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Des « nombreux écrits » [1] laissés par saint François aux Pauvres Dames de Saint-Damien, seuls deux fragments nous sont connus, et ceux-ci nous ont été conservés par sainte Claire elle-même, dans la mesure où elle les a incorporés au sixième chapitre de sa Règle. Nous savons, par l’autorité du pape Grégoire IX, que saint François écrivit pour sainte Claire et ses premières compagnes une formula vitae, ou « petite règle », au début de leur vie religieuse. [2] Mais c’est ce même pape Grégoire IX, alors connu sous le nom de cardinal Ugolin, qui composa vers 1219 une Règle pour les Pauvres Dames, qui fut acceptée par saint François et confirmée par Honorius III. [3] Cette Règle, comme le déclare le Pontife lui-même, fut solennellement professée par Claire et ses sœurs et observée par elles pendant de nombreuses années d’une manière louable. [4] Le pape Innocent IV en témoigne. Écrivant à la bienheureuse Agnès, princesse de Bohême (qui avait fondé une maison du Second Ordre à Prague), au sujet de cette Règle, écrite par le cardinal [ p. 76 ] Ugolino, il dit : Les sœurs du monastère de Saint-Damien et toutes les autres de votre Ordre l’ont louablement observée depuis le moment de leur profession jusqu’à présent." [5] Ces mots ont été écrits le 13 novembre 1243.
Au vu de tels témoignages, il est manifestement erroné d’affirmer, comme le font Wadding et d’autres auteurs, que sainte Claire abandonna cette Règle en 1224 et en professa une autre, écrite par saint François. Il est également erroné de supposer que saint François ait jamais rédigé une Règle pour les Pauvres Dames. [6] Celle rédigée vers 1219 par le cardinal Ugolin fut refondue par sainte Claire elle-même vers la fin de sa vie, afin de la conformer autant que possible à la Seconde Règle écrite par saint François pour les Frères Mineurs. La Règle des Pauvres Dames, ainsi refondue par sainte Claire sous une nouvelle forme, fut confirmée par Innocent IV, le 9 août 1253, deux jours seulement avant la mort de la sainte abbesse. [7]
Au sixième chapitre de cette Règle, sainte Claire décrit les circonstances de la composition des deux fragments des écrits de saint François présentés ici. « Après que le Très-Haut Père céleste eut daigné par sa grâce éclairer mon cœur », nous dit sainte Claire, « faire pénitence à l’exemple et à l’enseignement de notre très bienheureux père saint François, peu de temps après sa conversion, moi et mes sœurs lui promîmes volontairement obéissance. Mais, voyant que nous ne craignions ni la pauvreté, ni le travail, ni la douleur, ni l’abaissement, ni le mépris du monde, et que nous les tenions plutôt en grande joie, le bienheureux père, ému de compassion, nous écrivit une règle de vie [8] sous cette forme… » Suit le premier des deux fragments présentés ci-dessous. Plus loin dans le même chapitre de sa Règle, la sainte abbesse ajoute : « Afin que nous et aussi ceux qui viendraient après nous ne nous éloignions jamais de la très sainte pauvreté que nous avions entreprise, il nous écrivit encore peu avant sa mort [9] sa dernière volonté, en disant… » [10]. Suit alors le deuxième des deux fragments ici donnés.
Ces deux pièces, que Wadding prenait pour des lettres [11] adressées à sainte Claire, sont ici traduites selon le texte de la Règle contenue dans la bulle originale d’Innocent IV. [12] Elles sont les suivantes :
Puisque, par inspiration divine, vous vous êtes faites filles et servantes du Très-Haut Souverain Roi, le Père céleste, et que vous vous êtes fiancées au Saint-Esprit, choisissant de vivre selon la perfection du saint Évangile, j’aurai, et je promets d’avoir toujours, de moi-même et de mes frères, un soin diligent et une sollicitude particulière pour vous comme pour eux. [14]
Moi, petit frère François, je désire suivre la vie et la pauvreté de Jésus-Christ notre Très-Haut Seigneur et de sa Très Sainte Mère et y persévérer jusqu’à la fin. Et je vous exhorte toutes, mesdames, et je vous conseille de vivre toujours dans cette vie très sainte et pauvre. Et veillez bien à ne vous en écarter en aucune façon, par l’enseignement ou les conseils de qui que ce soit.
75:1 « Il nous a transmis de nombreux écrits », Test. B Clara. Voir Texte original de la Législation séraphique, p. 276. ↩︎
75:2 « Lorsque Claire, dit-il, et quelques autres femmes pieuses dans le Seigneur choisirent de servir sous la même observance de la religion, le bienheureux François leur donna une petite règle de vie » (formulam vitae tradidit). Voir la bulle Angelis gaudium du 11 mai 1238 (bullar. franc., t. I, p. 242). ↩︎
75:3 Voir Bullar., I, 11 et 13 : les lettres Prudentibus Virginibus : Ann. Min. I, 312 : Gubernatis, _Orb. Séraphin II, 603 : aussi Bullar I, 4, n. (un). La Règle se trouve dans la bulle Cum omnis vera de Grégoire IX, du 24 mai 1239. Voir Bulgarie, t. Moi, p. 263. ↩︎
75:4 Voir Bullar., t. I, p. 242. ↩︎
76:1 Voir Bullar., t. I, p. 315. ↩︎
76:2 Sur l’origine du Second Ordre et la Règle primitive, voir Lemmens : « Die Anfänge des Clarissenordens » dans le Römische Quartalschrift, t. XVI, 1902, pp. 93-124, qui est de la nature d’une réplique au Dr. Article de Lempp portant le même titre, publié dans Zeitschrift für Kirchengeschichte de Brieger, XIII, 181-245. ↩︎
76:3 Cette Règle est contenue dans la bulle Solet annuere, d’Innocent IV. Voir Textes originaux de la législation séraphique, page 49 seq. Voir aussi Bullar., I, 167; Anne. Min., III, ↩︎
77:1 Forma vivendi. Voir Séraphin. Législat., p. 62. ↩︎
77:2 Les biographes situent la rédaction de ce fragment à l’automne 1220, après le retour de saint François d’Orient. ↩︎
77:3 Voir Seraph. Législat., p. 63. ↩︎
77:4 Ils sont numérotés IV et V parmi les Episiolae dans son édition des Opuscula. ↩︎
77:5 Cette bulle, perdue depuis plusieurs siècles, fut mise au jour au début de 1893, après de longues recherches dans différents pays ; elle fut retrouvée enveloppée dans un vieux manteau de sainte Claire, conservé au monastère de Santa Chiara, à Assise. Voir Seraph. Legislat., pp. 2, seq. Voir aussi G. Cozza-Luzi : Un autografo di Innocenzo IV e Memorie di S. Chiara, éd. 2da., Rome, 1895. ↩︎
77:6 Certains critiques considèrent ce fragment comme une promesse ou un engagement accompagnant la formula vitae ou comme le début de la p. 78 de la formule elle-même, et croient que le texte de cette dernière, aujourd’hui perdu, a également été inséré à l’origine dans le sixième chapitre de la Règle de sainte Claire. Quoi qu’il en soit, il est certain que ce chapitre a été complètement modifié dans plusieurs éditions. Dans les versions vernaculaires, basées sur Wadding, les deux fragments donnés ici n’apparaissent pas du tout. Voir le Père Van Ortroy, SJ, dans Anal. Boll., t. xxiv, fasc. iii, p. 412. ↩︎
78:1 Voir 2 Cél. 3, 132. ↩︎