1.—Au Nom du Seigneur commence la vie des Frères Mineurs.
La Règle et la vie des Frères Mineurs consistent à observer le saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, en vivant dans l’obéissance, sans biens et dans la chasteté. Frère François promet obéissance et révérence au Seigneur Pape Honorius, à ses successeurs canoniquement élus et à l’Église romaine. Les autres frères seront tenus d’obéir à frère François et à ses successeurs.
2.—De ceux qui désirent embrasser cette Vie et comment ils doivent être reçus.
Si quelqu’un veut embrasser cette vie et venir vers nos frères, qu’ils l’envoient à leurs ministres provinciaux, à qui seul et non à d’autres est accordé le pouvoir de recevoir des frères. Mais que les ministres les examinent avec soin sur la foi catholique et les sacrements de l’Église. Et s’ils croient toutes ces choses, et s’ils les confessent fidèlement et les observent fermement jusqu’à la fin, et s’ils n’ont pas d’épouse, ou s’ils en ont et que leurs épouses sont déjà entrées dans un monastère, ou s’ils leur ont, avec l’autorité de l’évêque diocésain, donné la permission après avoir fait vœu de continence, et si les épouses sont d’un âge tel qu’aucun soupçon ne puisse naître à leur sujet, qu’ils [les ministres] leur disent la parole du saint Évangile, [2] d’aller vendre tous leurs biens et de s’efforcer de les distribuer aux pauvres. S’ils ne le peuvent pas, leur bonne volonté suffit. Les frères et leurs ministres veilleront à ne pas se préoccuper de leurs affaires temporelles, afin de pouvoir en faire librement ce que le Seigneur leur inspirera. Si toutefois un conseil est nécessaire, les ministres auront le pouvoir de les envoyer vers des hommes pieux, sur l’avis desquels leurs biens pourront être distribués aux pauvres. Ensuite, on leur donnera des vêtements de probation, à savoir deux tuniques sans capuchon et une corde, des caleçons et un chaperon descendant jusqu’à la corde, à moins qu’à un moment donné les mêmes ministres n’en décident autrement selon Dieu. L’année de probation étant terminée, ils seront reçus à l’obéissance, promettant d’observer toujours cette vie et cette règle. Et selon le commandement du Seigneur Pape [3], il ne leur sera en aucun cas permis de sortir de cette religion, car, selon le saint Évangile : « Nul ne met la main à la charrue et ne regarde en arrière n’est propre au royaume de Dieu. » [4] Et que ceux qui ont déjà promis l’obéissance aient une tunique à capuchon, et s’ils le souhaitent une autre sans capuchon. Et ceux qui y sont obligés peuvent porter des chaussures. Et que tous les frères soient vêtus de vêtements pauvres et qu’ils puissent les rapiécer avec des morceaux de toile de sac et d’autres choses, avec la bénédiction de Dieu. Je les avertis et les exhorte à ne pas mépriser ou juger les hommes qu’ils voient vêtus de vêtements fins et voyants, consommant des mets et des boissons délicats, mais plutôt que chacun se juge et se méprise lui-même.
Français Les clercs célébreront l’Office divin selon l’ordre de la sainte Église romaine, à l’exception du Psautier ; c’est pourquoi ils pourront avoir des bréviaires. [5] Mais les laïcs diront vingt-quatre Paternôtres pour Matines ; cinq pour [ p. 67 ] Laudes ; pour Prime, Tierce, Sexte et Nones, sept pour chacune d’elles ; pour Vêpres, douze, pour Complies sept ; et qu’ils prient pour les défunts.
Et qu’ils jeûnent depuis la fête de la Toussaint jusqu’à la Nativité du Seigneur. Quant au saint Carême, qui commence à l’Épiphanie et dure quarante jours, que le Seigneur a consacré par son saint jeûne, [6] – que ceux qui le gardent volontairement soient bénis par le Seigneur, et que ceux qui ne le souhaitent pas ne soient pas contraints. Mais ils doivent jeûner pendant l’autre Carême jusqu’à la Résurrection du Seigneur. En d’autres temps, cependant, ils ne seront pas obligés de jeûner, sauf le vendredi. Mais en cas de nécessité manifeste, les frères ne seront pas tenus au jeûne corporel.
Je conseille, avertis et exhorte mes frères dans le Seigneur Jésus-Christ, lorsqu’ils parcourent le monde, à ne pas se quereller, à ne pas se disputer en paroles, [7] ni à ne pas juger les autres ; mais à être doux, paisibles et modestes, doux et humbles, parlant honnêtement à tous comme il convient. Et ils ne doivent pas monter à cheval, sauf en cas de nécessité manifeste ou d’infirmité. Dans quelque maison qu’ils entrent, qu’ils disent d’abord : « Paix à cette maison ! » Et, selon le saint Évangile, il est permis de manger de tous les aliments qui leur sont présentés. [8] [ p. 68 ] 4. — Que les frères ne reçoivent pas d’argent.
