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ICI COMMENCENT LES CHAPITRES
DE CERTAINS ENSEIGNEMENTS ET
DICTIONS REMARQUABLES
DE
FRÈRE GILES
ET D'ABORD
La grâce de Dieu et les vertus sont un chemin et une échelle pour monter au ciel ; mais les vices et les péchés sont un chemin et une échelle pour descendre aux profondeurs de l’enfer. Les vices et les péchés sont une potion mortelle et un poison mortel, tandis que les vertus et les bonnes œuvres sont une thériaque guérisseuse. Une grâce accompagne et entraîne une autre grâce ; un vice entraîne un autre vice. La grâce ne désire pas être louée ; et le vice ne supporte pas d’être méprisé. Dans l’humilité, l’esprit se repose et se repose ; la patience est sa fille. Et la sainte pureté du cœur voit Dieu ; mais la vraie dévotion le goûte. Si tu aimes, tu veux être aimé. Si tu sers, tu seras servi. Si tu crains, tu seras craint. Si tu fais du bien aux autres, il convient que les autres te fassent du bien. Mais heureux celui qui aime vraiment et ne désire pas être aimé. Heureux celui qui sert et ne désire pas être servi. Heureux celui qui craint et ne désire pas être craint. Heureux celui qui fait du bien aux autres et ne désire pas qu’on lui fasse du bien. Mais comme ces choses sont très élevées et d’une grande perfection, les insensés ne peuvent ni les connaître ni les atteindre. Trois choses sont extrêmement élevées et très profitables, et ceux qui les ont acquises ne pourront jamais chuter. La première est de supporter volontairement et avec joie toutes les tribulations qui t’arrivent pour l’amour de Jésus-Christ. La deuxième est de t’humilier chaque jour dans tout ce que tu fais et dans tout ce que tu vois. La troisième est d’aimer fidèlement de tout ton cœur ce Bien suprême, céleste, invisible, que nul homme ne peut contempler avec les yeux du corps. Les choses les plus méprisées et vilipendées par les hommes du monde sont, en vérité, les plus agréables et les plus bienvenues à Dieu et à ses saints ; et les choses les plus aimées, les plus honorées et les plus agréables aux hommes du monde sont celles que Dieu et ses saints méprisent, vilipendent et haïssent le plus. Cette contradiction flagrante provient de l’ignorance et de la méchanceté humaines ; car le malheureux aime mieux ce qu’il devrait haïr, et hait ce qu’il devrait aimer. Un jour, frère Gilles demanda à un autre frère : « Dis-moi, très cher frère, as-tu une bonne âme ? » Le frère répondit : « Je l’ignore. » Alors frère Gilles dit : « Mon frère, je veux que tu saches que la sainte pénitence, la sainte humilité, la sainte charité, la sainte dévotion et la sainte joie rendent l’âme bonne et bienheureuse. »
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Toutes les choses que l’on peut penser avec le cœur, dire avec la langue, voir avec les yeux ou toucher avec les mains ne sont presque rien en comparaison de ce qui est inconcevable, invisible ou palpable. Tous les saints et tous les sages disparus, tous ceux qui sont dans la vie présente et tous ceux qui viendront après nous, qui ont parlé ou écrit, ou qui parleront ou écriront sur Dieu, n’ont jamais dit et ne pourront jamais dire sur Dieu autant qu’un grain de mil par rapport au ciel et à la terre, et même mille fois moins. Car toutes les Écritures qui parlent de Dieu en parlent comme en babillant, comme une mère qui bavarde avec son enfant, et qui ne comprendrait pas ses paroles si elle parlait autrement. Un jour, frère Gilles dit à un docteur en droit, un laïc : « Crois-tu que les dons de Dieu sont grands ? » Le docteur de la loi répondit : « Je crois. » Frère Gilles répondit : « Je te montrerai que tu ne crois pas fidèlement. » Puis il lui dit : « Que vaut ce que tu possèdes en ce monde ? » Le docteur de la loi répondit : « Cela vaut peut-être mille lires. » Frère Gilles dit alors : « Donnerais-tu tes biens pour dix mille lires ? » Le docteur de la loi répondit sans hésiter : « Je les donnerais volontiers. » Frère Gilles dit : « Il est incontestable que tous les biens de ce monde ne sont rien en comparaison des choses célestes. Pourquoi donc ne donnes-tu pas tes biens au Christ pour qu’avec eux tu puisses acheter ceux qui sont célestes et éternels ? » Alors le docteur de la loi, savant dans la folle science du monde, répondit purement et simplement à Frère Gilles : « Dieu t’a rempli de la folie de la sagesse divine », en disant : « Crois-tu, Frère Gilles, qu’il existe un homme dont les œuvres visibles et extérieures soient proportionnées à sa croyance intérieure ? » Frère Gilles répondit : « Voici, mon très cher frère, il est certain que tous les saints se sont efforcés d’accomplir dans leurs actions tout ce qu’ils comprenaient être la volonté de Dieu, au maximum de leur pouvoir ; et tout ce qu’ils n’étaient pas capables d’accomplir dans leurs actions, ils l’ont accompli par les saints désirs de leur volonté ; de telle sorte qu’avec le désir de l’âme, ils ont suppléé à ce qui manquait dans leurs actions, et ont ainsi accompli la volonté de Dieu. » Alors Frère Gilles dit : « Si quelqu’un avait une foi parfaite, il atteindrait en peu de temps un état de perfection par lequel il recevrait la pleine assurance du salut. À l’homme qui attend avec une foi ferme le Bien éternel, suprême et suprême, quel mal pourrait lui faire une adversité temporelle dans cette vie présente ? Et au malheureux qui attend le mal éternel,À quoi lui servirait la prospérité ou le bien temporel en ce monde ? Néanmoins, même pécheur, l’homme ne doit pas désespérer, tant qu’il vit, de l’infinie miséricorde de Dieu ; car où n’y a-t-il pas d’arbre au monde si épineux, si noueux et si noueux que les hommes ne puissent le polir, l’embellir et le rendre beau ? De même, il n’y a pas d’homme si mauvais, ni de pécheur si grand en ce monde que Dieu ne puisse le convertir et l’orner de grâces singulières et du don de nombreuses vertus.
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Nul ne peut parvenir à la connaissance et à la compréhension de Dieu sans la vertu de la sainte humilité ; car le même chemin droit qui monte est aussi celui qui descend. Tous les dangers et les grandes chutes qui se sont produits en ce monde ne proviennent d’aucune autre cause que l’élévation de la tête, c’est-à-dire de l’esprit, par orgueil ; et cela est prouvé par la chute du diable, chassé du ciel, et par la chute de notre premier parent, Adam, chassé du paradis pour avoir élevé la tête, c’est-à-dire pour désobéissance ; et aussi par le pharisien, dont le Christ parle dans l’Évangile, et par bien d’autres exemples. De même, au contraire, tous les grands bienfaits qui ont jamais eu lieu en ce monde proviennent de l’abaissement de la tête, c’est-à-dire de l’humiliation de l’esprit ; comme le prouvent la bienheureuse et très humble Vierge Marie, le Publicain, le saint Larron sur la Croix et bien d’autres exemples dans les Écritures. Il serait donc bon que nous trouvions un poids grand et pesant que nous puissions garder continuellement attaché au cou, afin qu’il nous entraîne toujours vers le bas, c’est-à-dire qu’il nous rende toujours humbles. Un frère demanda à frère Gilles : « Dis-moi, père, de quelle manière pouvons-nous fuir cet orgueil ? » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, sois sûr de ceci, à savoir que tu n’apprendras jamais à fuir l’orgueil avant d’avoir d’abord mis ta bouche là où tu as maintenant les pieds ; mais si tu considères bien les bienfaits de Dieu, alors tu sauras bien que par devoir tu es tenu de courber la tête. Et de plus, si tu veux bien réfléchir à ta [ p. 239 ] tes défauts et les nombreuses offenses que tu as commises contre Dieu, tu auras de grandes raisons de t’humilier. Mais malheur à ceux qui désirent être honorés pour leur méchanceté ! Il y a un degré d’humilité chez l’homme qui se sait l’adversaire de son propre bien. Un degré d’humilité consiste à rendre à autrui ce qui est à lui et non à se l’approprier ; c’est-à-dire que tout bien et toute vertu qu’un homme trouve en lui-même, il ne doit pas l’attribuer à lui-même, mais à Dieu seul, de qui viennent toute grâce, toute vertu et tout bien ; mais tout péché et tout désir de l’âme, ou tout vice qu’un homme trouve en lui-même, il doit l’attribuer à lui-même, considérant que cela vient de lui-même et de sa propre méchanceté, et non des autres. Heureux l’homme qui se connaît et se considère vil aux yeux de Dieu, et ainsi aussi aux yeux des hommes ! Heureux celui qui se juge et se condamne toujours lui-même, et non un autre ; car il ne sera pas jugé par le terrible et dernier jugement éternel. Heureux celui qui marchera avec diligence sous le joug de l’obéissance et sous la domination d’autrui,Français comme le firent les Apôtres avant et après avoir reçu le Saint-Esprit ! » Frère Gilles a également dit : « Il convient à celui qui veut obtenir et posséder une paix et un repos parfaits de considérer chaque homme comme son supérieur, et il lui convient de toujours se reconnaître sujet et inférieur à tous. Heureux l’homme qui ne désire être vu ni connu dans ses paroles ou ses manières, sinon seulement dans cette forme simple et dans cette parure naïve dont Dieu l’a orné et formé ! Heureux l’homme qui sait garder et cacher les révélations et les consolations divines ! Car il n’y a rien de si secret que Dieu ne le révèle quand il lui semble bon. Si un homme était l’homme le plus parfait et le plus saint du monde, et se considérait et se croyait le plus misérable pécheur et l’homme le plus vil du monde, en cet homme serait la véritable humilité. La sainte humilité ne sait pas parler, et la crainte bénie de Dieu ne sait pas parler. Frère Gilles a dit : « Il me semble que l’humilité est semblable à la foudre ; car de même que la foudre frappe d’un coup terrible, brisant, fracassant et brûlant ce qu’elle rencontre, et qu’ensuite on ne retrouve plus rien de cette foudre ; de même l’humilité frappe, disperse, brûle et consume toute méchanceté, tout vice et tout péché ; et ensuite on découvre qu’elle n’est rien en elle-même. L’homme qui possède l’humilité, par l’humilité, trouve grâce auprès de Dieu et une paix parfaite avec son prochain. »« L’homme qui possède l’humilité, par l’humilité, trouve grâce auprès de Dieu et une paix parfaite avec son prochain. »« L’homme qui possède l’humilité, par l’humilité, trouve grâce auprès de Dieu et une paix parfaite avec son prochain. »
