[ p. 119 ]
La teneur de cette lettre semble indiquer qu’elle fut écrite avant la confirmation de la Seconde Règle par le pape Honorius [1] ; et très probablement au début de 1223. Tous les manuscrits anciens l’attribuent à saint François et, tant sur le fond que sur la forme, elle ressemble beaucoup aux autres écrits du saint. Il existe cependant une grande diversité d’opinions quant à son destinataire. Mais d’après la formulation du dernier paragraphe de la lettre, se référant au chapitre : « Tu seras là avec tes frères », elle semble avoir été adressée à un ministre provincial plutôt qu’au ministre général. De plus, comme le remarque à juste titre le professeur Goetz [2], le début de la lettre implique que ce ministre avait émis des doutes ou des difficultés quant à la manière de traiter les frères tombés dans le péché. Ainsi, l’ouverture abrupte de la lettre, « Je te parle au sujet de ton âme », etc., renvoie à une question à laquelle la lettre est censée répondre, et du fait que la patience est louée « plus que l’ermitage », les éditeurs de Quaracchi pensent que l’on peut déduire que le ministre en question désirait embrasser une vie solitaire. Quoi qu’il en soit, je ne puis [ p. 120 ] donner raison à M. Sabatier lorsqu’il trouve dans cette lettre « plus d’objurgations et de reproches que de conseils ». [3]
La lettre existe dans le manuscrit vatican 7650, le manuscrit de saint Isidore 1/25 et les codex d’Ognissanti et de saint Floriano décrits ci-dessus. La première partie se trouve également à la Bibliothèque nationale de Naples (Cod. XII, F. 32). Un abrégé de la lettre est donné par Rodolfo [4] ; un résumé différent se trouve dans les Conformités [5]. Dans le résumé plus complet fourni par Wadding [6], il serait possible, avec M. Sabatier [7] et le Dr Lempp [8], en raison de l’omission d’un long morceau de la lettre, de déduire des paroles de saint François le précepte selon lequel un frère coupable de péché mortel doit être absous sans aucune pénitence. Mais avec le texte intégral de la lettre sous les yeux, une telle tentative est, il va sans dire, impossible, comme M. Carmichael l’a clairement démontré. [9]
Français Le texte complet de cette importante lettre a d’abord été publié [ p. 121 ] par le Père Édouard d’Alençon, Archiviste général des Capucins, dans son Spicilegium Franciscanum, [10] ensuite par M. Sabatier dans son édition de Bartholi, [11] et de nouveau par le Dr Lempp dans sa monographie sur Élie. [12] En plus de celles-ci, nous avons maintenant les versions du Professeur Boehmer et l’édition Quaracchi. Ce dernier texte, que j’ai traduit ici en anglais, est basé sur les manuscrits d’Ognissanti et de Saint-Isidore (cod. 1/25) qui ont été collationnés avec le manuscrit napolitain déjà mentionné et les éditions de la lettre publiées par le Père Édouard d’Alençon et M. Sabatier.
Passons maintenant au texte de la lettre
Au frère N. . . Ministre ; que le Seigneur vous bénisse.
Je te parle du mieux que je peux au sujet de ton âme : ces choses qui t’empêchent d’aimer le Seigneur Dieu et quiconque peut te faire obstacle, frères ou autres, même s’ils te frappaient, tout cela, tu dois le considérer comme une faveur. Et c’est ainsi que tu dois le désirer et non autrement. Et que ceci soit pour toi une véritable obéissance de la part du Seigneur Dieu et de la mienne ; car je sais que c’est là assurément une véritable obéissance. Et aime ceux qui te font de telles choses et n’en souhaite pas d’autres, sauf dans la mesure où le Seigneur te l’accorde ; et en cela, aime-les en souhaitant qu’ils soient de meilleurs chrétiens. [14] Et que ceci soit pour toi plus qu’un ermitage. [15] Et par ceci je désire savoir si tu aimes Dieu et moi son serviteur et le tien, à savoir : qu’il n’y ait aucun frère au monde qui ait péché, si grand que soit son péché, qui, après avoir vu ton visage, s’en aille sans ta miséricorde, s’il recherche miséricorde, [16] et, s’il ne recherche pas miséricorde, demande-lui s’il désire miséricorde. Et s’il apparaît ensuite [17] devant ta face mille fois, aime-le plus que moi, afin de l’attirer au Seigneur, et d’avoir toujours miséricorde envers de tels hommes. Et tu devrais déclarer ceci aux gardiens, quand tu le pourras, que tu es déterminé de toi-même à faire ainsi.
Concernant tous les chapitres de la Règle qui traitent des péchés mortels [18], nous rédigerons, au chapitre de la Pentecôte, avec l’aide de Dieu et le conseil des frères, un chapitre comme celui-ci : Si un frère, à l’instigation de l’ennemi, commet un péché mortel, qu’il soit tenu par l’obéissance de recourir à son tuteur. Et que tous les frères qui le connaissent ne lui fassent pas honte ni ne le calomnient, mais qu’ils aient une grande miséricorde envers lui et gardent bien secret le péché de leur frère, car ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. [19] Et qu’ils soient également tenus par l’obéissance de l’envoyer chez son custode avec un compagnon. Et que le custode lui-même prenne soin de lui avec miséricorde comme il souhaiterait être soigné par d’autres s’il se trouvait dans une situation similaire.
