[ p. 109 ]
C’est à la fin de ses jours [1], alors qu’il était malade [^442], que saint François écrivit cette lettre au Ministre général et à tous les frères. Il y confesse tous ses péchés à Dieu, aux saints et aux frères, et, en des termes empreints de force, insiste une fois de plus sur ce qui a toujours été au cœur de son esprit : la révérence envers le Saint-Sacrement, l’observance de la Règle et de l’Office divin. Les mêmes désirs et conseils contenus dans cette lettre se retrouvent également dans le Testament, et il ne fait aucun doute que les deux œuvres ont été composées à peu près à la même époque.
Cette lettre, comme la précédente, fut divisée à tort par Rodolfo di Tossignano. [2] Wadding, suivant son exemple, en fit trois épîtres distinctes, [3] erreur d’autant plus remarquable que Barthélemy de Pise, dans ses Conformités (fruct. xii, p. 11, n. 47), et avant lui Ubertin da Casale dans l’Arbor Vitae (l. v, c. vii, fol. 224), avaient correctement édité le texte. De plus, cette division inutile, qui n’est pas exigée par le contexte de la lettre mais qui est plutôt en contradiction avec lui, ne se retrouve dans aucun des premiers recueils de manuscrits contenant des écrits de saint François.
Français La lettre à tous les frères se trouve dans quatorze des manuscrits mentionnés ci-dessus comme contenant la lettre à tous les fidèles, à savoir ceux d’Assise, de Düsseldorf, de [ p. 110 ] Florence (Ognissanti), Saint-Florian, Foligno, Liegnitz, Munich, Oxford, Paris (les trois manuscrits) et Rome (les deux manuscrits de Saint-Isidore et cod. 4354 de la bibliothèque du Vatican). Elle est également contenue dans huit autres codex : (1) Capistran (munic. lib. cod. xxii, fol. 85 r) ; (2) Fribourg en Suisse (lib. ad Conventual Conv., cod. 23, 1. 60) ; (3) Paris (nat. lib. cod. 18327, fol. 159 v); (4-5) Subiaco (monast. lib. cod. 120, fol. 325 et 212, fol. 184); (6-7) Rome (St. Antony’s cod., fol. 61 r et 80 r, et Vatic. lib., cod. B. 82, fol. 147 v); (8) Volterra (Guarnacci lib., cod. 225, fol. 151 r). De ces derniers codex nommés, les deux manuscrits romains et celui de Volterra datent du quatorzième siècle; les cinq autres du quinzième.
Pour le texte Quaracchi de la lettre, qui est ici traduite, les manuscrits d’Assise, [4] de saint Antoine, d’Ognissanti et de saint Isidore ont été collationnés avec les versions données dans l’Arbor Vitae (l. v, cap. vii, fol. 224 v), les Monumenta (fol. 231 v) et les Firmamenta (fol. 21 r). [5] Il convient de noter qu’en plaçant la prière « Dieu Tout-Puissant et Éternel », etc., à la fin de la lettre, les éditeurs Quaracchi ont suivi l’ordre des manuscrits d’Assise, d’Antonio, de Liegnitz et des deux Mazarins. [6] Mais assez parlé d’introduction à la Lettre II, adressée par saint François :
[ p. 111 ]
Au nom de la Très Haute Trinité et de la Sainte Unité du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Amen. [7]
À tous les révérends et bien-aimés frères, au ministre général de l’Ordre des Mineurs, son seigneur, et aux autres ministres généraux qui viendront après lui, et à tous les ministres, custode et prêtres de la même confrérie, humbles en Christ, et à tous les frères simples et obéissants, les premiers et les derniers, frère François, homme vil et déchu, votre petit serviteur, vous salue en Celui qui nous a rachetés et lavés dans son précieux sang, et que lorsque vous entendez son nom, vous adorez avec crainte et révérence, prosternés à terre ; le Seigneur Jésus-Christ, tel est le nom du Fils très-haut, béni à jamais. Ainsi soit-il.
