LIVRE XXI. KÎ Î OU LE SENS DES SACRIFICES[1].
2. La plus grande vigilance et la purification sont maintenues et pratiquées intérieurement, tandis qu’une vigilance plus souple est maintenue extérieurement. Durant ces jours de veillée, le défunt pense à ses défunts : comment et où ils étaient assis, comment ils souriaient et parlaient, quels étaient leurs objectifs et leurs opinions, ce qui les réjouissait, ce qu’ils désiraient et appréciaient. Le troisième jour de cet exercice, il verra ceux pour qui il est pratiqué.
3. Le jour du sacrifice, lorsqu’il entrera dans l’appartement (du temple), il lui semblera voir (le défunt) à l’endroit (où se trouve sa tablette spirituelle). Après s’être déplacé (et avoir accompli ses opérations), et s’être retiré à la porte, il semblera être arrêté par le bruit de ses mouvements, et soupirera en entendant le son de ses soupirs.
4. Ainsi, la piété filiale enseignée par les anciens rois exigeait que les yeux du fils n’oublient pas les regards (de ses parents), ni ses oreilles leurs voix ; et qu’il conserve le souvenir de leurs aspirations, de leurs goûts et de leurs souhaits. Tandis qu’il laissait libre cours à son amour, ils semblaient revivre ; et, à sa révérence, ils semblaient se démarquer devant lui. Semblant ainsi vivants et se démarquer, si inoubliés par lui, comment ses sacrifices auraient-ils pu être sans l’accompagnement de la révérence ?
6. Seul le sage[1:1] peut sacrifier à Dieu, et seul le fils pieux peut sacrifier à ses parents. Sacrifier signifie se tourner vers… Le fils tourne ses pensées (vers ses parents), puis il peut offrir son sacrifice (pour qu’ils en profitent). Ainsi, le fils pieux s’approche du personnage du défunt sans rougir ; le souverain fait avancer la victime, tandis que son épouse dépose les bols ; le souverain présente les offrandes au personnage, tandis que son épouse dispose les divers plats ; ses ministres et ses hauts fonctionnaires assistent le souverain, tandis que leurs épouses reconnues assistent son épouse. Comme leur révérence était bien soutenue ! Comme leur fidèle dévotion était complète ! Comme leur souhait était sincère que le défunt jouisse du service !
7. Le roi Wan, en sacrifiant, servait les morts comme s’il servait les vivants. Il pensait à eux morts comme s’il ne souhaitait plus vivre (lui-même)[2:1]. Le jour de leur mort, il était triste ; en appelant son père par le nom interdit ailleurs, il semblait le voir. Il était si sincère dans son sacrifice qu’il semblait voir les choses que son père aimait, et l’expression de joie de son visage : tel était le roi Wan ! Les vers de l’ode (II, v, ode 2)
« Quand l’aube ouvre mes yeux,
Devant mon esprit, mes parents se lèvent,
On pourrait appliquer ce terme au roi Win. Le lendemain du sacrifice, au lever du jour, il ne dormit pas, mais s’empressa de le répéter ; et une fois celui-ci terminé, il pensa encore à ses parents. Le jour du sacrifice, sa joie et sa tristesse étaient mêlées. Il ne pouvait que se réjouir de l’occasion d’offrir le sacrifice ; et une fois celui-ci terminé, il ne pouvait que se sentir triste.