Celui qui n’a pas peur montre qu’il n’a rien à perdre. La sainte crainte de Dieu ordonne, gouverne et dirige l’âme et la fait accéder à la grâce. Si quelqu’un possède une grâce ou une vertu divine, la sainte crainte est ce qui la préserve. Et quiconque n’a pas encore obtenu la vertu ou la grâce, la sainte crainte le lui fait acquérir. La sainte crainte de Dieu est un guide qui nous guide vers les grâces divines, en ce qu’elle permet à l’âme qui l’habite d’atteindre rapidement la sainte vertu et les grâces divines. Toutes les créatures qui ont jamais sombré dans le péché ne seraient jamais tombées si elles avaient possédé la sainte crainte de Dieu. Mais ce don sacré de la crainte n’est accordé qu’aux parfaits, car plus un homme est parfait, plus il est craintif et humble. Heureux l’homme qui se sait prisonnier en ce monde et qui se souvient toujours de la gravité de son offense envers son Seigneur ! L’homme devrait craindre l’orgueil, de peur qu’il ne le pousse et ne le fasse tomber de l’état de grâce où il se trouve, car on ne peut jamais être en sécurité au milieu de nos ennemis ; et nos ennemis sont les séductions de ce monde misérable, et notre propre chair, qui, avec les démons, est toujours l’ennemie de l’âme. Il convient à l’homme d’éprouver une plus grande crainte de ne pas être vaincu et trompé par sa propre méchanceté, que de craindre tout autre ennemi. Il est impossible à l’homme de s’élever et de s’élever vers une grâce ou une vertu divine, ou d’y persévérer, sans une sainte crainte. Qui n’a pas la crainte de Dieu court le danger de la mort et, à plus forte raison, celui d’être complètement perdu. La crainte de Dieu pousse l’homme à obéir avec humilité et à courber la tête sous le joug de l’obéissance ; Et plus un homme craint, plus il prie avec ferveur. La prière est un don précieux pour celui à qui elle est donnée. Les actions vertueuses des hommes, si grandes soient-elles à mes yeux, ne sont ni évaluées ni récompensées selon notre jugement, mais selon le jugement et le bon plaisir de Dieu. Car Dieu ne considère pas la quantité de travail accompli, mais la grandeur de l’amour et de l’humilité de celui qui l’accomplit. C’est pourquoi le plus sûr pour nous est de toujours aimer et craindre avec humilité, et de ne jamais nous fier à nous-mêmes pour le bien, soupçonnant toujours les pensées qui naissent dans l’esprit sous l’apparence du bien.
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Celui qui, avec une humilité et une patience inébranlables, souffre et supporte les tribulations par amour ardent pour Dieu, obtiendra bientôt de grandes grâces et vertus, sera le maître de ce monde et aura un gage de l’autre monde glorieux. Tout ce qu’un homme fait, que ce soit en bien ou en mal, il le fait à lui-même ; aussi ne sois-tu pas offensé par celui qui te fait du mal ; fais plutôt preuve d’une humble patience, et ne t’attriste que pour son péché, en ayant pitié de lui et en priant Dieu avec ferveur pour lui. Plus un homme est fort pour supporter et endurer patiemment les blessures et les tribulations par amour pour Dieu, plus il est grand aux yeux de Dieu, et pas plus ; et plus un homme est faible pour supporter la douleur et l’adversité par amour pour Dieu, moins il est aux yeux de Dieu. Si quelqu’un te loue en disant du bien de toi, rends cette louange à Dieu seul ; et si quelqu’un dit du mal de toi ou t’injurie, aide-le en disant le même mal de toi-même et pire encore. Si tu désires défendre ta cause, efforce-toi toujours de la rendre mauvaise ; défends celle de ton compagnon, en t’accusant toujours toi-même et en louant ou en excusant toujours ton prochain. Quand quelqu’un veut te disputer ou te poursuivre en justice, si tu désires gagner, perds, et tu gagneras ; car si tu désirais plaider pour gagner, alors que tu croyais avoir gagné, tu découvrirais alors que tu as beaucoup perdu. C’est pourquoi, mon frère, crois-moi, assurément, le droit chemin du salut est le chemin de la perdition. Mais lorsque nous ne supportons pas bien la tribulation, alors nous ne pouvons pas être disciples des consolations éternelles. Il est une consolation bien plus grande et une chose plus méritoire que de supporter les injures et [p. 243]] reproche patiemment et sans murmure, pour l’amour de Dieu, que de nourrir cent pauvres et de jeûner continuellement chaque jour. Mais à quoi servirait-il à un homme de se mépriser lui-même et de tourmenter gravement son corps par de longs jeûnes, des veilles et des flagellations, s’il ne peut supporter un peu d’injustice de la part de son prochain ? Pour cela, un homme recevra une récompense et un mérite bien plus grands que pour toutes les afflictions dont il s’afflige volontairement ; car supporter les reproches et les insultes de son prochain avec une patience humble et sans murmure purifie beaucoup plus rapidement du péché que la source de nombreuses larmes. Heureux l’homme qui garde toujours présent à son esprit le souvenir de ses péchés et les bienfaits de Dieu ! Car il supportera avec patience toute tribulation et toute adversité ; de là il attend de grandes consolations. L’homme qui est vraiment humble ne recherche aucun mérite ni récompense de Dieu, mais s’efforce continuellement de lui plaire en toutes choses, se sachant son débiteur ; et tout le bien qu’il a, il sait qu’il ne l’a que par la bonté de Dieu.et non par son mérite personnel ; et chaque adversité qui lui arrive, il le sait, lui est arrivée à cause de ses péchés. Un frère demanda à frère Gilles : « Père, si de grandes adversités et tribulations surviennent à notre époque, que devons-nous faire ? » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, je veux que tu saches que, si le Seigneur faisait pleuvoir du ciel des pierres et des éclairs, ils ne pourraient nous faire ni mal ni aucun mal, si nous étions tels que nous devrions être ; car si un homme était véritablement tel qu’il devrait être, tout mal et toute tribulation se changeraient en bien ; car nous savons que l’Apôtre a dit que toutes choses fonctionnent.
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ensemble pour le bien de ceux qui aiment Dieu ; et de même, pour l’homme dont le désir est mauvais, tous les biens se tournent en mal et en jugement. Si tu veux te sauver et accéder à la gloire céleste, il te convient de ne jamais désirer vengeance ni rétribution sur aucune créature ; car l’héritage des saints est de toujours faire le bien et de toujours recevoir le mal. Si tu savais en vérité de quelle manière et avec quelle gravité tu as offensé ton Créateur, tu saurais qu’il est juste et équitable que toutes les créatures te persécutent et t’infligent douleur et tribulations, car de telles créatures se vengeraient des offenses que tu as commises contre leur Créateur. C’est une très grande vertu pour l’homme de se vaincre lui-même ; car celui qui se conquiert lui-même vaincra tous ses ennemis et obtiendra tout bien. Ce serait encore une vertu bien plus grande pour un homme de se laisser vaincre par tous les hommes ; Français car alors il serait seigneur de tous ses ennemis, à savoir des vices, des démons, du monde et de sa propre chair. Si tu veux te sauver, renonce et méprise toute consolation que toutes les choses du monde et toutes les créatures mortelles peuvent te donner ; car les chutes qui viennent de la prospérité et des consolations sont plus grandes et plus fréquentes que celles qui viennent des adversités et des tribulations. » Un religieux murmura un jour contre son supérieur en présence de frère Gilles à cause d’une obéissance sévère qu’il lui avait commandée ; à qui frère Gilles dit : « Bien-aimé, plus tu murmureras, plus ton fardeau augmentera et plus lourd il te sera à porter ; et plus humblement et pieusement tu mettras ta tête sous le joug de la sainte obéissance, plus légère sera cette obéissance et plus douce à porter pour toi. Mais il me semble que tu ne veux pas être [ p. 245 ] injurié dans ce monde par amour du Christ, et que tu désires pourtant être honoré par le Christ dans le monde à venir ; tu ne veux pas être persécuté et maudit dans ce monde à cause du Christ, et que dans l’autre monde tu désires être béni et reçu par le Christ ; dans ce monde tu ne voudrais pas travailler, et dans l’autre monde tu voudrais te reposer et prendre ton aise. Je te dis, frère, que tu es gravement trompé ; car par le chemin de la misère, de la honte et des injures, l’homme parvient au véritable honneur céleste, et en supportant patiemment la dérision et les malédictions par amour du Christ, l’homme parvient à la gloire du Christ ; c’est pourquoi le proverbe mondain dit bien : Celui qui ne donne rien de ce qu’il ressent la perte, ne reçoit rien de ce dont il a besoin. Excellente est la nature du cheval, car quelle que soit la vitesse à laquelle il court, il se laisse gouverner, guider et tourner de haut en bas, en avant et en arrière, selon la volonté de son cavalier ; et ainsi doit faire le serviteur de Dieu, c’est-à-dire qu’il doit se laisser gouverner, guider,tordu et courbé, selon la volonté de son supérieur, et aussi de tous les autres, pour l’amour du Christ. Si tu veux être parfait, efforce-toi sincèrement d’être gracieux et vertueux, et combats vaillamment le vice, supportant patiemment chaque adversité par amour pour ton Seigneur, qui a été tourmenté, affligé, insulté, battu, crucifié et mis à mort par amour pour toi, et non pour sa faute, sa gloire ou son profit, mais seulement pour ton salut. Et pour accomplir ce que je t’ai dit, il est avant tout nécessaire que tu te surmontes toi-même, car il est peu utile à un homme de conduire et d’attirer des âmes à Dieu s’il ne se conquiert, ne se guide et ne s’attire pas d’abord lui-même.