[ p. 112 ]
Écoutez, mes seigneurs, mes fils et mes frères, et recevez mes paroles avec vos oreilles. [8] Inclinez l’oreille [9] de votre cœur et obéissez à la voix du Fils de Dieu. Gardez ses commandements de tout votre cœur et accomplissez ses conseils avec un esprit parfait. Louez-le, car il est bon [10] et exaltez-le par vos œuvres, [11] car c’est pourquoi il vous a envoyés par tout le monde pour que, par vos paroles et vos actes, vous rendiez témoignage à sa voix, [12] et que vous fassiez savoir à tous qu’il n’y a pas d’autre Tout-Puissant que lui. [13] Persévérez dans la discipline [14] et l’obéissance, et accomplissez avec une bonne et ferme résolution ce que vous lui avez promis. Le Seigneur Dieu s’offre à vous comme à ses fils. [15]
Français C’est pourquoi, frères, baisant vos pieds et avec la charité dont je suis capable, je vous conjure tous de montrer toute la révérence et tout l’honneur possibles au très saint Corps et au très saint Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, en qui les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre sont pacifiées et réconciliées avec le Dieu Tout-Puissant. [16] Je supplie aussi dans le Seigneur tous mes frères qui sont, qui seront et qui désirent être prêtres [17] du Très-Haut, que, lorsqu’ils veulent célébrer la Messe, étant purs, ils offrent le vrai Sacrifice [ p. 113 ] du Corps et du Sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ purement, avec révérence, avec une intention sainte et pure, non pour aucune chose terrestre ou crainte, ni pour l’amour de quelqu’un, comme pour plaire aux hommes. [18] Mais que toute volonté, dans la mesure où la grâce du Tout-Puissant l’aide, soit dirigée vers Lui, [19] désirant de là plaire au Seigneur Tout-Puissant Lui-même seul, car Lui seul y œuvre [dans le Saint Sacrifice] comme il Lui plaît, car Lui-même dit : « Faites ceci en mémoire de Moi » ; [20] « Si quelqu’un fait autrement, il devient le traître Judas [21] et est rendu coupable du Corps et du Sang du Seigneur. [22]
Français Rappelez-vous, mes frères prêtres, ce qui est écrit dans la loi de Moïse : comment ceux qui transgressaient même matériellement mouraient par le décret du Seigneur sans aucune miséricorde. [^468] Combien de châtiments plus graves et plus cruels mérite de souffrir celui qui « a foulé aux pieds le Fils de Dieu et a estimé impur le sang de l’alliance par lequel il a été sanctifié, et a offensé l’esprit de grâce. » [23] Car l’homme méprise, souille et foule aux pieds l’Agneau de Dieu lorsque, comme le dit l’Apôtre, [24] ne discernant pas et ne distinguant pas le pain saint du Christ des autres nourritures ou œuvres, il [ p. 114 ] mange soit indignement, soit, s’il en est digne, il mange en vain et de manière inconvenante, car le Seigneur a dit par le prophète : Maudit soit l’homme qui fait l’œuvre du Seigneur avec tromperie. [^471] Et Il condamne les prêtres qui ne prendront pas cela à cœur en disant : « Je maudirai vos bénédictions. » [25]
Écoutez, mes frères : si la bienheureuse Vierge Marie est honorée comme il convient, parce qu’elle l’a porté dans son sein très saint ; si le bienheureux Baptiste tremblait et n’osait toucher le saint front de Dieu ; si le sépulcre dans lequel il reposa quelque temps est vénéré, combien saint, juste et digne doit être celui qui touche de ses mains, qui reçoit de son cœur et de sa bouche, et offre à être reçu par d’autres Celui qui ne doit plus maintenant mourir mais triompher dans une éternité glorifiée : celui que les anges désirent regarder. [26]
Considérez votre dignité, frères prêtres, et soyez saints, car lui-même est saint. [27] Et comme le Seigneur Dieu vous a honorés par-dessus tout par ce mystère, de même vous aussi, aimez-le, révérez-le et honorez-le par-dessus tout. C’est une grande misère et une déplorable faiblesse que de l’avoir ainsi présent pour prendre soin de quoi que ce soit d’autre dans le monde entier. Que l’homme tout entier soit saisi de peur ; que le monde entier tremble ; que le ciel exulte lorsque le Christ, le Fils du Dieu vivant, est sur l’autel entre les mains du prêtre. Ô hauteur admirable et condescendance prodigieuse ! [ p. 115 ] Ô humble sublimité ! Ô sublime humilité ! que le Seigneur de l’univers, Dieu et Fils de Dieu, s’humilie à tel point qu’il se cache pour notre salut sous un morceau de pain. Considérez, frères, l’humilité de Dieu et « répandez vos cœurs devant lui, [28] et soyez humiliés, afin d’être élevés par lui. [29] Ne gardez donc rien pour vous-mêmes, afin que celui qui se donne tout entier à vous vous reçoive tout entier.
