Comment Frère Gilles fut miraculeusement pourvu dans son grand besoin, quand à cause de la neige il ne put aller demander l’aumône
Frère Gilles, séjournant à Rome chez un cardinal, à l’approche du grand Carême, ne trouva pas la paix d’esprit qu’il désirait et dit au cardinal : « Mon père, avec votre permission, je désire, pour ma paix, aller avec mon compagnon célébrer ce Carême dans un lieu solitaire. » Messer le cardinal répondit : « Hélas ! mon très cher frère, où veux-tu aller ? La famine sévit dans le pays, et vous êtes encore étrangers ici. Contentez-vous, je vous prie, de demeurer à ma cour, car ce sera pour moi un singulier privilège de vous faire donner, pour l’amour de Dieu, ce dont vous avez besoin. » Mais Frère Gilles était déterminé à partir ; il quitta Rome et se rendit sur une haute montagne où se trouvait autrefois une ville. Il y trouva une église abandonnée, qui portait le nom de Saint-Laurent. Lui et son compagnon y entrèrent et continuèrent à prier et à méditer longuement. et, comme ils n’étaient pas connus, ils ne recevaient que peu de révérence et de dévotion ; c’est pourquoi ils souffraient d’une grande disette ; à cela s’ajouta une forte tempête de neige qui dura plusieurs jours. Ils ne purent quitter l’église et rien ne leur fut envoyé à manger, et eux-mêmes n’eurent rien ; et ils restèrent ainsi enfermés pendant trois jours et trois nuits entières. Frère Gilles, voyant qu’il ne pouvait vivre du travail de ses mains et qu’il ne pouvait sortir pour mendier l’aumône, dit à son compagnon : « Mon très cher frère, invoquons notre Seigneur à haute voix, afin que, dans sa compassion, il pourvoie à nos besoins dans notre grande extrémité et notre grand besoin ; car un jour, certains moines, étant dans un grand besoin, ont invoqué Dieu et la divine Providence a pourvu à tous leurs besoins. » C’est pourquoi, suivant l’exemple de ces moines, ils se mirent à prier, suppliant Dieu de tout leur cœur de les aider dans leur si grand besoin. Dieu, qui est la plus grande pitié, considéra ainsi leur foi, leur simplicité et leur ferveur. Un homme, regardant vers l’église où se trouvaient frère Gilles et son compagnon, inspiré par Dieu, se dit en lui-même : « Peut-être y a-t-il dans cette église de bonnes personnes qui font pénitence et qui, à cause de cette neige abondante, manquent du nécessaire et risquent donc de mourir de faim. » Et, poussé par le Saint-Esprit, il dit : « J’irai certainement là-bas pour savoir si mon imagination est vraie ou non. » Il prit des pains de schiste et un vase de vin et se mit en route. C’est avec beaucoup de difficulté qu’il parvint à l’église précitée, où il trouva frère Gilles et son compagnon en prière très fervente. Ils étaient si épuisés par la faim qu’ils ressemblaient plus à des morts qu’à des vivants. Il eut une grande compassion pour eux, et, lorsqu’ils furent reposés et consolés,Il revint et raconta à ses voisins l’extrême et le grand besoin de ces frères, et les exhorta et les supplia, par l’amour de Dieu, de pourvoir à leurs besoins. C’est pourquoi beaucoup, à son exemple, leur apportèrent du pain, du vin et d’autres choses nécessaires à leur subsistance, par amour de Dieu. Et pendant tout le Carême, ils maintinrent un tel ordre parmi eux qu’ils furent pourvus à leurs besoins. Et frère Gilles, considérant la grande miséricorde de Dieu et la charité de ces gens, dit à son compagnon : « Mon très cher frère, jusqu’à présent nous avons prié Dieu de pourvoir à nos besoins, et nous avons été exaucés ; il convient donc que nous lui rendions grâce et gloire, et que nous priions pour ceux qui nous ont nourris de leurs aumônes et pour tout le peuple chrétien. » Et pour sa grande ferveur et dévotion, Dieu accorda tant de grâces à frère Gilles que beaucoup, à son exemple, quittèrent ce monde aveugle, et beaucoup d’autres qui n’étaient pas disposés à être religieux firent de très grandes pénitences dans leurs propres maisons.
Du jour de la mort du saint frère Gilles
La veille de saint Georges, à l’heure de matines, cinquante-deux ans après (car le premier jour du mois il avait reçu l’habit de saint François), l’âme de frère Gilles fut reçue par Dieu dans la gloire du Paradis, c’est-à-dire en la fête de saint Georges.
Comment un saint homme, étant en prière, vit l’âme de frère Gilles aller à la vie éternelle
Un homme de bien, étant en prière, lorsque frère Gilles quitta cette vie, vit son âme monter au ciel, avec une multitude d’autres âmes qui [ p. 232 ] à cette heure-là sortirent du Purgatoire ; et il vit Jésus-Christ venir à la rencontre de l’âme de frère Gilles, et, avec une multitude d’anges et toutes ces âmes, monter dans la gloire du Paradis, au son d’une grande et douce musique.
Comment, grâce aux mérites de frère Gilles, l’âme d’un ami d’un certain frère prêcheur fut délivrée des peines du purgatoire
Alors que frère Gilles était atteint de la même maladie qu’il avait contractée quelques jours après sa mort, un frère de Saint Dominique tomba malade et mourut. Cet homme avait un ami qui était frère ; et cet ami, le voyant s’approcher de la mort, dit au frère malade : « Mon frère, je désire que, si Dieu le permet, tu reviennes me voir après ta mort et que tu me dises comment tu vas. » Le malade promit de revenir si cela était possible. Frère Gilles mourut le même jour, et, après sa mort, [le frère prêcheur] apparut au frère prêcheur vivant et lui dit : « C’était la volonté de Dieu que je t’honore ma promesse. » Les vivants dirent au mort : « Comment vas-tu ? » Le mort répondit : « C’est bien, car je suis mort le jour même où un saint frère mineur, nommé frère Gilles, quitta cette vie, à qui, en raison de sa grande sainteté, Jésus-Christ a accordé de conduire au paradis toutes les âmes qui étaient au purgatoire, parmi lesquelles j’étais en grand tourment ; et par les mérites de frère Gilles, j’en suis délivré. » Et après avoir dit cela, il disparut soudainement ; et ce frère ne révéla la vision à personne. Ledit frère tomba malade, et soupçonnant aussitôt que Dieu l’avait frappé parce qu’il n’avait pas révélé la vertu et la gloire de frère Gilles, il fit appeler les frères mineurs et cinq couples vinrent à lui ; et, lorsqu’ils furent assemblés, avec les frères prêcheurs, il leur révéla la vision susdite avec une grande dévotion ; et après avoir fait des recherches approfondies, ils découvrirent clairement qu’ils avaient tous deux quitté cette vie le même jour.
Comment Dieu avait donné des grâces à frère Gilles, et de l’année de sa mort
Frère Buonaventura de Bagnoreggio disait souvent de Frère Gilles que Dieu lui avait accordé une grâce particulière pour tous ceux qui se recommandaient à lui avec une intention pieuse, pour les choses qui concernent l’âme. Il accomplit de nombreux miracles durant sa vie et après sa mort, comme l’indique sa légende. Il passa de cette vie à la gloire céleste en l’an de grâce M.CC.LII (1252), le jour de la fête de saint Georges, et fut enterré à Pérouse dans le couvent des Frères Mineurs.