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L’homme paresseux perd ce monde et l’autre ; car il ne produit aucun fruit et n’est d’aucune utilité pour son prochain. Il est impossible à l’homme d’atteindre la vertu sans diligence et sans beaucoup de travail. Quand tu peux demeurer en sécurité, ne demeure pas dans un lieu douteux ; celui qui est diligent, s’afflige, travaille et s’efforce selon la volonté de Dieu et pour Dieu, non par crainte du châtiment ou de la récompense, mais pour Dieu, demeure en sécurité. L’homme qui refuse de s’affliger et de se dépenser pour Christ refuse vraiment la gloire de Christ ; et de même que la diligence nous est profitable et utile, de même l’insouciance nous est toujours contraire. Ainsi, de même que la paresse est le chemin qui mène à l’enfer, de même la sainte diligence est le chemin du ciel. L’homme doit être très diligent pour obtenir et conserver les vertus et la grâce de Dieu, en usant toujours fidèlement de cette grâce et de cette vertu ; Car il arrive souvent à l’homme qui ne travaille pas fidèlement de perdre le fruit au profit des feuilles, ou le blé au profit de la paille. À l’un, Dieu, par sa grâce, accorde de bons fruits avec peu de feuilles, à l’autre, il donne à la fois fruits et feuilles ; et il en est d’autres qui n’ont ni fruits ni feuilles. Il me semble plus important de bien garder et de garder secrets les dons et les grâces du Seigneur que de savoir les obtenir ; car, même si l’on sait bien gagner, s’il ne sait pas bien accumuler et conserver, il ne sera jamais riche ; mais il en est qui gagnent peu à peu et deviennent riches, parce qu’ils gardent en sécurité leurs gains et leurs trésors. Ô quelle grande quantité d’eau le Tibre aurait-il recueillie, [ p. 247 ] si elle ne s’était écoulée en aucune partie ! L’homme demande à Dieu un don infini, sans mesure et sans fin ; et il ne désire aimer Dieu qu’avec mesure et sans fin. Quiconque désire être aimé de Dieu et recevoir de lui des mérites sans bornes et sans mesure doit aimer Dieu sans mesure et sans limite, et lui rendre toujours un service infini. Heureux celui qui aime Dieu de tout son cœur et de toute son âme, et qui afflige toujours son corps et son esprit par amour pour Dieu, ne cherchant pour cela aucune récompense sous le ciel, si ce n’est de se savoir son débiteur. Si un homme était extrêmement pauvre et nécessiteux, et qu’un autre lui dise : « Je suis prêt à te prêter un bien précieux pour trois jours ; et sache que si, pendant ces trois jours, tu en fais bon usage, tu acquerras un trésor infini qui te rendra riche à jamais », il est certain que ce pauvre homme serait très désireux d’utiliser ce bien précieux avec soin et diligence, et qu’il s’efforcerait d’en tirer profit. De même, je dis que ce que le Seigneur nous a prêté, c’est notre corps.Celui que le bon Dieu nous a prêté pour trois jours ; car tous nos temps et toutes nos années ne sont, en comparaison, que trois jours. Si donc tu veux être riche et jouir éternellement de la divine douceur, applique-toi à bien user de ce corps que Dieu t’a prêté et à le faire fructifier, en l’espace de trois jours, c’est-à-dire dans le bref laps de temps de ta vie ; car si tu ne t’appliques pas à amasser des trésors dans cette vie présente, tant qu’il en est encore temps, tu ne pourras jouir de ces richesses éternelles, ni te reposer à jamais dans cette sainte paix céleste. Mais si tous les biens du monde appartenaient à un seul homme et qu’il ne les cultivait ni ne les faisait cultiver par d’autres, quel fruit ou quel profit en tirerait-il ? Il est certain qu’il n’en tirerait aucun profit, ni aucun fruit. Mais il se pourrait bien qu’un homme n’ait que peu de champs et, les cultivant bien, obtienne beaucoup de profit pour lui-même, et que pour les autres des fruits abondants. Un proverbe mondain dit : Ne mets pas une marmite vide sur le feu pour qu’elle bout dans l’espoir que ton voisin la remplisse. Et ainsi, de même, Dieu ne veut pas qu’une grâce reste vide ; car le bon Dieu ne donne jamais une grâce à un homme pour qu’il la garde vide ; il la donne plutôt pour qu’il la remplisse du fruit de ses bonnes œuvres ; car la bonne volonté ne suffit pas, si l’on ne cherche pas à la suivre et à la remplir du fruit de ses saintes œuvres. Un jour, un voyageur dit à frère Gilles : « Père, je t’en prie, donne-moi quelque consolation. » Frère Gilles répondit : « Mon frère, cherche à être bien avec Dieu, et tu auras aussitôt la consolation dont tu as besoin ; Français : car si un homme ne prépare pas une demeure immaculée dans son âme pour que Dieu y vive et s’y repose, il ne trouvera jamais d’abri, ni de repos, ni de véritable consolation dans les choses créées. » Quand un homme a l’intention de faire le mal, il ne demande jamais beaucoup de conseils avant de le faire ; mais pour bien faire, beaucoup prennent conseil et tardent longtemps. Un jour, Frère Gilles dit à ses compagnons : « Mes frères, il me semble qu’à notre époque, personne ne veut faire les choses qu’il juge les plus utiles, non seulement à l’âme, mais aussi au corps. Croyez-moi, mes frères, je pourrais jurer en toute vérité que plus un homme fuit et évite le fardeau et le joug du Christ, plus il se les rend pénibles, et plus il les sent lourds et pesants ; et plus un homme le prend avec zèle, en augmentant toujours le poids de son plein gré, plus il le sent léger [ p. 249 ] et plus il éprouve de douceur à pouvoir le supporter. Plût à Dieu que l’homme puisse obtenir et posséder les biens du corps en ce monde, car il voudrait aussi gagner ceux de l’âme ; puisque le corps et l’âme,Sans aucun doute, ils doivent être unis pour souffrir toujours ou pour se réjouir toujours ; à savoir souffrir en enfer pour toute l’éternité des châtiments et des tourments inestimables, ou jouir pour toujours avec les saints et les anges au paradis, de délices et de consolations indicibles, par les mérites des bonnes œuvres. Néanmoins, si un homme faisait le bien ou pardonnait à ses ennemis sans humilité, ces choses tourneraient au mal ; car nombreux sont ceux qui ont fait beaucoup d’actions qui semblaient bonnes et louables, mais, parce qu’ils n’avaient pas d’humilité, il a été rendu manifeste et connu qu’elles étaient faites par orgueil, et les œuvres elles-mêmes l’ont montré, car les choses qui sont faites avec humilité ne se corrompent jamais. Un frère dit à frère Gilles : « Père, il me semble que nous ne savons pas encore reconnaître ce qui est bon pour nous. » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, il est certain que chacun pratique le métier qu’il a appris, car personne ne peut faire de bonne œuvre s’il n’a d’abord appris ; C’est pourquoi, mon frère, je voudrais que tu saches que le plus noble métier qui soit au monde est de faire le bien. Or, qui peut le connaître s’il ne l’a appris au préalable ? Heureux l’homme à qui aucune créature ne peut apprendre à faire le mal ! Mais plus heureux encore est celui qui, de tout ce qu’il voit et entend, tire son édification.
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Bien des chagrins et des douleurs s’abattront sur le malheureux homme qui place son désir, son cœur et son espoir dans les choses terrestres, abandonnant et perdant pour elles les choses célestes ; et finalement, il perdra aussi ces choses terrestres. L’aigle vole très haut ; mais, si elle avait un poids attaché à ses ailes, elle ne pourrait pas voler très haut : et ainsi l’homme, en raison du poids des choses terrestres, ne peut voler haut, c’est-à-dire ne peut atteindre la perfection ; mais l’homme sage, qui attache le poids du souvenir de la mort et du jugement aux ailes de son cœur, ne pourrait, en raison d’une grande peur, s’égarer ou voler parmi les vanités et les richesses de ce monde, qui sont la cause de la damnation. Chaque jour, nous voyons les hommes du monde travailler et lutter beaucoup, et risquer de grands dangers corporels pour acquérir ces richesses transitoires ; et après avoir travaillé et gagné beaucoup, ils mourront en un instant et laisseront ce qu’ils auront gagné durant leur vie. C’est pourquoi il ne faut pas se fier à ce monde trompeur, car il trompe quiconque le croit, puisqu’il est faux. Mais quiconque désire et veut devenir grand et abondamment riche, qu’il recherche et aime les richesses et les possessions de l’éternité, qui satisfont toujours et ne causent jamais de satiété et ne diminuent jamais. Si nous ne voulons pas nous tromper, prenons exemple sur les bêtes et les oiseaux, qui, une fois nourris, sont satisfaits et ne recherchent rien d’autre que leur subsistance d’une heure à l’autre, lorsqu’ils en ont besoin ; et de même, l’homme devrait se contenter des nécessités de la vie avec modération et sans superflu. Frère Gilles a dit que les fourmis ne plaisaient pas à saint François comme le faisaient les [ p. 251 ] autres animaux, à cause du grand soin qu’ils avaient à rassembler et à mettre de côté de grandes réserves de grain en été pour l’hiver : mais il disait que les oiseaux lui plaisaient bien plus, parce qu’ils ne ramassaient rien un jour pour un autre. Mais la fourmi nous donne cet exemple : nous ne devons pas rester oisifs pendant l’été de cette vie présente, afin de ne pas nous retrouver vides et sans fruits pendant l’hiver du jugement dernier.
