Grand Catéchisme — Le sixième commandement. | Page de titre | Grand Catéchisme — Le huitième commandement. |
Tu ne voleras point.
Après votre personne et votre conjoint, viennent les biens temporels. Dieu veut aussi les protéger, et il a ordonné que nul ne soustraie ni ne réduise les biens de son prochain. Car voler n’est rien d’autre que s’approprier illégalement le bien d’autrui, ce qui englobe en bref toutes sortes d’avantages dans tous les domaines du commerce au détriment de notre prochain. Or, c’est un vice très répandu et courant, mais si peu observé et observé qu’il dépasse toute mesure, de sorte que si tous ceux qui sont voleurs, et pourtant ne souhaitent pas être appelés tels, étaient pendus à la potence, le monde serait bientôt dévasté et il manquerait à la fois de bourreaux et de potences. Car, comme nous venons de le dire, voler signifie non seulement vider les coffres et les poches de son prochain, mais aussi se livrer à des rapines sur les marchés, dans tous les magasins, échoppes, caves à vin et à bière, ateliers, bref, partout où il y a commerce, ou où l’on prend et donne de l’argent pour des marchandises ou du travail.
Par exemple, pour expliquer cela grossièrement au commun des mortels, afin qu’ils voient combien nous sommes pieux : lorsqu’un domestique ou une servante ne sert pas fidèlement la maison et cause des dommages, ou les laisse faire alors qu’on pourrait les empêcher, ou ruine et néglige les biens qui lui sont confiés, par indolence, paresse ou par malice, au mépris et à la vexation du maître et de la maîtresse, et de quelque manière que ce soit, intentionnellement (car je ne parle pas de ce qui arrive par inadvertance et contre son gré), vous pouvez vous enfuir en un an de trente ou quarante florins, que si quelqu’un avait pris secrètement ou emporté, il serait pendu. Mais ici, vous [tout en ayant conscience d’un si grand vol] pouvez même défier et devenir insolent, et personne n’osera vous traiter de voleur.
Je dis la même chose des mécaniciens, des ouvriers et des journaliers, qui suivent tous leurs idées déréglées et ne savent jamais trop faire payer les gens, tout en étant paresseux et infidèles dans leur travail. Tous ces gens-là sont bien pires que les voleurs à la tire, contre lesquels on peut se protéger avec des serrures et des verrous, ou qui, s’ils sont appréhendés, sont traités de telle manière qu’ils ne recommenceront pas. Mais contre ceux-là, personne ne peut se protéger, personne n’ose même les regarder de travers ou les accuser de vol, de sorte qu’on préférerait dix fois perdre sa bourse. Car voici mes voisins, mes bons amis, mes propres serviteurs, de qui j’attends un bon service fidèle et diligent, qui me spolient avant tout.
De plus, sur le marché comme dans le commerce, cette pratique est très répandue et répandue : on escroque ouvertement quelqu’un avec de mauvaises marchandises, de fausses mesures, de faux poids, de fausses pièces de monnaie, et on l’exploite par agilité, par des finances bizarres ou par des ruses habiles ; de même, lorsqu’on surfacture quelqu’un dans un commerce et qu’on le force à négocier sans vergogne, on le dépouille et on le met en difficulté. Et qui peut raconter ou imaginer tout cela ? En résumé, c’est le métier le plus répandu et la plus grande corporation du monde, et si l’on considère le monde dans toutes ses conditions de vie, ce n’est rien d’autre qu’un vaste et vaste étal, rempli de grands voleurs.
C’est pourquoi on les appelle aussi voleurs de chaises pivotantes, voleurs de terrains et de grands chemins, et non pas crocheteurs et voleurs à la sauvette qui arrachent l’argent liquide, mais ceux qui sont assis sur la chaise [à la maison] et sont qualifiés de grands nobles et de citoyens honorables et pieux, et qui pourtant volent et dérobent sous un bon prétexte.
Oui, nous pourrions passer sous silence les petits voleurs individuels si nous devions nous attaquer aux grands et puissants voleurs archi-archi-voleurs, fréquentant seigneurs et princes, qui pillent quotidiennement non seulement une ou deux villes, mais toute l’Allemagne. Oui, où placer le chef et le protecteur suprême de tous les voleurs, la Sainte Chaire de Rome avec toute sa suite, qui a volé les richesses du monde entier et les détient encore aujourd’hui ?
Voilà, en résumé, la marche du monde : quiconque peut voler et dévaliser ouvertement est libre et en sécurité, sans être inquiété par personne, et exige même d’être honoré. En attendant, les petits voleurs, qui ont commis une faute, doivent subir la honte et le châtiment nécessaires pour rendre le premier pieux et honorable. Mais qu’ils sachent qu’aux yeux de Dieu, ils sont les plus grands voleurs, et qu’il les punira selon leur mérite.