J’enjoint formellement à tous les frères de ne recevoir ni argent ni pièces de monnaie, ni eux-mêmes ni par personne interposée. Toutefois, pour les besoins des malades et pour l’habillement des autres frères, seuls les ministres et les custodes veilleront avec vigilance, par l’intermédiaire d’amis spirituels, selon les lieux, les époques et les climats froids, selon qu’ils le jugeront opportun, étant entendu que, comme il a été dit, ils ne recevront ni argent ni pièces de monnaie.
5.—De la manière de travailler.
Que les frères à qui le Seigneur a donné la grâce de travailler œuvrent fidèlement et avec ferveur, afin qu’en bannissant l’oisiveté, ennemie de l’âme, ils n’éteignent pas l’esprit de sainte prière et de dévotion, auquel toutes les choses temporelles doivent être subordonnées. Ils peuvent cependant recevoir, en récompense de leur travail, les choses nécessaires à leur corps et à celui de leurs frères, à l’exception des pièces de monnaie, et cela humblement, comme il convient aux serviteurs de Dieu et aux disciples de la très sainte pauvreté.
6.—Que les Frères ne s’approprient rien : et de demander l’aumône et des Frères malades.
Français Les frères ne s’approprieront rien, ni maison, ni lieu, ni rien. Et comme pèlerins et étrangers [9] dans ce monde, servant le Seigneur dans la pauvreté et l’humilité, qu’ils aillent avec confiance en quête d’aumônes, et qu’ils n’aient pas à rougir, car le Seigneur s’est fait pauvre pour nous dans ce monde. Ceci, mes très chers frères, est le comble de la plus sublime pauvreté qui vous a fait héritiers et rois du royaume des cieux : pauvres en biens, mais exaltés en vertu. Que ce soit votre partage, car il conduit à la terre des vivants ; [10] vous y attachant sans réserve, mes frères les mieux aimés, pour le nom de notre Seigneur Jésus-Christ, ne désirez jamais rien posséder d’autre sous le ciel.
Où que soient les frères, qu’ils se montrent mutuellement de la même famille. Et que chacun fasse connaître à l’autre ses besoins avec confiance, car si une mère nourrit et aime son fils charnel, combien plus doit-elle aimer et nourrir son frère spirituel ! Et si l’un d’eux tombe malade, les autres frères doivent le servir comme ils aimeraient être servis eux-mêmes.
Si l’un des frères, à l’instigation de l’ennemi, commet un péché mortel par les péchés pour lesquels il a été ordonné parmi les frères de recourir uniquement aux ministres provinciaux, lesdits frères sont tenus d’y recourir au plus tôt et sans délai. Mais les ministres eux-mêmes, s’ils sont prêtres, leur imposeront la pénitence avec miséricorde ; s’ils ne sont pas prêtres, qu’ils la fassent imposer par d’autres prêtres de l’Ordre, selon que cela leur paraîtra le plus opportun, selon Dieu. Et ils doivent prendre garde de se mettre en colère ou de s’inquiéter à cause des péchés d’autrui, car la colère et l’inquiétude entravent la charité pour eux-mêmes et pour les autres.
8.—De l’élection du Ministre Général de cette Confrérie et du Chapitre de la Pentecôte.
Tous les frères sont tenus d’avoir toujours un des frères de cette religion comme ministre général et serviteur de toute la confrérie, et ils sont strictement tenus de lui obéir. À sa mort, l’élection d’un successeur doit être faite par les ministres provinciaux et les custodes lors du chapitre de la Pentecôte, où les ministres provinciaux sont toujours tenus de se réunir simultanément, quel que soit le moment choisi par le ministre général, et ce une fois tous les trois ans ou à un intervalle plus ou moins long selon ce qu’il décide. Et si, à un moment quelconque, il apparaît à l’ensemble des ministres provinciaux que ledit ministre général ne suffit pas au service et au bien commun des frères, les ministres susmentionnés, à qui l’élection a été confiée, seront tenus d’en élire un autre comme custode au nom du Seigneur. Mais après le Chapitre de la Pentecôte, les ministres et les custodes pourront chacun, s’ils le désirent et s’il leur semble opportun, convoquer leurs frères à un chapitre dans leurs custodes une fois dans la même année.
9.—Des prédicateurs.
Les frères ne doivent pas prêcher dans le diocèse d’un évêque si celui-ci s’y oppose. Et qu’aucun des frères n’ose prêcher au peuple, de quelque manière que ce soit, sans avoir été examiné et approuvé par le ministre général de cette confrérie, et sans que ce dernier lui ait accordé la charge de prédication. J’avertis et exhorte également ces mêmes frères à ce que, dans leurs prédications, leurs paroles soient éprouvées et pures [11] pour l’utilité et l’édification du peuple, en leur annonçant vices et vertus, châtiments et gloires, avec brièveté, car le Seigneur a rendu sa parole courte sur terre [12].