Notre misérable et faible chair humaine est semblable au porc qui se plaît toujours à se coucher dans la boue et à s’en souiller, considérant la boue comme son grand plaisir. Notre chair est le chevalier du diable, car elle combat et résiste à tout ce qui est conforme à la volonté de Dieu et pour notre salut. Un frère interrogea frère Gilles et lui dit : « Père, enseigne-moi comment nous pouvons nous préserver du péché charnel. » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, celui qui voudrait soulever un poids important ou une grosse pierre et le déplacer ailleurs devrait s’efforcer de le déplacer plus par habileté que par force. De même, si nous voulons vaincre les péchés charnels et obtenir les vertus de chasteté, nous pouvons mieux les obtenir par l’humilité et par un régime spirituel bon et sage que par notre austérité présomptueuse et la violence de la pénitence. Tout péché trouble et obscurcit la chasteté sainte et resplendissante ; Car la chasteté est semblable à un miroir brillant qui est obscurci et voilé, non seulement par le contact des choses impures, mais même par le souffle de l’homme. Il est impossible à l’homme d’atteindre une quelconque grâce spirituelle tant qu’il continue d’être disposé à la concupiscence charnelle. Par conséquent, tourne-toi et retourne-toi autant que tu le souhaites, tu ne trouveras jamais d’autre moyen d’atteindre la grâce spirituelle qu’en soumettant tout péché charnel. Combats donc vaillamment ta chair faible et sensuelle, ton véritable ennemi, qui te contrecarrerait toujours jour et nuit. Celui qui vaincra notre ennemi mortel, la chair, peut être certain qu’il a vaincu et défait tous ses ennemis, et qu’il atteindra bientôt la grâce spirituelle et tout bon état de vertu et de perfection. Frère Gilles avait coutume de dire : « Parmi toutes les autres vertus, je donnerais la première place à la vertu de chasteté, car la très douce chasteté apporte à elle seule une certaine perfection ; or, aucune autre vertu ne peut être parfaite sans la chasteté. » Un frère demanda à Frère Gilles : « Père, la vertu de charité n’est-elle pas plus grande et plus excellente que celle de chasteté ? » Frère Gilles répondit : « Dis-moi, frère, que trouve-t-on de plus chaste en ce monde que la sainte charité ? » Frère Gilles chantait souvent ce chant : « Ô sainte chasteté, vois ! Que ta bonté est grande ! En vérité, tu es précieuse, et ton parfum est si doux que celui qui ne te savoure pas ignore combien il est rare. C’est pourquoi les insensés ignorent ta valeur. » Un frère demanda à frère Gilles : « Père, toi qui loues tant la vertu de chasteté, je te prie de m’expliquer ce qu’est la chasteté. » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, je te dis que ce qu’on appelle correctement chasteté, c’est le soin assidu et la surveillance continuelle des sens corporels et spirituels pour les conserver purs et immaculés pour Dieu seul. »
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Les grandes grâces que l’homme reçoit de Dieu ne peuvent être possédées en paix et en tranquillité, car de nombreux obstacles et adversités s’y opposent. Plus un homme est agréable à Dieu, plus il est assailli et attaqué par les démons. C’est pourquoi l’homme ne doit jamais cesser de lutter pour conserver la grâce qu’il a reçue de Dieu : plus la bataille est dure, plus la couronne sera précieuse s’il remporte la victoire. Or, nous n’avons pas beaucoup de batailles, ni beaucoup d’obstacles, ni beaucoup de tentations, car nous ne sommes pas tels que nous serions dans la vie spirituelle. Il est vrai que si l’homme marchait sagement et avec sagesse sur le chemin de Dieu, il ne connaîtrait ni fatigue ni peine ; mais celui qui suit les voies du monde ne pourra jamais éviter bien des peines, des fatigues, des anxiétés, des tribulations et des chagrins, même jusqu’au jour de sa mort. Un frère dit à frère Gilles : « Mon père, il me semble que ces deux paroles sont contraires l’une à l’autre. Car tu as d’abord dit que plus un homme est vertueux et agréable à Dieu, plus grands seront les obstacles et les combats qu’il aura dans la vie spirituelle ; et ensuite tu as dit le contraire, à savoir que l’homme qui marche bien et sagement sur le chemin de Dieu ne ressentira ni peine ni fatigue dans son voyage. » À quoi frère Gilles, expliquant la contradiction de ces deux paroles, répondit ainsi : « Mon frère, il est certain que les démons livrent plus de combats par de fortes tentations à ceux qui ont la volonté de bien faire qu’à ceux qui n’ont pas la bonne volonté, c’est-à-dire selon la pensée de Dieu. Mais à l’homme qui marche sagement et avec ferveur sur le chemin de Dieu, quels efforts, quelle fatigue et quel mal les démons et toutes les adversités du monde peuvent-ils causer ? Puisqu’il sait et voit qu’il vend sa marchandise mille fois plus cher qu’elle ne vaut. De plus, je vous le dis en vérité, celui qui a été enflammé par le feu de l’amour divin, plus il est assailli par les péchés, plus il les enhardit par la haine et l’horreur. C’est la coutume des pires démons de courir et de tenter l’homme lorsqu’il est malade ou dans une faiblesse physique, ou lorsqu’il est dans une détresse, ou lorsqu’il a très froid ou est triste, ou lorsqu’il a faim ou soif, ou lorsqu’il a reçu une honte ou un tort, ou une blessure temporelle ou spirituelle ; car ces méchants savent qu’en de tels moments, l’homme est plus enclin à céder à la tentation ; mais je te dis que pour chaque tentation et pour chaque péché que tu vaincras, tu obtiendras une vertu ; et si tu vaincs ce péché qui t’assaille, tu recevras en retour une grâce d’autant plus grande et une couronne plus belle. » Un frère demanda conseil à frère Gilles, en disant : « Père,Souvent, je suis tenté par une tentation très mauvaise, et maintes fois j’ai prié Dieu de m’en délivrer ; mais le Seigneur ne me l’enlève pas ; conseille-moi, père, ce que je dois faire. » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, plus un roi fournit noblement à ses chevaliers d’armures excellentes et solides, plus il voudrait qu’ils combattent courageusement contre ses ennemis pour son amour. » Un frère demanda à frère Gilles, en disant : « Quel remède dois-je utiliser pour pouvoir aller à la prière plus volontiers, avec plus de désir et avec plus de ferveur ? Car lorsque je vais prier, je suis dur, paresseux, sec et manquant de dévotion. » À quoi frère Gilles répondit : « Un roi a deux serviteurs ; et le [ p. 255 ] l’un a des armes pour combattre, l’autre n’en a pas, et tous deux veulent entrer dans la bataille et combattre contre les ennemis du roi. Celui qui est armé entre dans la bataille et combat vaillamment ; mais l’autre, qui n’est pas armé, parle ainsi à son seigneur : « Mon seigneur, tu vois que je suis nu et sans armes ; mais par amour pour toi, j’entrerais volontiers dans la bataille et je combattrais tout désarmé comme je le suis. » Alors le bon roi, voyant l’amour de son fidèle serviteur, dit à ses serviteurs : « Allez avec mon serviteur que voici et revêtez-le de toutes les armes qui lui sont nécessaires pour pouvoir combattre, afin qu’il puisse entrer dans la bataille en toute sécurité ; et signez toutes ses armes de mon signe royal afin qu’il soit connu comme mon fidèle chevalier. » Et si souvent, lorsqu’il va prier, il arrive à un homme de se retrouver nu, impie, paresseux et endurci de cœur, mais néanmoins, par amour pour son Seigneur, il se force à entrer dans le combat de la prière ; alors notre gracieux Roi et Seigneur, voyant l’effort de son chevalier, lui accorde, par les mains de ses serviteurs, les anges, ferveur de dévotion et de bienveillance. Il arrive parfois qu’un homme entreprenne un travail pénible et fastidieux, comme défricher et cultiver la terre ou une vigne, pour en récolter les fruits en saison. Et beaucoup, à cause de ce grand labeur et de leurs nombreuses angoisses, s’en lassent et se repentent presque d’avoir commencé ce travail ; mais s’ils persévèrent jusqu’à la moisson, ils oublient ensuite cette lassitude et sont réconfortés et heureux de contempler les fruits dont ils peuvent profiter ; et de même, l’homme qui est fort au jour des tentations obtiendra de nombreuses consolations, car