Chapitre I. Préparation au mariage spirituel | Page de titre | Note introductive du rédacteur en chef au chapitre III |
TRAITE DE PLUSIEURS MOYENS PAR LESQUELS NOTRE SEIGNEUR vivifie l’âme ; IL N’Y A AUCUNE RAISON DE S’ALARMER EN ELLES, BIEN QU’ELLES SOIENT DES FAVEURS SIGNALÉTIQUES D’UNE NATURE TRÈS EXALTÉE.
1. Notre Seigneur excite l’amour de son épouse. 2. La blessure d’amour. 3. La douleur qu’elle cause. 4. L’appel de l’Époux. 5. Effet sur l’âme. 6. Une étincelle du feu de l’amour. 7. L’étincelle s’éteint. 8. Cette grâce évidemment divine. 9. Une telle blessure paie bien des épreuves. 10. Première raison de l’immunité contre la tromperie. 11. Deuxième et troisième raisons. 12. L’imagination n’y est pas impliquée. 13. Sainte Thérèse ne s’est jamais alarmée de cette prière. 14. « L’odeur de ton onguent. » 15. Aucune raison de craindre la tromperie ici.
1. Il semble que nous ayons abandonné la petite colombe depuis longtemps, mais il n’en est rien, car ces épreuves passées la poussent à prendre un essor bien plus élevé. Je vais maintenant décrire la manière dont l’Époux la traite avant de l’unir entièrement à lui. Il accroît son désir pour lui par des procédés si délicats que l’âme elle-même ne peut les discerner ; et je ne crois pas pouvoir les expliquer, sauf à ceux qui les ont personnellement éprouvés. Ces désirs sont des impulsions délicates et subtiles, jaillissant du plus profond de l’âme ; je ne connais rien qui puisse les comparer.
2. Ces grâces diffèrent entièrement de tout ce que nous pouvons obtenir nous-mêmes, et même de la consolation spirituelle décrite précédemment. [1] Dans le cas présent, même lorsque l’esprit n’est pas recueilli ou ne pense même pas à Dieu, bien qu’aucun son ne soit entendu, Sa [ p. 166 ] Majesté l’éveille soudainement comme par le passage rapide d’une comète ou par un coup de tonnerre. [2] Pourtant, l’âme ainsi appelée par Dieu l’entend assez bien – si bien, en effet, que parfois, surtout au début, elle tremble et même crie, bien qu’elle ne ressente aucune douleur. Elle est consciente d’avoir reçu une blessure délicieuse, mais ne peut découvrir comment, ni qui l’a faite, mais elle la reconnaît comme une grâce très précieuse et espère que la blessure ne guérira jamais.
3. L’âme adresse des plaintes amoureuses à son Époux, allant même jusqu’à les exprimer à voix haute ; elle ne peut se contrôler, sachant que, bien qu’il soit présent, il ne se manifestera pas pour qu’elle puisse jouir de lui. Cela provoque une douleur, vive quoique douce et délicieuse, à laquelle l’âme ne pourrait échapper, même si elle le voulait ; mais elle ne la désire jamais. [3] Cette faveur est plus délicieuse que l’absorption agréable des facultés dans la prière de quiétude, sans souffrance. [4]
4. Je suis à bout de souffle, mes sœurs, pour vous faire comprendre cette opération de l’amour : je ne sais comment m’y prendre. Il semble contradictoire de dire que le Bien-Aimé montre clairement qu’il habite l’âme et appelle par un signe si clair et une convocation si pénétrante que l’esprit ne peut s’empêcher de l’entendre, alors qu’il semble résider dans la septième demeure. Il parle de cette manière, qui n’est pas une forme de langage fixe, et les habitants des autres demeures, les sens, l’imagination et les facultés, n’osent bouger. [5]
5. Ô Dieu Tout-Puissant ! Que Tes [secrets] (errata.htm#3) sont profonds et combien les choses spirituelles sont différentes de tout ce que l’on peut voir ou entendre en ce monde ! Je ne trouve rien qui puisse comparer ces grâces, si insignifiantes soient-elles comparées à tant d’autres que Tu accordes aux âmes. Cette faveur agit si puissamment sur l’esprit qu’il est consumé par les désirs, mais ne sait que demander, car il sait clairement que son Dieu est avec lui. Vous pouvez vous demander, s’il le comprend si clairement, que désire-t-il de plus et pourquoi souffre-t-il ? Quel bien plus grand peut-il rechercher ? Je ne saurais le dire : je sais que cette souffrance semble transpercer le cœur, et lorsque Celui qui l’a blessé retire le dard, Il semble lui aussi arracher le cœur, tant l’amour qu’il ressent est profond. [6]
6. J’ai pensé que Dieu pourrait être comparé à une fournaise ardente [7] d’où jaillit une petite étincelle dans l’âme qui ressent la chaleur de ce grand feu, mais qui est insuffisante pour la consumer. La sensation est si délicieuse que l’esprit s’attarde dans la douleur produite par son contact. Cela me semble la meilleure comparaison que je puisse trouver, car la douleur est délicieuse et n’en est pas vraiment une, et elle ne persiste pas toujours au même degré ; parfois elle dure longtemps ; d’autres fois, elle passe rapidement. C’est ainsi que Dieu le choisit, car aucun moyen humain ne peut l’obtenir ; et bien que ressentie parfois pendant un long moment, elle est pourtant intermittente. [ p. 168 ] 7. En fait, elle n’est jamais permanente et n’enflamme donc pas entièrement l’esprit ; mais lorsque l’âme est prête à s’enflammer, la petite étincelle s’éteint soudainement, laissant le cœur aspirant à souffrir à nouveau ses affres amoureuses. Rien ne permet de penser que cela provienne d’une cause naturelle ou de la mélancolie, ni qu’il s’agisse d’une illusion du diable ou de l’imagination. Ce mouvement du cœur vient sans aucun doute de Dieu, qui est immuable ; ses effets ne ressemblent pas à ceux d’autres dévotions, dont la forte absorption de délices nous fait douter de leur réalité.