Or, puisque ce commandement est d’une portée aussi vaste, comme je viens de l’indiquer, il est nécessaire de bien le mettre en avant et de l’expliquer au peuple, de ne pas le laisser s’égarer dans son insouciance et sa sécurité, mais de toujours lui mettre sous les yeux la colère de Dieu et de l’inculquer. Car ce n’est pas aux chrétiens que nous devons prêcher cela, mais surtout aux fripons et aux vauriens, à qui il conviendrait mieux que ce soient des juges, des geôliers ou Maître Hannes [le bourreau] qui le fassent. Que chacun sache donc qu’il est de son devoir, au risque du déplaisir de Dieu, non seulement de ne pas nuire à son prochain, ni de le priver de ses gains, ni de commettre aucun acte d’infidélité ou de malice dans aucun marché ou commerce, mais de préserver fidèlement ses biens, de garantir et de promouvoir son avantage, surtout lorsqu’on accepte de l’argent, un salaire et son gagne-pain pour un tel service.
Celui qui méprise cela sans vergogne peut certes passer outre et échapper au bourreau, mais il n’échappera pas à la colère et au châtiment de Dieu ; et après avoir longtemps pratiqué son défi et son arrogance, il restera un vagabond et un mendiant, et, de plus, subira tous les fléaux et le malheur. Maintenant, vous allez votre chemin [où votre cœur vous appelle], alors que vous devriez préserver les biens de votre maître et de votre maîtresse, service pour lequel vous remplissez votre jabot et votre gueule, prenez votre salaire comme un voleur, vous laissez traiter comme un noble ; car nombreux sont ceux qui sont même insolents envers leurs maîtres et maîtresses, et ne veulent pas leur rendre service pour les protéger de toute perte.
Mais réfléchissez à ce que vous gagnerez lorsque, étant entré dans votre propre propriété et installé dans votre maison (à laquelle Dieu aidera dans tous les malheurs), elle [votre perfidie] resurgira et reviendra à vous, et vous constaterez que là où vous avez triché ou causé du tort à hauteur d’un dent, vous devrez en payer trente de plus.
Tel sera aussi le sort des ouvriers et des journaliers, dont nous sommes aujourd’hui obligés d’entendre et de subir une méchanceté intolérable, comme s’ils étaient des nobles dans un domaine étranger, et que chacun était obligé de leur donner ce qu’ils exigent. Qu’ils continuent à exercer leurs exactions aussi longtemps qu’ils le pourront ; mais Dieu n’oubliera pas son commandement et les récompensera selon leurs services. Il les pendra, non pas à une potence verte, mais à une potence sèche, de sorte qu’ils ne prospéreront ni n’accumuleront rien de leur vie. Et en effet, si le pays était gouverné de manière ordonnée, une telle inconduite pourrait être rapidement réprimée et empêchée, comme c’était la coutume dans l’Antiquité chez les Romains, où de tels individus étaient promptement punis, de telle manière que d’autres en prenaient garde.
Tous ceux qui transforment le marché libre et ouvert en une fosse à ordures et un repaire de brigands ne prospéreront plus, où les pauvres sont quotidiennement surtaxés, où de nouveaux fardeaux et des prix élevés leur sont imposés, où chacun use du marché à sa guise, allant même jusqu’à défier et à se vanter comme s’il avait le droit de vendre ses marchandises au prix qu’il veut, sans que personne n’ait le droit de s’y opposer. Nous regarderons ces gens écorcher, piller et thésauriser, mais nous ferons confiance à Dieu – qui agira de sa propre initiative – pour qu’après avoir écorché et gratté pendant longtemps, il accorde une telle bénédiction à vos gains que votre grain dans le grenier, votre bière dans la cave, votre bétail dans les étables périront ; oui, si vous avez fraudé et surfacturé quelqu’un jusqu’à un florin, tout votre magot sera rongé par la rouille, si bien que vous n’en profiterez jamais.
Et en effet, nous voyons et vivons chaque jour sous nos yeux ce qui se passe : aucun bien volé ou acquis malhonnêtement ne prospère. Combien sont-ils à racler jour et nuit, sans pour autant s’enrichir d’un sou ! Et même s’ils amasse beaucoup, ils doivent subir tant de fléaux et de malheurs qu’ils ne peuvent en profiter avec joie ni le transmettre à leurs enfants. Mais comme personne ne s’en soucie et que nous continuons comme si cela ne nous concernait pas, Dieu doit nous visiter autrement et nous enseigner les bonnes manières en imposant impôts après impôts, ou en nous logeant avec une troupe de soldats qui, en une heure, vident nos coffres et nos bourses, et ne nous quittent plus tant qu’il nous reste un sou, et qui, en guise de remerciement, brûlent et ravagent maisons et foyers, outragent et tuent femmes et enfants.