8. Lors du sacrifice d’automne, lorsque Kung-nî s’avança, portant les offrandes, son apparence générale trahissait une simplicité sincère, mais ses pas étaient courts et répétés. Une fois le sacrifice terminé, Dze-kung l’interrogea : « Votre description du sacrifice était qu’il devait être marqué par la dignité et l’intense absorption de tous ceux qui y participaient ; et maintenant, comment se fait-il que votre sacrifice n’ait pas manifesté une telle dignité et une telle absorption ? »
Le Maître dit : « Cette dignité de comportement devrait appartenir à ceux qui n’ont qu’un lien lointain (avec celui à qui l’on sacrifie), et cette attitude absorbée à celui dont les pensées sont tournées vers lui-même (de peur de commettre une erreur). Mais comment une telle attitude pourrait-elle s’accorder avec la communion avec les esprits (à qui l’on sacrifie) ? Comment une telle unité et une telle absorption pourraient-elles être perçues dans mon sacrifice ? (Lors des sacrifices du roi et des dirigeants) il y a le retour du personnage à son appartement, et on lui offre de la nourriture ; il y a les exécutions musicales et la mise en place des tribunes avec les victimes dessus ; il y a l’ordonnancement des diverses cérémonies et de la musique ; et il y a la panoplie complète des officiers pour tous les services. Lorsqu’ils sont occupés à maintenir cette dignité et cette absorption dans leurs devoirs, comment peuvent-ils se perdre dans leur abandon aux présences spirituelles ? Les mots doivent-ils être compris d’une seule manière ? Chaque expression a sa propre application. »
9. Lorsqu’un fils filial est sur le point de sacrifier, il est soucieux que tous les préparatifs soient faits à l’avance ; et quand le moment arrive, que tout le nécessaire soit trouvé complet ; et alors, avec un esprit libre de toute préoccupation, il devrait s’occuper de l’accomplissement de son sacrifice.
Le temple et ses appartements ayant été réparés, les murs et les toits remis en ordre, et tous les officiers auxiliaires ayant été pourvus, le mari et la femme, après la veillée funèbre, se lavent la tête et le corps, et se parent de leurs plus beaux atours. En entrant avec les objets qu’ils transportent, comme ils sont graves et immobiles ! Comme absorbés par leur tâche ! Comme s’ils ne pouvaient supporter leur poids, comme s’ils allaient les laisser tomber : n’est-ce pas là le plus grand respect filial ? Il dispose les tribunes sur lesquelles reposent les victimes ; organise toutes les cérémonies et la musique ; fournit les officiers pour les différents ministères. Ceux-ci aident à soutenir et à apporter les objets, et ainsi il déclare sa volonté et son désir, et dans son esprit perdu, il cherche à communier avec les morts dans leur état spirituel, si par hasard ils apprécieront ses offrandes, si par hasard ils y parviendront. Tel est le but du fils filial (dans ses sacrifices) !
10. Le fils filial, en se sacrifiant, semble ne jamais pouvoir épuiser sa détermination, sa sincérité et sa révérence. Il observe chaque règle, sans transgression ni manquement. Sa révérence transparaît dans ses mouvements d’avance et de recul, comme s’il écoutait les ordres (de ses parents), ou comme s’ils le dirigeaient.
11. On peut savoir quel doit être le sacrifice d’un fils pieux. Debout (attendant le début de l’office), il doit être respectueux, le corps légèrement penché ; occupé à la conduite de l’office, il doit être respectueux, avec une expression de plaisir ; lorsqu’il présente les offrandes, il doit être respectueux, avec une expression de désir. Il doit ensuite se retirer et se tenir debout, comme s’il allait recevoir des ordres ; lorsqu’il a retiré les offrandes et (finalement) se retire, l’expression d’une gravité respectueuse doit continuer à se refléter sur son visage. Tel est le sacrifice d’un fils pieux.
Se tenir debout sans aucune inclination physique serait une marque d’insensibilité ; poursuivre le service sans exprimer de plaisir serait une marque d’indifférence ; présenter les offrandes sans exprimer le désir (qu’elles soient appréciées) serait un manque d’amour ; se retirer et rester debout sans paraître s’attendre à recevoir des ordres serait une marque d’orgueil ; se retirer et rester debout, après le retrait des offrandes, sans exprimer une gravité respectueuse serait un oubli du parent auquel on doit son existence. Un sacrifice ainsi accompli manquerait de ses caractéristiques propres.
