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Lorsque Jean apparut avec sa proclamation : « Le Royaume de Dieu est proche », sa prédication était peut-être vague quant aux détails de l’ère à venir. Le message central, cependant, était sans équivoque, et pour les Israélites pieux, c’était la plus grande bonne nouvelle possible : le salut promis allait enfin s’accomplir. Pourtant, cette promesse était accompagnée d’un avertissement solennel et terrible : si le Royaume était proche, le jugement l’était tout autant ; le salut éternel des hommes dépendait d’un verdict à venir.
Jean était un nouveau genre de prophète : un homme avec un message enflammé dans son cœur ; un prédicateur sévère de la justice ; jeune et avec un enthousiasme ardent ; l’inaugurateur d’un renouveau religieux qui devint la sensation du jour ; un homme qui pouvait plaider, mais qui menaçait plus souvent de jugement.
Tout chez le Baptiste soulignait la menace. C’était un jeune homme, battu par le vent et bronzé par sa vie dans le désert, vêtu de rudes vêtements jaunes en poil de chameau, portant une ceinture de cuir, son costume même rappelant les prophètes d’autrefois. Il y avait dans ses yeux un regard et un ton dans sa voix qui donnaient le sentiment qu’il avait vécu près de [ p. 12 ] Dieu. Son influence était grande, son message impressionnant. Toutes sortes de personnes se pressaient pour l’écouter : de simples membres du « prolétariat », qui écoutaient ses dénonciations des abus sociaux ; des ecclésiastiques qui l’écoutaient, curieux, anxieux, méfiants, dubitatifs ; d’autres hommes dont il éveillait le sentiment de leur propre indignité ; quelques personnes calmes et sérieuses qui pleuraient le déclin moral de la nation et se réjouissaient de la prédication de Jean sur la venue du Messie-Roi.
Il était impitoyable dans ses dénonciations. Il s’adressait à ses auditeurs comme à une « génération de vipères ». Approbation ou désapprobation lui étaient indifférentes. En lui-même, il n’était rien, et peu importait ce que les hommes pensaient de lui. Comparé au Messie à venir, il était si peu important qu’il n’était pas digne de se baisser pour délacer ses sandales, tâche reléguée aux plus humbles esclaves. Un nouveau genre de prédicateur du réveil, en effet ; il n’avait rien à voir avec les revivalistes des temps modernes, qui accordent une grande importance à ce qu’on dit d’eux, sont trop soucieux de s’assurer un public et aiment s’abreuver aux eaux de l’adulation ! « Ne vous occupez pas de moi », dit le Baptiste ; « écoutez mon message ! »
Le jugement pouvait survenir à tout moment. La hache était déjà plantée à la racine de l’arbre, prête à être utilisée ; si l’arbre ne produisait pas de bons fruits, il serait coupé et jeté au feu. Jean aimait les figures agricoles, et il en a tiré une autre d’une coutume palestinienne lors de la moisson du blé. Une fois le travail des batteurs terminé, ils laissent sur l’aire un tas composé de blé et de balle mélangés. Vient ensuite le [ p. 13 ] vanneur, avec son « éventail », ou grande pelle à vanner. Avec celle-ci, il jette le mélange au vent, qui emporte la balle légère, tandis que les grains de blé plus lourds retombent purifiés. Ainsi agirait le Messie, jusqu’à ce que l’aire soit complètement purifiée. Il enverrait sur les justes un « baptême du Saint-Esprit » qui les transformerait en fils du Royaume ; mais les injustes, à moins de se repentir immédiatement, ne pouvaient s’attendre qu’à un baptême de feu destructeur.
Un repentir sincère, cependant, serait sûrement efficace ; Jean y laissa transparaître une note d’espoir. Et pour rendre le repentir sincère, il donna à chaque catégorie de ses auditeurs un enseignement moral simple mais incisif, adapté à leurs besoins. Les foules en général furent averties que le repentir était vain si elles ne parvenaient pas à aider les autres et à soulager les souffrances lorsqu’elles en avaient les moyens : « Celui qui a deux tuniques, qu’il en donne à celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il en fasse autant. » Les publicains, ou collecteurs d’impôts, une classe notoirement malhonnête, furent adjurés de ne pas outrepasser leurs devoirs légaux. Et même les rudes « soldats » juifs – c’est-à-dire les policiers [1] – furent mis en garde contre les pires défauts de la police partout dans le monde : la violence et le chantage.