C’est pourquoi j’exhorte et j’exhorte dans le Seigneur à ce que, dans les lieux où vivent les frères, une seule messe soit célébrée chaque jour, selon la forme de la sainte Église. [30] S’il y a plusieurs prêtres dans le lieu, que l’un d’eux se contente, par amour de la charité, d’entendre la célébration d’un autre prêtre, car le Seigneur Jésus-Christ complète ceux qui en sont dignes, présents et absents. Lui, bien qu’il puisse sembler présent en plusieurs lieux, reste néanmoins indivisible et ne souffre aucun changement ; mais un partout, il travaille comme il lui plaît avec le Seigneur Dieu le Père et le Saint-Esprit Paraclet, pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Et puisque « celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu », [478] nous qui sommes plus spécialement destinés aux offices divins, devons, par conséquent, non seulement écouter et faire ce que Dieu dit, mais aussi – afin de nous imprégner de la grandeur de notre Créateur et de notre soumission à lui – veiller sur les vases et autres objets qui contiennent ses saintes paroles. C’est pourquoi j’avertis tous mes frères et je les affermis dans le Christ, partout où ils trouveront les divines paroles écrites, de les vénérer autant qu’ils le pourront. Si elles ne sont pas bien conservées ou si elles sont dispersées honteusement en quelque lieu que ce soit, qu’ils les recueillent et les conservent, en honorant par leurs paroles le Seigneur qui les a prononcées. Car beaucoup de choses sont sanctifiées par la parole de Dieu, [479] et c’est par la puissance des paroles du Christ que s’accomplit le sacrement de l’autel.
Français De plus, je confesse tous mes péchés à Dieu le Père et au Fils et au Saint-Esprit et à la bienheureuse Marie toujours Vierge et à tous les saints du ciel et de la terre et au ministre général de notre religion comme à mon vénérable Seigneur et à tous les prêtres de notre ordre et à tous mes autres bienheureux frères. J’ai commis de nombreuses fautes par ma faute grave, surtout parce que je n’ai pas observé la Règle que j’ai promise au Seigneur et [ p. 117 ] Je n’ai pas dit l’office prescrit par la Règle, soit par négligence ou par faiblesse, soit par ignorance et simplicité. C’est pourquoi, par tous les moyens possibles, je supplie monseigneur, le ministre général, de faire observer la Règle inviolablement par tous, et que les clercs récitent l’office avec dévotion devant Dieu, non pas à la mélodie de la voix, mais à l’harmonie de l’esprit, afin que la voix soit en accord avec l’esprit et l’esprit en accord avec Dieu, afin qu’ils plaisent à Dieu par la pureté de l’esprit et n’amadouent pas les oreilles du peuple par la volupté de la voix. Pour ma part, je promets d’observer strictement ces choses, selon la grâce du Seigneur, et je les laisse aux frères qui sont avec moi pour qu’ils les observent dans l’office et dans les autres règles établies. Mais quiconque parmi les frères ne les observera pas, je ne le considère ni comme catholique ni comme mes frères, et je ne veux ni le voir ni lui parler, jusqu’à ce qu’il ait fait pénitence. Je dis cela aussi de tous ceux qui, abandonnant la discipline de la Règle, errent çà et là ; car notre Seigneur Jésus-Christ a donné sa vie pour ne pas perdre l’obéissance du Père très saint. [31]
Moi, frère François, homme inutile et créature indigne du Seigneur Dieu, je dis à frère Élie, ministre de toute notre religion, par Notre Seigneur Jésus-Christ, et à tous les ministres généraux qui lui succéderont, ainsi qu’aux autres custodes [ p. 118 ] et gardiens des frères, qui sont et seront, qu’ils aient cet écrit avec eux, qu’ils le mettent en pratique et le conservent assidument. Et je les supplie de garder jalousement les choses qui y sont écrites et de les faire observer soigneusement, selon le bon plaisir du Dieu Tout-Puissant, maintenant et à jamais, aussi longtemps que durera ce monde.
Soyez bénis par le Seigneur qui aura accompli ces choses, et que le Seigneur soit avec vous pour toujours. Amen.