après les tribulations, dit saint Paul, sont données les consolations et les couronnes de la vie éternelle : et non seulement la récompense sera donnée au ciel à ceux qui [ p. 256 ] résistent aux tentations, mais aussi dans cette vie, comme le dit le Psalmiste : Seigneur,Français selon la multitude de mes tentations et de mes chagrins, Tes consolations réjouiront mon âme ; de sorte que plus la tentation et le combat seront grands, plus glorieuse sera la couronne. » Un frère demanda conseil à Frère Gilles au sujet d’une certaine tentation de sa part, en disant : « Ô Père, je suis tenté par deux tentations extrêmement graves. L’une est que, lorsque je fais une bonne chose, je suis immédiatement tenté par la vaine gloire ; l’autre est que, lorsque je fais un mal, je tombe dans une telle tristesse et une telle apathie que je suis presque poussé au désespoir. » À quoi Frère Gilles répondit : « Mon frère, tu fais bien et sagement de pleurer ton péché ; mais je te conseille de pleurer prudemment et avec modération, et de toujours te rappeler que la miséricorde de Dieu est plus grande que ton péché. Mais si l’infinie miséricorde de Dieu reçoit à la repentance l’homme qui est un grand pécheur et qui pèche de son plein gré, lorsqu’il se repent ; Crois-tu que ce Dieu bon abandonne l’homme bon qui pèche contre sa volonté et qui est déjà contrit et repentant ? De plus, je te conseille de ne jamais cesser de faire le bien, par crainte de la vaine gloire. Car si un homme, voulant semer du blé, disait : « Je ne sèmerai pas, car si je sème, les oiseaux le mangeraient » ; et si, en disant cela, il ne sème pas sa semence, il est certain qu’il ne fera pas de récolte cette année-là. Mais s’il sème sa semence, même si les oiseaux s’en nourrissent, le laboureur en récolte néanmoins la plus grande partie ; et de même, lorsqu’un homme est assailli par la vaine gloire, s’il ne fait pas le bien par vanité, mais lutte toujours contre elle, je dis qu’il ne perd pas le mérite du bien qu’il fait, car il est tenté. Un frère dit à frère Gilles : « Père, je trouve que saint Bernard a dit un jour les sept psaumes de la pénitence avec une telle tranquillité d’esprit et une telle dévotion qu’il ne pensait ni ne méditait sur rien d’autre que le sens propre des psaumes susmentionnés. » À quoi frère Gilles répondit ainsi : « Mon frère, j’estime que le seigneur qui tient une place fortifiée et qui, assiégé et attaqué par ses ennemis, se défend si vaillamment qu’il ne laisse entrer aucun de ses ennemis, fait preuve de bien plus de prouesse que celui qui vit en paix sans que personne ne l’en empêche. »Mais si l’infinie miséricorde de Dieu accueille à la repentance l’homme qui est un grand pécheur et qui pèche de son plein gré, lorsqu’il se repent, crois-tu que ce bon Dieu abandonne l’homme bon qui pèche contre sa volonté, et qui est déjà contrit et repentant ? De plus, je te conseille de ne jamais cesser de faire le bien, par crainte de la vaine gloire. Car si un homme désire semer du blé et dit : « Je ne sèmerai pas, car si je sème, les oiseaux le mangeront peut-être », et si, disant cela, il ne sème pas sa semence, il est certain qu’il ne fera pas de récolte cette année-là. Mais s’il sème sa semence, même si les oiseaux en mangent, le laboureur en récolte néanmoins la plus grande partie, et de même, lorsqu’un homme est assailli par la vaine gloire, s’il ne fait pas le bien par amour de la vaine gloire, mais lutte toujours contre elle, je dis qu’il ne perd pas le mérite du bien qu’il fait, parce qu’il est tenté. » Un frère dit à frère Gilles : « Père, je trouve que saint Bernard a dit un jour les sept psaumes de pénitence avec une si grande tranquillité d’esprit et avec une telle dévotion, qu’il ne pensait ni ne méditait sur aucune autre chose que sur le sens propre des psaumes susmentionnés. » À quoi frère Gilles répondit ainsi : « Mon frère, j’estime que le seigneur qui tient une place fortifiée, et qui, assiégé et attaqué par ses ennemis, se défend si vaillamment qu’il ne laisse entrer aucun de ses ennemis, fait preuve de beaucoup plus de prouesse que celui qui vit en paix sans que personne ne l’en empêche. »Mais si l’infinie miséricorde de Dieu accueille à la repentance l’homme qui est un grand pécheur et qui pèche de son plein gré, lorsqu’il se repent, crois-tu que ce bon Dieu abandonne l’homme bon qui pèche contre sa volonté, et qui est déjà contrit et repentant ? De plus, je te conseille de ne jamais cesser de faire le bien, par crainte de la vaine gloire. Car si un homme désire semer du blé et dit : « Je ne sèmerai pas, car si je sème, les oiseaux le mangeront peut-être », et si, disant cela, il ne sème pas sa semence, il est certain qu’il ne fera pas de récolte cette année-là. Mais s’il sème sa semence, même si les oiseaux en mangent, le laboureur en récolte néanmoins la plus grande partie, et de même, lorsqu’un homme est assailli par la vaine gloire, s’il ne fait pas le bien par amour de la vaine gloire, mais lutte toujours contre elle, je dis qu’il ne perd pas le mérite du bien qu’il fait, parce qu’il est tenté. » Un frère dit à frère Gilles : « Père, je trouve que saint Bernard a dit un jour les sept psaumes de pénitence avec une si grande tranquillité d’esprit et avec une telle dévotion, qu’il ne pensait ni ne méditait sur aucune autre chose que sur le sens propre des psaumes susmentionnés. » À quoi frère Gilles répondit ainsi : « Mon frère, j’estime que le seigneur qui tient une place fortifiée, et qui, assiégé et attaqué par ses ennemis, se défend si vaillamment qu’il ne laisse entrer aucun de ses ennemis, fait preuve de beaucoup plus de prouesse que celui qui vit en paix sans que personne ne l’en empêche. »J’estime que le seigneur qui tient une place fortifiée et qui, assiégé et attaqué par ses ennemis, se défend si vaillamment qu’il ne permet à aucun de ses ennemis d’y entrer, fait preuve de beaucoup plus de prouesse que celui qui vit en paix sans que personne ne l’en empêche.J’estime que le seigneur qui tient une place fortifiée et qui, assiégé et attaqué par ses ennemis, se défend si vaillamment qu’il ne permet à aucun de ses ennemis d’y entrer, fait preuve de beaucoup plus de prouesse que celui qui vit en paix sans que personne ne l’en empêche.
L’homme doit toujours affliger et mortifier son corps, et souffrir volontiers tous les torts, tribulations et angoisses, chagrins, hontes, mépris, insultes, adversités et persécutions, par amour pour notre bon Maître et Seigneur, Maître Jésus-Christ, qui nous a donné l’exemple en lui-même ; car, depuis le premier jour de sa glorieuse naissance jusqu’à sa très sainte Passion, il a toujours souffert angoisses, tribulations, chagrins, mépris, peines et persécutions, uniquement pour notre salut. C’est pourquoi, si nous voulons parvenir à l’état de grâce, il nous appartient de marcher, autant que possible, sur le même chemin et sur les traces de notre bon Maître, Jésus-Christ. Un laïc demanda à frère Gilles : « Père, de quelle manière pouvons-nous, nous les laïcs, parvenir à l’état de grâce ? » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, l’homme doit d’abord pleurer ses péchés avec une grande contrition du cœur, puis il doit les confesser au prêtre avec amertume et tristesse du cœur, ne s’accusant que lui-même, sans dissimulation et sans excuse ; et il doit parfaitement accomplir la pénitence qui lui est donnée et imposée par son confesseur ; il doit aussi se garder de tout vice et de tout péché, et [ p. 258 ] de toute occasion de péché ; et de même il doit s’exercer aux bonnes et vertueuses œuvres envers Dieu et envers son prochain ; et ce faisant, il atteindra un état de grâce et de vertu. Heureux l’homme qui pleurera continuellement ses péchés, les pleurant toujours jour et nuit, avec amertume du cœur, uniquement pour l’offense qu’il a commise contre Dieu ! Heureux l’homme qui aura toujours devant les yeux de son esprit les afflictions, les douleurs et les tristesses de Jésus-Christ, et qui, par amour pour Lui, ne désirera ni ne recevra aucune consolation temporelle dans ce monde amer et tempétueux, jusqu’à ce qu’il parvienne à la consolation céleste de la vie éternelle, où tous ses désirs seront comblés avec une joie parfaite !
