mains. » « Vous ne devez pas faire cela non plus. » Le roi acquiesça en disant : « C’est bien. » Il les dépouille de tous leurs biens et les déshonore de diverses manières, en attachant leurs cheveux en cinq mèches [5], en les mettant dans des [ p. 126 ] chaînes et en les saupoudrant de bouse de vache, il les chassa de son royaume. Et le Bodhisatta, après y être resté quelques jours et avoir averti le roi, lui enjoignant d’être vigilant, partit pour l’Himalaya et développa un pouvoir surnaturel issu de la méditation mystique, et tant qu’il vécut, cultivant les États Parfaits, il devint un habitant du monde de Brahma.
Français Le Maître termina ici sa leçon et, disant : « Non seulement maintenant, Frères, mais autrefois aussi, le Tathāgata était sage et écrasait tous les disputeurs », il identifia ainsi la Naissance : « À cette époque, les cinq hérétiques [6] étaient Purāṇa Kassapa, Makkhali Gosāla, Pakudha Kaccāna, Ajita Kesakambalī, Nigaṇtḥa Nāthaputta, le chien fauve était Ānanda, et le mendiant errant Mahābodhi était moi-même.
[^78] : 116 : 1 Comparez Jātaka-Mālā, XXIII. L’histoire du Mahābodhi et Dīgha Nikāya, II. Sāmañña-Phala (Dialogues du Bouddha traduit par R. Davids, p. 65).
[^79] : 116 : 2 Jātaka, vol. VI. N° 546.
[^80] : 117 : 1 ajjhupekkhati. Comparez Jātaka, I. 147, Cullavagga, IV. 4.8.
[^84] : 122 : 1 pattakkhandha, voir note p. 10.
[^85] : 123 : 1 ucchedavāda. Comparez les Textes Vinaya, II. 111, Dhamma Saṅgaṇi, p. 268 de traduction, et Buddhist Suttas, p. 149 (SBE XI.) et Kathā Vatthu, Pakaraṇa Aṭṭhakathā, p. 6 (P. TSJ 1889).
[^86] : 124 : 1 nippaṭibhāna, cf. appaṭibhāna, Cullavagga, IV. 4.8.
[^87] : 124 : 2 Lecture de vittāsayitvā pour citrāsayitvā.
119:1 Jātaka, IV. 417, « avec la mort écrite sur le front. » ↩︎
121:1 paṭigacc’eva, vl. paṭikacc’eva. Se référer à Milindapañha de Trenckner, note 4832, pp. 421, 422. Il a ici la force du latin ultro. ↩︎
121:2 Une autre lecture est akathetvā, « sans m’adresser un mot ». ↩︎
125:1 Ces lignes se trouvent dans Jātaka, III. In. p. 74 (anglais) et vol. vp 113. ↩︎
125:2 Comparer Kathā Sarit Sāgara,_ XII. 168, traduction de Tawney, vol. I. p. 80, où, en signe de disgrâce, la tête d’une femme est rasée de telle sorte qu’il ne reste que cinq mèches. Jātaka VI. 135 montre que le cūḷā était parfois une marque d’esclavage. Dans Jātaka V. p. 249, un petit garçon de parents pauvres est décrit comme portant ses cheveux de cette façon. ↩︎
126:1 Pour ces hérétiques, voir Hardy’s Manual, p. 300, et Vinaya Texts, II. 111. Certains de leurs noms se trouvent ailleurs sous des formes différentes, Pūraṇa, Kakudha Kaccāyana et Nātaputta. ↩︎