En bref, si vous volez beaucoup, soyez assuré qu’on vous en volera autant ; et celui qui vole et s’approprie avec violence et injustice se soumettra à celui qui le traitera de la même manière. Car Dieu est maître en cet art : puisque chacun vole et dérobe son prochain, il punit un voleur par l’intermédiaire d’un autre. Autrement, où trouverions-nous assez de potences et de cordes ?
Or, que celui qui veut être instruit sache que c’est là un commandement de Dieu et qu’il ne faut pas le prendre pour une plaisanterie. Car même si vous nous méprisez, nous escroquez, nous volons et nous dévalisons, nous saurons supporter votre orgueil, souffrir et, selon la prière du Seigneur, vous pardonner et faire preuve de compassion ; car nous savons que les justes seront satisfaits, et que vous vous faites plus de tort qu’aux autres.
Mais prenez garde à ceci : quand le pauvre homme viendra à vous (il y en a tant maintenant), obligé d’acheter avec le sou de son salaire quotidien et d’en vivre, et que vous serez dur envers lui, comme si chacun vivait de votre faveur, et que vous le dépouillerez jusqu’aux os, et que, de plus, avec orgueil et arrogance, vous repousserez celui à qui vous devriez donner gratuitement, il s’en ira malheureux et triste, et, ne pouvant se plaindre à personne, il criera et appellera le ciel – alors prenez garde (je le répète) comme du diable lui-même. Car ces gémissements et ces appels ne seront pas une plaisanterie, mais auront un poids trop lourd pour vous et pour le monde entier. Car ils atteindront celui qui prend soin des pauvres cœurs affligés et ne les laissera pas impunis. Mais si vous méprisez cela et devenez provocateurs, voyez à qui vous vous êtes attirés : si vous réussissez et prospérez, vous pourrez, devant tout le monde, nous traiter de menteurs, Dieu et moi.
Nous avons suffisamment exhorté, averti et protesté ; celui qui n’y prêtera pas attention ou n’y croira pas peut continuer jusqu’à ce qu’il l’apprenne par expérience. Pourtant, il faut bien faire comprendre aux jeunes qu’ils doivent prendre garde de ne pas suivre la vieille foule sans loi, mais garder les yeux fixés sur le commandement de Dieu, de peur que sa colère et son châtiment ne s’abattent sur eux aussi. Il ne nous appartient que d’instruire et de réprimander avec la Parole de Dieu ; mais pour mettre un terme à une telle inconscience, il faut des princes et des gouvernements, qui eux-mêmes auraient les yeux et le courage d’établir et de maintenir l’ordre dans toutes sortes de commerces et d’échanges, de peur que les pauvres ne soient accablés et opprimés, et qu’eux-mêmes ne soient chargés des péchés d’autrui.
Que ceci suffise à expliquer ce qu’est le vol : il ne faut pas le prendre au sens strict, mais l’étendre à nos relations avec notre prochain. En bref, comme dans les commandements précédents, il est ici interdit, en premier lieu, de nuire à notre prochain (de quelque manière que ce soit, en limitant, en empêchant ou en retenant ses biens), ni même d’y consentir ou de le permettre, mais de l’empêcher. D’autre part, il est commandé d’accroître et d’améliorer ses biens, et, en cas de besoin, de l’aider, de le partager et de le prêter, tant à ses amis qu’à ses ennemis.
Quiconque recherche et désire les bonnes œuvres trouvera ici plus qu’assez de bonnes œuvres, agréables et acceptées par Dieu, et qui, de plus, seront couronnées de bénédictions excellentes. Nous serons richement récompensés pour tout ce que nous faisons pour le bien de notre prochain et par amitié ; comme l’enseigne également le roi Salomon dans Proverbes 19 et 17 : « Celui qui a pitié du pauvre prête à l’Éternel, et il lui rendra ce qu’il a donné. » Vous avez donc ici un Seigneur riche, qui vous suffit certainement, et qui ne souffrira ni manque ni manque de quoi que ce soit ; ainsi, vous pourrez, la conscience tranquille, jouir au centuple de ce que vous pourriez amasser par l’infidélité et le mal. Or, celui qui ne désire pas la bénédiction trouvera la colère et le malheur suffisants.
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