La prière est le commencement, le milieu et la fin de tout bien ; elle illumine l’âme, et par elle, elle distingue le bien du mal. Tout homme pécheur devrait faire cette prière continuellement, chaque jour, avec ferveur du cœur ; c’est-à-dire qu’il devrait prier Dieu humblement de lui donner une connaissance parfaite de sa propre misère et de ses péchés, et des bénédictions qu’il a reçues et reçoit du bon Dieu. Mais celui qui ne sait pas prier, comment pourra-t-il connaître Dieu ? Et tous ceux qui veulent se sauver, s’ils sont des personnes d’un véritable entendement, doivent, en fin de compte, se convertir à la sainte prière. Frère Gilles a dit : « S’il y avait un homme qui avait un fils, qui avait commis un crime si grave qu’il était condamné à mort ou banni de la ville ; il est certain que cet homme serait très désireux de faire [p. 259]] tout son possible, jour et nuit, pour obtenir la grâce de la vie de son fils ou pour le ramener de l’exil ; il adressait de grandes prières et supplications, et offrait des dons ou des indemnités dans la mesure de ses moyens, tant à lui-même qu’à ses amis et à ses proches. Si donc un homme fait cela pour son fils, qui est mortel, avec quel soin doit-il non seulement prier Dieu lui-même pour sa propre âme, qui est immortelle et qui a été bannie de la cité céleste et condamnée à la mort éternelle pour ses nombreux péchés, mais aussi pour convaincre les hommes de bien en ce monde, et les saints dans l’autre monde, de prier aussi pour elle. Un frère dit à frère Gilles : « Père, il me semble qu’un homme devrait être très affligé et extrêmement triste lorsqu’il ne peut pas avoir la grâce de la dévotion dans ses prières. » Frère Gilles répondit : « Mon frère, je te conseille de faire tes affaires avec douceur. Car si tu avais un peu de bon vin dans un tonneau, et que dans ce tonneau il y ait aussi de la lie sous le bon vin, il est certain que tu ne secouerais ni ne déplacerais ce tonneau, de peur de mélanger le bon vin avec la lie. Ainsi, je le dis, tant que ta prière ne sera pas séparée de toute concupiscence charnelle et pécheresse, elle ne recevra pas la consolation divine ; car la prière qui est mêlée à la lie de la sensualité n’est pas claire aux yeux de Dieu. C’est pourquoi l’homme doit s’efforcer de toutes ses forces de se séparer de toute la lie de la concupiscence pécheresse, afin que sa prière soit pure aux yeux de Dieu et qu’il en reçoive la dévotion et la consolation divines. » Un frère demanda à frère Gilles : « Père, pourquoi arrive-t-il que, lorsqu’un homme adore Dieu, il soit plus tenté, assailli et tourmenté qu’à tout autre moment ? » À quoi frère Gilles répondit ainsi : « Lorsqu’un homme doit plaider sa cause [ p. 260 ] devant un juge, et commence à exposer sa cause au juge,Comme s’il lui demandait conseil et aide ; dès que son adversaire entend cela, il semble aussitôt contredire et s’opposer à ce que cet homme demande, et il le laisse mal, comme réfutant tout ce qu’il dit ; et il arrive de même lorsqu’un homme va prier ; car il demande l’aide de Dieu dans son besoin ; et donc son adversaire, le diable, apparaît aussitôt avec ses tentations, pour offrir une grande opposition et le contredire, utilisant tous les efforts, ruses et arguments qu’il peut pour entraver sa prière, afin que cette prière ne soit pas acceptable aux yeux de Dieu, et que l’homme n’en tire aucun mérite ni aucune consolation. Et cela, nous pouvons le voir bien et clairement ; car lorsque nous parlons des choses du monde, nous ne subissons aucune tentation ni aucune distraction de l’esprit ; mais, si nous allons prier, pour réjouir et consoler l’âme avec Dieu, nous sentirons bientôt l’esprit frappé de diverses flèches, à savoir par diverses tentations ; « Les démons nous transpercent pour égarer nos esprits, de sorte que l’âme ne tire ni joie ni consolation de ce qu’elle dit à Dieu. » Frère Gilles disait que l’homme qui prie doit faire comme le bon chevalier au combat ; celui-ci, même percé ou frappé par son ennemi, ne quitte pas pour autant immédiatement le combat, mais résiste courageusement afin de remporter la victoire sur son ennemi et, l’ayant obtenue, de se réjouir et de se consoler de la gloire qu’il a acquise. Mais, s’il quittait le combat dès qu’il était frappé et blessé, il est certain qu’il serait confondu, honteux et injurié. Et nous devons faire de même ; c’est-à-dire ne pas cesser de prier pour chaque tentation, mais résister courageusement, car, comme le dit l’Apôtre : « Bienheureux soit ! »Il ne quitte donc pas immédiatement le combat, mais il résiste courageusement afin de remporter la victoire sur son ennemi et, l’ayant obtenue, de se réjouir et de se consoler de la gloire acquise. Mais s’il quittait le combat aussitôt frappé et blessé, il serait certainement confondu, couvert de honte et d’insultes. Nous devons faire de même ; ne cessons pas de prier pour chaque tentation, mais résistons courageusement, car, comme le dit l’Apôtre : « Heureux ! »Il ne quitte donc pas immédiatement le combat, mais il résiste courageusement afin de remporter la victoire sur son ennemi et, l’ayant obtenue, de se réjouir et de se consoler de la gloire acquise. Mais s’il quittait le combat aussitôt frappé et blessé, il serait certainement confondu, couvert de honte et d’insultes. Nous devons faire de même ; ne cessons pas de prier pour chaque tentation, mais résistons courageusement, car, comme le dit l’Apôtre : « Heureux ! »
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l’homme qui a enduré la tentation ; car lorsqu’il sera éprouvé, il recevra la couronne de vie ; mais si un homme, à cause des tentations, cesse de prier, il est certain qu’il sera confondu, vaincu et déconfit par son ennemi le diable. Un frère dit à frère Gilles : « Père, j’ai vu certains hommes qui ont reçu de Dieu la grâce de la dévotion dans leurs prières jusqu’à verser des larmes ; et je ne peux ressentir aucune de ces grâces lorsque j’adore Dieu. » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, je te conseille de travailler humblement et fidèlement dans tes prières ; car, sans travail et sans effort préalable, la terre ne donne pas son fruit ; et même après que le travail a été fait, le fruit désiré ne vient pas immédiatement, mais tarde jusqu’à ce que le temps soit arrivé ; et ainsi Dieu ne donne pas immédiatement ces grâces à l’homme lorsqu’il prie, mais les retient jusqu’à ce que ; Le temps est venu, et jusqu’à ce que son esprit soit purifié de toute affection charnelle et de tout péché. C’est pourquoi, mon frère, travaille humblement dans la prière ; car Dieu, qui est tout bon et miséricordieux, connaît et discerne tout mieux, et quand le temps et la saison seront venus, il, dans sa bonté, te donnera beaucoup de fruits de consolation. Un autre frère dit à frère Gilles : « Que fais-tu, frère Gilles ? Que fais-tu, frère Gilles ? » Et il répondit : « Je fais le mal. » Et ce frère dit : « Quel mal fais-tu ? » Alors frère Gilles le tourna vers un autre frère et lui dit : « Dis-moi, mon frère, qui crois-tu être le plus disposé, notre Seigneur Dieu à nous accorder sa grâce, ou nous à la recevoir ? » Et alors le frère répondit : « Il est certain que Dieu est plus disposé à nous donner sa grâce que nous à la recevoir. » Et alors frère Gilles dit : « Allons-nous bien alors ? » .Et ce frère dit : « Non, nous faisons le mal. » Alors frère [ p. 262 ] Gilles se tourna de nouveau vers le premier frère et dit : « Voici, frère, il est clairement démontré que nous faisons le mal ; et ce que je t’ai répondu tout à l’heure est vrai, à savoir que j’ai fait le mal. » Frère Gilles dit : « De nombreuses œuvres sont louées et recommandées dans les Saintes Écritures, qui sont des œuvres de miséricorde et d’autres œuvres saintes ; mais lorsqu’il parla de la prière, le Seigneur dit : Le Père céleste cherche des hommes qui l’adoreront sur terre en esprit et en vérité. » Frère Gilles dit aussi que les vrais religieux sont comme des loups ; car ils vont rarement parmi les hommes, sauf en cas de grande nécessité ; et alors ils cherchent aussitôt à retourner dans leur lieu secret sans trop tarder ni entretenir de relations familières avec les hommes. Les bonnes œuvres ornent l’âme ; Mais, par-dessus tout, la prière orne et illumine l’âme. Un frère, qui était un compagnon intime de frère Gilles, dit : « Père, pourquoi ne vas-tu pas parfois parler des choses de Dieu, enseigner et œuvrer au salut des âmes des chrétiens ? » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère,Je désire accomplir mon devoir envers mon prochain avec humilité et sans nuire à mon âme, c’est-à-dire par la prière. » Et ce frère dit : « Au moins, tu devrais aller parfois rendre visite à tes proches. » Et frère Gilles répondit : « Ne sais-tu pas que le Seigneur dit dans l’Évangile : Quiconque quittera père et mère, frères, sœurs et biens à cause de mon nom, recevra le centuple ? » Et il dit encore : « Un gentilhomme entra dans l’Ordre des frères, dont les richesses valaient peut-être 60 000 lires ; de grands dons attendent donc ceux qui, pour l’amour de Dieu, abandonnent de grandes choses, car Dieu leur en donne au centuple. Mais nous qui sommes aveugles, lorsque nous voyons un homme vertueux et plein de grâce aux yeux de Dieu, nous ne pouvons comprendre sa perfection. [ p. 263 ] à