12. Un fils filial, nourrissant un amour profond (pour ses parents), aura certainement l’air doux ; ayant l’air doux, il aura l’air content ; ayant l’air content, son comportement sera doux et docile. Un fils filial se déplacera comme s’il portait un symbole de jade ou un vase plein. Immobile et grave, absorbé par ce qu’il fait, il semblera incapable de supporter le fardeau et menacé de le laisser tomber. Une gravité sévère et des manières austères ne conviennent pas au service des parents ; telle est l’attitude d’un homme adulte.
13. Les anciens rois assuraient le bon gouvernement de tout le royaume grâce à cinq choses : l’honneur qu’ils rendaient aux vertueux ; aux nobles ; et aux vieillards ; le respect qu’ils témoignaient aux vieillards ; et leur bienveillance envers les jeunes. C’est par ces cinq choses qu’ils maintenaient la stabilité du royaume.
Pourquoi honoraient-ils les vertueux ? En raison de leur ressemblance avec le devoir[1:2]. Ils honoraient les nobles en raison de leur ressemblance avec le souverain ; et les vieillards en raison de leur ressemblance avec les parents. Ils témoignaient de la révérence aux vieillards en raison de leur ressemblance avec les frères aînés ; et de la bonté aux jeunes en raison de leur ressemblance avec les fils.
14. Ainsi, celui qui est parfaitement filial se rapproche du titre de roi, et celui qui est parfaitement fraternel se rapproche du titre de chef suprême. Celui qui est parfaitement filial se rapproche du titre de roi, car même le fils du Ciel avait un père (qu’il doit révérer) ; et celui qui est parfaitement fraternel se rapproche du titre de chef suprême, car même un seigneur féodal avait ses frères aînés (ou cousins) (auxquels il doit obéir). L’observance des leçons des anciens rois, sans y apporter aucune modification, fut le moyen par lequel ils unirent et maintinrent ensemble le royaume, ses États et ses familles[1:3].
15. Le Maître dit : « Poser le fondement de l’amour dans l’amour des parents enseigne la concorde. Poser le fondement de la révérence dans la révérence des aînés enseigne l’obéissance. Lorsqu’on leur enseigne l’harmonie et l’amour, les gens accordent une valeur (juste) à leurs parents ; lorsqu’on leur enseigne la révérence à leurs supérieurs, ils accordent une valeur (juste) à l’obéissance aux ordres qui leur sont donnés. La piété filiale dans le service des parents et l’obéissance dans l’exécution des ordres peuvent être manifestées dans tout le royaume, et elles seront partout efficaces. »
16. Au moment du sacrifice frontalier (au Ciel), ceux qui sont engagés dans les rites funéraires n’osent pas se lamenter, et ceux qui portent le deuil n’osent pas franchir la porte de la capitale ; c’est la plus haute expression de révérence.
17. Le jour du sacrifice, le souverain conduisait la victime devant lui, accompagné et assisté de son fils, de l’autre côté ; les grands officiers suivaient en ordre. Une fois la porte du temple franchie, ils attachaient la victime au pilier de pierre. Les ministres et les grands officiers dénudaient alors leurs bras et procédaient à l’inspection des cheveux, en accordant une attention particulière à ceux des oreilles. Puis, à l’aide du couteau muni de clochettes, ils l’ouvraient, en retiraient la graisse à l’intérieur et se retiraient (pour un temps[1:4]). Ensuite, ils offraient de la chair bouillie et crue, puis se retiraient (finalement). La plus grande révérence était de mise.
18. Le sacrifice dans les faubourgs de la capitale était la grande expression de gratitude envers le Ciel, et il était spécialement adressé au soleil, auquel la lune était associée[2:2]. Les souverains de Hsiâ l’offraient dans l’obscurité. Sous la dynastie des Yin, ils le faisaient à midi. Sous les Kâu, ils sacrifiaient toute la journée, surtout à l’aube et vers le soir.