Dieu tout-puissant, éternel, juste et miséricordieux, donne-nous, misérables, de faire pour toi ce que nous savons que tu veux et de vouloir toujours ce qui te plaît ; afin qu’intérieurement purifiés, intérieurement illuminés et enflammés par la flamme du Saint-Esprit, nous puissions suivre les traces de ton Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, et par ta seule grâce venir à toi, le Très-Haut, qui dans la parfaite Trinité et la simple Unité vis, règne et glorifie Dieu Tout-Puissant pour les siècles des siècles. Amen. [32]
[^442] : 109 : 2 Comme nous l’apprenons la rubrique du MS d’Assise. 338 : « De lictera et ammonitione beatissimi patris nostri Francisci quam misit fratribus ad capitulum quando erat infirmus. »
[^468] : 113 : 6 Voir Héb. 10h28.
[^471] : 114:1 Voir Jérém. 48 : 10.
109:1 C’est ce que nous raconte Ubertin da Casale dans son Arbor Vitae, achevé sur le mont La Verna, le 28 septembre 1305 (l. v, cap. vii). ↩︎
109:3 Hist. Séraphin, fol. 173 v. ↩︎
109:4 Épîtres X, XI et XII dans son édition. ↩︎
110:1 Suite à ce manuscrit, Mgr Faloci a édité la première partie de la lettre (« aux siècles des siècles. Amen », voir page 116) dans son Miss. Frances, t. VI, p. 94. ↩︎
110:2 Le Mon. et le Firm., comme Rodolfo (fol. 273 v), ne donnent que la première partie de la lettre, que Wadding fait Epis. XII. ↩︎
110:3 Il est placé immédiatement avant la lettre dans l’autre famille de MSS. mentionnée dans l’Introduction, à laquelle appartient le MS. d’Ognissanti. ↩︎
111:1 Cod. As. omet cette invocation. ↩︎
112:1 Voir Actes 2: 14. ↩︎
112:2 Voir Isa. 55: 3. ↩︎
112:3 Voir Ps. 135: 1. ↩︎
112:4 Voir Tob. 13: 6. ↩︎
112:5 Cod. An. dit : « vous pouvez rendre muets tous ceux qui s’opposent à Lui en paroles ou en actes. » ↩︎
112:6 Voir Tob. 13:4. ↩︎
112:7 Voir Héb. 12:7. ↩︎
112:8 Voir Héb. 12: 7. ↩︎
112:9 Voir Col. 1: 20. ↩︎
112:10 Le mot prêtres est ajouté dans Cod. As., et par Ubertin. ↩︎
113:1 Voir Eph. 6: 6, et Col. 3:22. ↩︎
113:2 Cod. As. se lit : « au Seigneur ». ↩︎
113:3 Luc 22: 39. ↩︎
113:4 Cod. O., Mon., et Firm., avec Ubertin, omettent le reste de cette phrase. ↩︎
113:5 Voir 1 Cor. 11: 27. ↩︎
113:7 Héb. 10: 29. ↩︎
113:8 Voir 1 Cor. 11:29. ↩︎
114:2 Mal. 2: 2. ↩︎
114:3 Voir 1 Pi. 1: 12. ↩︎
114:4 Voir Lévitique 11: 44. ↩︎
115:1 Voir Ps. 61: 9. ↩︎
115:2 Voir 1 Pi. 5: 6. ↩︎
115:3 Philippe Mélanchthon, dans son Apologie (Confession d’Augsbourg, art. sur la Messe), a repris ces paroles de saint François pour défendre son enseignement erroné contre les messes privées. Mais rien dans cette lettre ni ailleurs ne montre que saint François ait réprimandé de telles messes de quelque manière que ce soit. Au contraire, comme le soulignent les Bollandistes, les mots « selon la forme de la sainte Église » se réfèrent au rite de l’Église romaine à suivre pour la célébration de la Messe et non à la seule Messe à célébrer quotidiennement. (Voir Acta SS, t. II, oct., pp. 998-999). ↩︎
117:1 Voir Philippe. 2: 8. ↩︎
118:1 Cette prière, qui, comme je l’ai dit, se trouve dans certains manuscrits en tête et dans d’autres au bas de la présente lettre, en est entièrement séparée par Wadding, qui (p. rot) la place immédiatement après la feuille donnée par saint François à frère Léon. On la retrouve également dans la nouvelle édition française des Opuscula (p. 25). ↩︎