Si ses auditeurs acceptaient son enseignement jusque-là, Jean croyait avoir reçu de Dieu une mission plus vaste que la simple promesse de pardon. À cette époque de leur histoire, les Juifs avaient développé une coutume – pas [ p. 14 ] encore universelle – consistant à soumettre les convertis d’origine païenne [2] à un rite de baptême. Son symbolisme était évident – une purification des souillures du passé – mais les Juifs ne considéraient jamais leurs cérémonies comme purement symboliques ; les rites pour un Juif ne symbolisaient pas simplement quelque chose, ils accomplissaient réellement quelque chose. Ainsi, lorsque Jean qualifiait sa propre cérémonie de « baptême de repentance pour la rémission des péchés », il enseignait que ceux qui se soumettaient à ce baptême étaient – par décret divin spécial – réellement purifiés de la culpabilité de leurs méfaits passés.
Le fait que les Juifs utilisaient déjà le baptême pour l’admission des Gentils en Israël rendait ce rite particulièrement adapté aux objectifs de Jean, car un élément essentiel de son message était d’avertir le peuple de ne pas se fier aux privilèges nationaux. « Ne commencez pas à dire en vous-mêmes : “Nous avons Abraham pour père !” Dieu peut, de ces pierres, susciter des enfants à Abraham ! Vous, membres de la race élue, avez besoin d’être purifiés tout autant que si vous étiez des païens méprisés. » Le rite impliquait donc une humiliation consciente, une reconnaissance des défauts nationaux. Ainsi, Jean élevait l’espérance messianique du simple nationalisme à l’espérance spirituelle.
En pratique, Jean suivait vraisemblablement scrupuleusement le rituel du baptême des Gentils. Les candidats se tenaient debout, les eaux du Jourdain jusqu’à la taille, tandis que Jean, peut-être, restait sur la rive. Puis, après avoir confessé ses iniquités, chaque [ p. 15 ] pénitent se penchait pour laisser le fleuve couler sur sa tête. Lorsqu’il se relevait, la cérémonie était achevée ; il était assuré de pouvoir désormais affronter le Messie en toute sécurité lors du jugement à venir.
Mais la formation ne s’arrêta pas là. En attendant la venue du Messie, Jean insista pour que ses disciples vivent comme des hommes dans un monde moribond, avec rigueur, jeûnes ardus et prières constantes. Une telle ascèse ne put jamais se généraliser. Ainsi, bien qu’on nous dise que de grandes foules vinrent écouter Jean et furent admises à son baptême, il ne semble pas que beaucoup d’entre elles aient persévéré longtemps sous une discipline aussi rigide. Certains, cependant, furent si profondément instruits par Jean dans son propre mode de vie impitoyable qu’ils refusèrent même d’écouter Jésus lorsqu’il accepta à son tour son message. Ces disciples demeurèrent un groupe distinct, firent eux-mêmes quelques convertis et tentèrent un temps de rivaliser avec le christianisme. Finalement, chassés en Mésopotamie, ils s’y installèrent et y ont maintenu une existence continue jusqu’à nos jours, sous le nom de « Manséens ». Leur enseignement est devenu corrompu et sauvage, [3] mais ils révèrent toujours Jean-Baptiste comme le plus grand de tous les messagers de Dieu sur terre.
À ne pas confondre avec les soldats romains, qui n’auraient pas pu comprendre un mot de la prédication de Jean ; sa langue était l’araméen. ↩︎
Au début de notre ère, le judaïsme était une religion missionnaire active, ce qui est un peu difficile à réaliser pour nous. ↩︎
Pour les Mandasiens, les deux plus grands péchés sont la danse et le port de vêtements colorés. ↩︎