[^501] péché véniel, qu’il se confesse à son frère prêtre, et s’il n’y a pas de prêtre, qu’il se confesse à son frère, jusqu’à ce qu’il trouve un prêtre qui l’absout canoniquement, comme il a été dit,] [20] et qu’ils n’aient absolument aucun pouvoir d’ordonner une autre pénitence, si ce n’est celle-ci : va et ne pèche plus. [21]
Afin que cette écriture soit mieux observée, garde-la avec toi jusqu’à la Pentecôte : tu y seras avec tes frères. Et avec l’aide du Seigneur Dieu, tu veilleras à accomplir ces choses et toutes les autres qui sont moins prescrites dans la Règle.
119:1 Il se réfère aux « chapitres qui parlent du péché mortel » qui ne se trouvent que dans la Première Règle (voir pp. 37, 47, 53), et parle de changements proposés dans la Règle qui n’auraient pas pu, comme il est clair, être faits après novembre 1223. En particulier, le sujet du dixième chapitre de la nouvelle Règle discuté dans le Chapitre tenu à Portioncule, le 11 juin de cette année (voir Spec. Perf., éd. Sabatier, c. t), est mentionné comme n’étant pas encore définitivement réglé. ↩︎
119:2 Voir Quellen, etc. t. XXII, p. 547. ↩︎
120:1 « . . . plus de reproches et de réprimandes que de conseils.”—Sabatier, Bartholi, p. 120. ↩︎
120:2 Hist. Séraphin, fol. 177 v. ↩︎
120:3 Fruct. XXII, P. 11, n. 46. La partie donnée ici est celle que Wadding présente comme Épis. VI. M. Sabatier se trompe manifestement en considérant ces différents extraits de la lettre publiés séparément comme autant d’épîtres complètes. Il dit : « . Frère Élie ne se corrige pas, le saint ne cesse pas de lui faire des recommandations identiques », l.c., p. 119. ↩︎
120:4 Voir Épis. VIII. Il s’agit d’une version différente et plus longue que celle donnée dans les Conformités. Wadding donne encore un autre résumé de la lettre sous le titre Épis. VII. Il l’a traduit de l’espagnol, bien qu’il avoue des doutes quant à l’authenticité de sa forme. ↩︎
120:5 Voir son édition de Bartholi, pp. 120:5 113-1 ↩︎
120:6 Voir Frère Elie de Cortone, p. 51, où l’idée d’abolir les pénitences est décrite comme « tellement franciscaine ». ↩︎
120:7 Voir « Les écrits de saint François », dans le Month, janvier 1904, pp. 161-164. ↩︎
121:1 En 1899; d’après le manuscrit du Vatican. 7650, et le codex de Foligno. Voir Épître de saint François au Ministre général dans sa forme authentique avec une annexe sur le P. Pierre de Catane. ↩︎
121:2 En 1900, d’après le manuscrit d’Ognissanti. Voir son Barthélemy, p. 113. ↩︎
121:3 En 1900. Voir son Frère Elie de Cortone, p. 50 séq. ↩︎
121:4 Voici la suscription du manuscrit napolitain. Selon la plupart des codex, la lettre est adressée : « Au frère N… Ministre. » Les manuscrits de Foligno et de Saint-Isidore indiquent : « Au frère N… Ministre général », et certaines versions italiennes citées par M. Sabatier (voir Bartholi, p. 121, note 1) ajoutent le nom du frère Élie (voir aussi Rodolfo, l.c., fol. 177 v.). La rubrique de la deuxième famille de manuscrits déjà décrite (voir Introd.) se lit simplement : « Lettre que saint François a envoyée au Ministre général sur la voie à suivre concernant les frères sujets péchant mortellement ou véniellement. » Wadding (Opusc., p. 25, n. 1) pense que la lettre était adressée à Pierre de Catane. Voir Speculum Minorum, fol. 218 v. ↩︎
122:1 Pour la traduction de ce passage douteux : et in hoc dilige eos ut velis quod sint meliores Christiani, j’ai traduit le texte latin tel qu’il figure dans le manuscrit isidoréen 1/25, dans les Conformités (fol. 132, v), dans l’édition de Wadding (Epis. VIII) et dans celle de Quaracchi (p. 108). Dans le manuscrit d’Ognissanti, cependant, ce passage se lit et non velis « et ne désirent pas qu’ils soient de meilleurs chrétiens ». Cette lecture a été suivie par le Père Édouard d’Alençon et M. Sabatier. Ce dernier pense que saint François fait ici référence aux lépreux ingrats et récalcitrants qu’il avait coutume d’appeler chrétiens. Mais dans cette hypothèse, le passage pourrait être traduit par « et ne désirent pas qu’ils soient de meilleurs lépreux ! ↩︎
122:2 Cod. O. pour eremitorium se lit meritorium. Mais cette lecture très improbable ne serait-elle pas la chose la plus courante dans les manuscrits anciens : une erreur de copiste ? ↩︎
122:3 Cod. O. omet le reste de cette phrase. ↩︎
123:1 Le manuscrit napolitain pour « apparaît » dit « péchés ». ↩︎
123:2 Chap. V, XIII et XX de la première Règle. (Voir ci-dessus, pp. 37, 47 et 53.) ↩︎
123:3 Voir Matthieu 9: 12. ↩︎
124:1 Au chap. XX de la Première Règle (voir ci-dessus, p. 53). Le passage entre parenthèses est la partie omise par Wadding et ceux qui l’ont suivi. ↩︎
124:2 Voir Jean 8: 11. ↩︎