cause de notre imperfection et de notre aveuglement. Mais si un homme était vraiment spirituel, il ne souhaiterait guère voir ou entendre qui que ce soit, sauf en cas de grand besoin ; car l’homme vraiment spirituel désire toujours être séparé des hommes et uni à Dieu par la contemplation. » Alors frère Gilles dit à un frère : « Père, je voudrais bien savoir ce qu’est la contemplation. » Et ce frère répondit : « Père, je ne le sais pas encore. » Alors frère Gilles dit : « Il me semble que la dignité de la contemplation est un feu divin, une douce dévotion au Saint-Esprit, une extase et une abstraction de l’esprit, enivré par la contemplation de cette saveur ineffable de la divine douceur ; et un doux, calme et suave plaisir de l’âme, qui s’élève et s’exalte dans une grande admiration pour les choses glorieuses, surnaturelles, célestes ; et un sentiment intérieur brûlant de cette gloire céleste et indicible. »« Il me semble que la dignité de la contemplation est un feu divin, une douce dévotion du Saint-Esprit, une extase et une abstraction de l’esprit, enivré par la contemplation de cette saveur ineffable de la douceur divine ; et un doux et calme délice de l’âme, qui est élevée et ravie dans une grande admiration pour les choses glorieuses, surnaturelles, célestes ; et un sentiment intérieur brûlant de cette gloire céleste et indicible. »« Il me semble que la dignité de la contemplation est un feu divin, une douce dévotion du Saint-Esprit, une extase et une abstraction de l’esprit, enivré par la contemplation de cette saveur ineffable de la douceur divine ; et un doux et calme délice de l’âme, qui est élevée et ravie dans une grande admiration pour les choses glorieuses, surnaturelles, célestes ; et un sentiment intérieur brûlant de cette gloire céleste et indicible. »
Ô toi, serviteur du Roi céleste, qui veux apprendre les mystères et la prudence profitable et vertueuse de la sainte doctrine spirituelle, ouvre bien les oreilles de l’intellect de ton âme, et reçois avec désir du cœur ; et garde soigneusement dans la maison de ta mémoire le précieux trésor de ces préceptes, enseignements et avertissements spirituels, que je te dis, par lesquels tu seras illuminé et dirigé dans ton voyage, à savoir la vie spirituelle, et tu seras armé contre les assauts maléfiques et subtils de tes ennemis corporels et incorporels, et tu iras avec une humble audace, voyageant en toute sécurité sur la mer tumultueuse de cette vie présente, jusqu’à ce que tu atteignes le port tant attendu du salut. Alors, mon [ p. 264 ] fils, écoute bien et remarque ce que je te dis : Si tu veux bien voir, crève-toi les yeux et deviens aveugle ; Si tu veux bien entendre, deviens sourd ; si tu veux bien parler, deviens muet ; si tu veux bien marcher, reste immobile et marche avec ton esprit ; si tu veux bien travailler, coupe tes mains et travaille avec ton cœur ; si tu veux bien aimer, hais-toi ; si tu veux bien vivre, mortifie-toi ; si tu veux beaucoup gagner et être riche, perds et sois pauvre ; si tu veux te réjouir et prendre tes aises, afflige-toi et sois toujours triste ; si tu veux être en sécurité, sois toujours craintif et soupçonne-toi ; si tu veux être élevé et avoir un grand honneur, humilie-toi et injurie-toi ; si tu veux être tenu en grande révérence, méprise-toi et révère ceux qui te méprisent et te déshonorent ; si tu veux avoir toujours le bien, endure toujours le mal ; si tu veux être béni, désire que tous les gens te maudissent ; et si tu veux avoir le vrai repos et l’éternel, travaille et afflige-toi, et désire toutes les calamités temporelles. Ô quelle grande sagesse est de savoir faire et accomplir ces choses ! Mais parce que ces choses sont grandes et très élevées, c’est pourquoi elles ne sont accordées par Dieu qu’à peu de personnes. Mais en vérité, celui qui étudiera bien toutes les choses susmentionnées et les mettra en pratique, je dis de lui qu’il n’a pas besoin d’aller à Bologne ou à Paris pour apprendre une autre théologie ; car si un homme vivait mille ans, sans faire aucune action corporelle extérieure et ne prononçait aucune parole avec sa langue, néanmoins je dis qu’il aurait assez à faire, se discipliner intérieurement dans son cœur, travailler en lui-même à la purification, à la direction et à la justification de son esprit et de son âme. Un homme ne devrait vouloir ni voir, ni entendre, ni parler de quoi que ce soit, sauf de ce qui est utile à son âme. [ p. 265 ] Celui qui ne se connaît pas lui-même n’est pas connu. Et donc, malheur à nous, lorsque nous recevons les dons et les grâces du Seigneur et que nous ne savons pas assez pour les reconnaître !Mais malheur plus grand à ceux qui ne les reçoivent ni ne les reconnaissent, ni ne se soucient même de les obtenir et de les posséder. L’homme est fait à l’image de Dieu, et il change comme il veut ; mais le bon Dieu ne change jamais.
L’homme qui veut connaître beaucoup doit travailler beaucoup et s’humilier beaucoup, s’abaisser et courber la tête jusqu’à ce qu’il marche le ventre à terre ; alors le Seigneur lui donnera beaucoup de connaissance et de sagesse. La plus grande sagesse est de toujours faire le bien, de travailler vertueusement et de se garder soigneusement de tout péché et de toute occasion de péché, et de toujours penser aux jugements de Dieu. Un jour, frère Gilles dit à quelqu’un qui voulait aller à l’école pour acquérir des connaissances : « Mon frère, pourquoi irais-tu à l’école ? Car je te fais savoir que la somme de toute connaissance est de craindre et d’aimer, et ces deux choses te suffisent ; car la sagesse dont on peut se servir suffit à un homme, et il n’en a pas besoin de plus. Ne sois pas trop soucieux d’étudier beaucoup pour le bien des autres, mais étudie toujours et sois diligent à travailler à ce qui est utile pour toi-même ; car il arrive souvent que nous acquérions beaucoup de connaissances pour aider les autres, et peu pour nous-mêmes ; Et je te dis que la parole de Dieu n’est pas pour celui qui parle, ni pour celui qui entend, mais pour celui qui la met en pratique. Des hommes qui ne savaient pas nager sont entrés dans l’eau pour aider ceux qui se noyaient ; et il arriva qu’ils se noyèrent tous ensemble. Si tu ne te préoccupes pas du salut de ton âme, comment te préoccuperas-tu de celui de ton prochain ? Et si tu ne fais pas bien tes propres affaires, comment feras-tu bien celles des autres ? Car il est inconcevable que tu aimes l’âme d’autrui plus que la tienne. Les prédicateurs de la parole de Dieu devraient être la bannière, la lampe et le miroir du peuple. Heureux l’homme qui conduit les autres sur le chemin du salut au point de ne pas cesser lui-même d’y marcher ! Heureux l’homme qui incite les autres à courir au point de ne jamais cesser de courir lui-même ! Plus heureux encore est celui qui aide ainsi les autres à gagner et à s’enrichir, sans jamais cesser de s’enrichir. Je crois que le bon prédicateur s’exhorte et se prêche davantage à lui-même qu’aux autres. Il me semble que celui qui veut convertir et amener les âmes des pécheurs dans la voie de Dieu devrait toujours craindre d’être gravement perverti par eux et entraîné dans la voie du péché, du diable et de l’enfer.
L’homme qui prononce de bonnes paroles utiles aux âmes est en vérité comme le porte-parole du Saint-Esprit, et de même, celui qui prononce des paroles mauvaises et inutiles est certainement le porte-parole du diable. Lorsque des hommes bons et spirituels se rencontrent pour converser, ils devraient toujours parler de la beauté des vertus, afin qu’elles leur plaisent davantage et qu’ils y prennent davantage de plaisir ; car en se délectant et en prenant plaisir à ces vertus, ils s’y disciplineront davantage ; et en s’y disciplinant, ils parviendront à un plus grand amour pour elles ; et par cet amour, et par une discipline et un plaisir continuels dans les vertus, ils progresseront toujours vers un amour plus fervent de Dieu et atteindront un état d’âme plus élevé ; c’est pourquoi davantage de dons et de grâces divines leur seront accordés par le Seigneur. Plus un homme est tenté, plus il a besoin de parler des saintes vertus. Car, de même que, par de mauvaises paroles sur les péchés, on tombe souvent facilement dans des actes pécheurs, de même, en parlant des vertus, on est souvent amené et disposé facilement aux saintes actions de la vertu. Mais que dire du bien qui découle des vertus ? Car il est si grand que nous ne pouvons parler dignement de sa grande excellence, merveilleuse et infinie. Et de même que dire du mal et du châtiment éternel qui découle du péché ? Car c’est un mal si grand et un abîme si profond qu’il est pour nous incompréhensible et au-delà de toute pensée ou de tout discours. Je considère comme une vertu non moins de savoir bien se taire que de savoir bien parler ; et c’est pourquoi il me semble qu’un homme a besoin d’un long cou comme la grue, afin que, lorsqu’il veut parler, ses paroles passent par de nombreuses articulations avant d’atteindre sa bouche. c’est-à-dire que, lorsqu’un homme désire parler, il peut être nécessaire pour lui de réfléchir et de réfléchir encore, et d’examiner et de considérer très soigneusement, le comment, le pourquoi, le quand, la manière et l’état de ses auditeurs, et l’effet sur lui-même, et le motif pour lequel il parle.