8. Il n’y a ici aucune suspension des sens ou des autres facultés : ils s’émerveillent de ce qui se passe, sans l’empêcher. Je ne pense pas non plus qu’ils puissent augmenter ou dissiper cette délicieuse douleur. Quiconque a reçu cette faveur de Notre-Seigneur comprendra ce que je veux dire en lisant ceci : qu’elle le remercie avec ferveur ; il n’y a pas à craindre d’être trompée, mais bien plus à craindre de ne pas être suffisamment reconnaissante pour une grâce si remarquable. Qu’elle s’efforce de le servir et de corriger sa vie en tous points ; alors elle verra ce qui suivra et comment elle obtiendra des dons toujours plus élevés.
9. Une personne à qui cette grâce a été accordée a passé plusieurs années sans recevoir aucune autre faveur, mais elle était parfaitement satisfaite, car même si elle avait servi Dieu pendant de nombreuses années au milieu de dures épreuves, elle se serait sentie largement récompensée. Qu’il soit béni à jamais ! Amen.
10. Vous vous demandez peut-être pourquoi nous nous sentons plus à l’abri de la tromperie concernant cette faveur [ p. 169 ] que dans d’autres cas. Je pense que c’est pour les raisons suivantes. Premièrement, parce que le diable ne peut pas donner une douleur aussi délicieuse : il peut provoquer un plaisir ou une joie qui semblent spirituels, mais il est incapable d’ajouter de la souffrance, surtout une souffrance aussi intense, unie à la paix et à la joie de l’âme. Son pouvoir est limité à ce qui est extérieur ; la souffrance qu’il produit n’est jamais accompagnée de paix, mais d’anxiétés et de luttes.
11. Deuxièmement, parce que cette tempête bienvenue ne vient d’aucune région sur laquelle Satan n’a aucun contrôle. Troisièmement, à cause des grands bienfaits que recèle l’âme, généralement résolue à souffrir pour Dieu et désireuse de porter de nombreuses croix. Elle est aussi beaucoup plus déterminée qu’auparavant à se retirer des plaisirs, des relations et autres plaisirs du monde.
12. Il est bien évident que ce n’est pas une fiction : l’imagination peut contrefaire certaines faveurs, mais non celle-ci, qui est trop évidente pour laisser place au doute. Si quelqu’un reste encore incertain, qu’il sache que ses impulsions n’étaient pas authentiques ; [8] c’est-à-dire s’il doute de les avoir éprouvées, car elles sont perçues par l’âme aussi sûrement que l’est une voix forte par les oreilles. Il est impossible que ces expériences proviennent de la mélancolie, dont les caprices ne naissent et n’existent que dans l’imagination, alors que cette émotion vient de l’intérieur de l’âme.
13. Je peux me tromper, mais je ne changerai pas d’avis tant que je n’aurai pas entendu les arguments contraires de ceux qui comprennent ces questions. Je connais quelqu’un qui a toujours redouté de telles tromperies, mais qui n’a jamais pu s’alarmer de cet état de prière. [9]
15. Cette faveur provient de la même source que la précédente, mais elle ne cause ici aucune souffrance, et le désir de l’âme de jouir de Dieu n’est pas douloureux : c’est ce que l’âme éprouve le plus souvent. Pour les raisons déjà exposées, il ne semble pas y avoir lieu de craindre, mais plutôt de la recevoir avec reconnaissance.
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165:1 Demeure iv. ch. i. Vie, ch. xxix. 10-15. Rel. ch. viii. 15. ↩︎
166:2 Le saint a d’abord écrit « relampago », éclair, mais l’a ensuite modifié en « trueno », coup de tonnerre. ↩︎
166:3 Rel. viii. 16. Saint Jean de la Croix, Cant spirituel. st. i. 22 sqq. Poèmes 7, 8. ↩︎
166:4 Vie, ch. xxix. 18. ↩︎
167:5 Vie, ch. xv. 1. ↩︎
167:6 Ibid. ch. xxix. 17, 18. ↩︎
167:7 Ibid. ch. xv, 6; xviii. 4.; xxi. 9. ↩︎
169:8 Vie, ch. xv. 15, 16. ↩︎
170:9 Vie, ch. xxix. 6-10. ↩︎
170:10 Ibid. ch. xv. 12. Sur la matière traitée par sainte Thérèse dans ce chapitre, comparer saint Jean de la Croix, Cantique spirituel, strophe i. (circa finem), strophe ix.; La Flamme vive de l’amour, strophe ii. ↩︎