Les frères ministres et serviteurs des autres frères visiteront et avertiront leurs frères, et les corrigeront humblement et charitablement, sans rien leur commander contre leur âme et notre Règle. Les frères qui leur sont soumis, quant à eux, doivent se rappeler que, pour Dieu, ils ont renoncé à leur propre volonté. C’est pourquoi je leur ordonne d’obéir strictement à leurs ministres en tout ce qu’ils ont promis au Seigneur d’observer et qui n’est pas contre leur âme et notre Règle. Et partout où des frères voient et savent qu’ils ne sont pas capables d’observer la règle spirituellement, ils doivent et peuvent recourir à leurs ministres. Et que les ministres les reçoivent avec charité et bienveillance, et fassent preuve d’une si grande familiarité envers eux qu’ils puissent parler et agir avec eux comme des maîtres avec leurs serviteurs, car il doit en être ainsi, puisque les ministres sont les serviteurs de tous les frères.
J’avertis et j’exhorte aussi les frères dans le Seigneur Jésus-Christ à se garder de tout orgueil, de toute vaine gloire, de toute envie, de toute convoitise, [13] des soucis et des sollicitudes de ce monde, des médisances et des murmures. Que ceux qui ignorent les lettres ne se soucient pas d’apprendre les lettres, mais qu’ils considèrent qu’ils doivent, par-dessus tout, désirer posséder l’esprit du Seigneur et sa sainte action, le prier toujours d’un cœur pur, faire preuve d’humilité, de patience dans la persécution et dans l’infirmité, et aimer ceux qui nous persécutent, nous réprimandent et nous accusent, car le Seigneur a dit : « Aimez vos ennemis… et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient. » [14] « Heureux ceux qui souffrent persécution [ p. 73 ] à cause de la justice, car le royaume des cieux est à eux. » [15] « Mais celui qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé. » [16]
11.—Que les Frères ne doivent pas entrer dans les monastères de religieuses.
Je recommande strictement à tous les frères de ne pas avoir d’intimité suspecte ni de relations avec des femmes, et de ne laisser entrer dans les monastères de moniales que celles qui ont reçu une permission spéciale du Siège apostolique. Et qu’ils ne soient pas parrains d’hommes ou de femmes, afin qu’aucun scandale ne survienne à ce sujet parmi les frères ou à leur égard.
Que tous les frères qui, par inspiration divine, désirent se rendre parmi les Sarrasins ou autres infidèles, en demandent la permission à leurs ministres provinciaux. Mais ces derniers ne doivent autoriser personne, sauf ceux qu’ils jugent aptes à être envoyés.
De plus, j’enjoins aux ministres, par obéissance, de demander au Seigneur Pape un des cardinaux de la sainte Église romaine pour être gouverneur, protecteur et correcteur de cette [ p. 74 ] confrérie, afin qu’étant toujours sujets et soumis aux pieds de la même sainte Église, fondés dans la foi catholique, [17] nous puissions observer la pauvreté et l’humilité et le saint Évangile de Notre Seigneur Jésus-Christ, que nous avons fermement promis.
64:1 Ce texte de 1223 représente la Règle actuellement observée dans le premier Ordre franciscain. Il est ici traduit d’après le texte de la Bulle originale conservée au Sacro Convento d’Assise. Un double de ce document, conservé au Registre pontifical de la Bibliothèque du Vatican, a été consulté pour certains passages moins lisibles dans l’original. ↩︎
65:1 Voir Matthieu 19: 21. ↩︎
66:2 Luc 9: 62. ↩︎
66:3 Ce passage : ex quo habere poterunt breviaria, peut aussi être rendu : « dès qu’ils pourront avoir des bréviaires. » (Voir Wadding, Opusc., p. 179.) Mais cette dernière traduction a moins de fondement. ↩︎
67:1 Voir Matthieu 4: 2. ↩︎
67:2 Voir Tit. 3: 2 et II Tim. 2: 14. ↩︎
67:3 Voir Luc 10: 5 et 8. ↩︎
69:1 Voir 1 Pierre 2: 11. ↩︎
69:2 Voir Ps. 141: 6. C’est ce psaume que saint François récitait à l’heure de la mort. ↩︎
71:1 Voir Ps. 11: 7 et 17: 31. ↩︎
71:2 Voir Rom. 9: 28. ↩︎
72:1 Voir Luc 12: 15. ↩︎
72:2 Matthieu 5: 44. ↩︎
73:1 Matthieu 5: 10. ↩︎
73:2 Matthieu 10: 22. ↩︎
74:1 Voir Col. 1: 23. ↩︎