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À quoi sert à un homme de jeûner, de prier, de faire l’aumône et de s’affliger, l’esprit toujours fixé sur les choses célestes, s’il ne parvient pas au port béni du salut auquel il aspire, celui de la bonne et inébranlable persévérance ? Il arrive parfois qu’un grand navire sillonne la mer, beau, grand, robuste, neuf et chargé de grandes richesses ; et il arrive qu’à cause d’une tempête ou par la faute du timonier, ce navire périsse, sombre misérablement et n’atteigne pas le port où il devrait être. À quoi lui servent alors toute sa beauté, son excellence et ses richesses, après avoir péri si misérablement au fond de la mer ? Parfois aussi, un petit navire, vieux et chargé de peu, apparaît sur la mer. Grâce à un timonier bon et prudent, il triomphe de la Fortune, s’échappe des profondeurs de la mer et parvient au port désiré. Il en est de même pour les hommes dans l’océan tumultueux de ce monde. C’est pourquoi frère Gilles avait coutume de dire : « L’homme doit toujours craindre, et même s’il jouit d’une grande prospérité, d’un rang élevé, d’une grande dignité ou d’une condition parfaite, s’il n’a pas un bon timonier, c’est-à-dire un sage gouvernement de soi, il peut périr misérablement dans la mer profonde du péché. C’est pourquoi la persévérance est indispensable pour bien faire, comme le dit l’Apôtre : Ce n’est pas celui qui commence, mais celui qui persévère jusqu’à la fin qui aura la couronne. » Lorsqu’un arbre pousse, il ne grandit pas immédiatement ; et une fois qu’il a poussé, il ne donne donc pas de fruits immédiatement ; et quand il donne du fruit, tout ce fruit ne vient pas à la bouche du propriétaire de cet arbre ; car une grande partie du fruit tombe à terre, pourrit et se perd, et les bêtes des champs le mangent ; mais s’il continue à croître jusqu’à la saison appropriée, la plus grande partie de son fruit sera cueillie par le propriétaire de cet arbre. De même, frère Gilles a dit : « À quoi me servirait-il de goûter au royaume des cieux pendant cent ans, et de ne pas y persévérer, de sorte que par la suite je n’arrive pas à une bonne fin ? » Et il a également dit : « J’estime que ce sont là deux grâces et deux dons extrêmement grands de Dieu pour celui qui peut les obtenir dans cette vie, à savoir persévérer avec amour dans le service de Dieu, et toujours se garder de tomber dans le péché. »
FRÈRE GILES disait souvent, parlant de lui-même : « Je préférerais avoir un peu de la grâce de Dieu, étant religieux dans la religion, que d’en avoir beaucoup en étant laïc et vivant dans le monde ; car dans le monde il y a beaucoup plus d’obstacles et de périls, et beaucoup moins de remèdes et de secours que dans la religion. » Frère GILES disait aussi : « Il me semble que l’homme pécheur craint plus son propre bien que sa perte et son mal ; car il craint d’entrer dans la religion et de faire pénitence ; mais il ne craint pas d’offenser Dieu et son âme, en demeurant dans le monde dur et obstiné, et dans le bourbier répugnant de ses péchés, en attendant sa dernière damnation éternelle. » Un laïc demanda à Frère GILES : « Père, que me conseillez-vous de faire ? Entrer dans la religion ou rester dans le monde à faire de bonnes œuvres ? » À quoi frère Gilles répondit : « Mon frère, [ p. 270 ] il est certain que si un homme nécessiteux savait qu’un grand trésor était caché dans le domaine public, il ne demanderait conseil à personne pour s’assurer s’il serait bon de le déterrer et de le cacher dans sa maison ; combien plus un homme devrait-il s’efforcer et se hâter avec tout le zèle et la diligence de s’emparer de ce trésor céleste qui se trouve dans les saintes congrégations religieuses et spirituelles, sans demander tant de conseils ! » Et ce laïc, entendant cette réponse, distribua aussitôt ce qu’il possédait aux pauvres, et ainsi dépouillé de tout, entra aussitôt dans la Religion. Frère Gilles avait coutume de dire : « Beaucoup d’hommes entrent dans la Religion, et pourtant ne mettent pas en pratique et en œuvre les choses qui appartiennent à l’état parfait de la sainte Religion ; mais ces hommes sont semblables à ce laboureur qui s’est revêtu de l’armure d’Orlando et ne savait pas comment se battre ou jouter avec.Tout homme ne sait pas monter un cheval rétif et vicieux ; et, même s’il le montait, il ne saurait peut-être pas comment s’empêcher de tomber, lorsque le cheval galoperait ou s’impatienterait. » Frère Gilles a également dit : « Je ne tiens pas pour important qu’un homme entre à la cour du roi ; je ne tiens pas non plus pour important qu’il sache comment obtenir des grâces ou des bienfaits du roi ; mais l’important est qu’il sache bien rester, demeurer et se comporter correctement à la cour du roi, continuant à agir prudemment selon ce qui est convenable. La cour du grand Roi Céleste est la sainte Religion, dans laquelle il n’est pas difficile d’entrer et de recevoir quelques dons et grâces de Dieu ; mais l’important est qu’un homme sache bien vivre et se comporter et y persévérer avec prudence jusqu’à sa mort. » De même, Frère Gilles a dit : « Je préférerais être un laïc [ p. 271 ] et espérer et désirer continuellement avec dévotion entrer dans la Religion, que je ne voudrais être revêtu de l’habit de la sainte Religion, sans la pratique des œuvres vertueuses, en continuant dans la paresse et la négligence. Et donc l’homme religieux doit toujours s’efforcer de vivre bien et vertueusement, sachant qu’il ne peut vivre dans aucun autre état que celui de son Ordre. Un jour, frère Gilles a dit : « Il me semble que la Religion des Frères Mineurs a vraiment été envoyée par Dieu pour le profit et la grande édification du peuple ; mais malheur à nous, frères, si nous ne sommes pas les hommes que nous devrions être ! Il est certain que dans cette vie, il ne pourrait pas y avoir d’hommes plus bénis que nous ; car saint est celui qui suit celui qui est saint, et celui qui marche dans le chemin des bons est vraiment bon ; et riche est celui qui marche sur les traces des riches ; et la Religion des Frères Mineurs, plus que toute autre Religion, suit les traces et la voie du plus bon, du plus riche et du plus saint qui ait jamais été ou qui sera jamais, à savoir de Notre Seigneur Jésus-Christ.
Plus le religieux demeure sous le joug de la sainte obéissance, pour l’amour de Dieu, plus il donnera de lui-même à Dieu ; plus il sera soumis à son Supérieur pour l’honneur de Dieu, plus il sera libre et pur de tout péché. Le véritable religieux obéissant est semblable à un chevalier bien armé et monté, qui triomphe et brise les rangs de ses ennemis, en toute sécurité et sans crainte, car aucun d’eux ne peut lui faire de mal. Mais celui qui obéit en murmurant et par contrainte est semblable à un chevalier désarmé et mal monté, qui, lorsqu’il entre au combat, sera précipité à terre par ses ennemis, blessé par eux, pris, et parfois emprisonné et tué. Le religieux qui désire vivre selon sa volonté et son bon plaisir montre qu’il se bâtira une demeure éternelle dans l’abîme de l’enfer. Quand le bœuf soumet son cou au joug, la terre est bien labourée et donne de bons fruits en sa saison. Mais quand le bœuf erre où il veut, la terre reste inculte et sauvage, et ne donne pas ses fruits en sa saison. De même, le religieux qui a soumis son cou au joug de l’obéissance porte beaucoup de fruits au Seigneur Dieu en sa saison ; mais celui qui n’obéit pas à son Supérieur de bon cœur reste stérile, sauvage et sans fruit de sa profession. Les hommes sages et magnanimes soumettent volontiers leur cou, sans crainte et sans doute, au joug de la sainte obéissance ; mais les hommes insensés et craintifs cherchent à s’en dégager et ne veulent plus obéir à aucune créature. Je considère comme plus parfaite, chez le serviteur de Dieu, la simple obéissance à son supérieur, par révérence et par amour pour Dieu, que l’obéissance à Dieu lui-même, si Dieu lui imposait ses commandements ; Car celui qui obéit à un vicaire du Seigneur serait, à coup sûr, plus obéissant au Seigneur lui-même s’il le lui commandait. Il me semble aussi que, si un homme avait promis obéissance à un autre et avait eu la grâce de parler aux anges, et que, pendant qu’il parlait à ces anges, celui à qui il avait promis obéissance l’appelait, je dis qu’il devrait immédiatement cesser de parler aux anges et se hâter d’obéir pour l’honneur de Dieu. Celui qui a placé son cou sous le joug de la sainte obéissance, et qui ensuite voudrait le retirer de sous cette obéissance par désir de mener une vie plus parfaite, je dis que, s’il n’est pas d’abord tout à fait parfait dans l’état d’obéissance, c’est un signe du grand orgueil qui se cache secrètement dans son âme. L’obéissance est le chemin qui mène à toute vertu, et la désobéissance est le chemin de tout mal et de tout péché.
Si l’homme avait toujours à l’esprit le souvenir de sa mort, du jugement dernier et éternel, des souffrances et des tourments des âmes damnées, il est certain que jamais le désir de pécher ou d’offenser Dieu ne lui viendrait. Mais s’il était possible qu’un homme ait vécu depuis le commencement du monde jusqu’à maintenant, et qu’il ait, durant tout ce temps, subi adversités, tribulations, douleurs, afflictions et chagrins, et que, s’il mourait, son âme rejoigne le bonheur éternel du Ciel, quel mal lui ferait tout le mal qu’il a enduré dans le passé ? De même, si un homme avait joui, pendant tout ce temps, de tous les biens, de tous les plaisirs et de toutes les consolations du monde, et qu’ensuite il mourait et que son âme subisse les souffrances éternelles de l’Enfer, à quoi lui serviraient tous les biens dont il a joui dans le passé ? Un homme qui était un vagabond dit à frère Gilles : « Je te dis que je voudrais vivre longtemps dans ce monde et avoir de grandes richesses et l’abondance de toutes choses ; et je désirerais être très honoré. » À quoi frère Gilles dit : « Mon frère, si tu étais le seigneur de tout le monde, et que tu pouvais y vivre mille ans, dans toute la délice [ p. 274 ] des joies, des plaisirs et des consolations temporelles, dis-moi, quelle récompense ou quel mérite espères-tu avoir dans ta misérable chair, celle que tu voudrais servir et plaire ? Mais je te dis que l’homme qui vit bien aux yeux de Dieu, et se garde d’offenser Dieu, recevra sûrement de Dieu le plus grand bien et une récompense éternelle infinie, et de grandes richesses et un grand honneur et la vie éternelle, dans cette gloire céleste sans fin, où le bon Dieu, notre Seigneur et Roi Jésus-Christ, peut nous conduire, à la louange du même Jésus-Christ et de son mendiant François.
ICI SE TERMINENT LES ENSEIGNEMENTS ET LES DITONS REMARQUABLES DE FRÈRE GILES