19. Ils sacrifiaient au soleil sur l’autel et à la lune dans le creux, pour marquer la distinction entre l’obscurité de l’un et la clarté de l’autre, et pour montrer la différence entre le haut et le bas. Ils sacrifiaient au soleil à l’est et à la lune à l’ouest, pour marquer la distinction entre l’apparition du premier et le retrait de la seconde, et pour montrer la justesse de leur position. Le soleil apparaît à l’est et la lune à l’ouest ; l’obscurité et la lumière sont tantôt longues, tantôt courtes ; lorsque l’une prend fin, l’autre commence, en succession régulière, créant ainsi l’harmonie de tout ce qui est sous le ciel.
20. Les rites à observer par tous sous le ciel étaient destinés à favoriser le retour (de l’esprit) au commencement (= Créateur de toutes choses) ; à promouvoir (l’honneur des) Êtres spirituels ; à promouvoir l’utilisation harmonieuse (de toutes les ressources et de tous les instruments) du gouvernement ; à promouvoir la droiture ; et à promouvoir l’humilité. Ils favorisent le retour au commencement, garantissant la considération due à leur créateur. Ils favorisent (l’honneur) des Êtres spirituels, garantissant l’honneur rendu aux supérieurs. Ils favorisent l’utilisation (appropriée) de toutes les ressources, établissant ainsi les règles (pour le bien-être) du peuple. Ils favorisent la droiture, et ainsi il n’y a pas d’oppositions ni de conflits entre les supérieurs et les inférieurs. Ils favorisent l’humilité, afin d’éviter les occasions de conflit. Que ces cinq choses soient unies par les rites pour la régulation de tous sous le ciel, et même s’il peut y avoir des extravagants et des pervers qui ne sont pas maintenus dans l’ordre, ils seront peu nombreux.
—————-
1. Zâi Wo dit : « J’ai entendu les noms Kwei et Shan, mais je ne sais pas ce qu’ils signifient[1:5]. » Le Maître dit : « L’esprit (intelligent)[2:3] est de nature shin, et le manifeste pleinement ; l’âme animale est de nature kwei, et le manifeste pleinement. C’est l’union de kwei et de shan qui forme la plus haute manifestation de la doctrine. »
« Tous les vivants doivent mourir, et en mourant, ils retournent à la terre ; c’est ce qu’on appelle le kwei. Les os et la chair se décomposent en bas et, cachés, deviennent la terre des champs. Mais l’esprit surgit et se déploie là-haut dans une splendeur éclatante. Les vapeurs et les odeurs qui produisent un sentiment de tristesse (et naissent de la décomposition de leur substance) sont les essences subtiles de toutes choses et (aussi) une manifestation de la nature shan. »
« Sur la base de ces essences subtiles des choses, avec une décision et une inventivité extrêmes, (les sages) ont formulé distinctement (les noms de) kwei et shan, pour constituer un modèle pour la race aux cheveux noirs[1:6] ; et toutes les multitudes furent remplies de crainte, et les myriades de personnes contraintes à la soumission. »
2. Les sages ne considéraient pas ces noms comme suffisants, et c’est pourquoi ils construisirent des temples avec leurs appartements, et élaborèrent leurs règles pour les ancêtres à honorer en permanence, et ceux dont les tablettes devaient être retirées ; établissant ainsi une distinction entre les parents proches et lointains, et entre les ancêtres lointains et récents, et enseignant au peuple à remonter à ses plus anciens pères et à retracer ses origines, sans oublier ceux à qui il devait son existence. En conséquence, la multitude se soumit à leurs leçons et les écouta avec une plus grande promptitude.
3. Ces deux éléments (de la constitution humaine) ayant été établis (avec les deux noms), deux cérémonies furent organisées en accord avec eux. Ils instituèrent le service du matin, où la graisse des entrailles était brûlée afin d’en faire ressortir le parfum, et celui-ci était mélangé à la flamme du bois séché du sud. Cela servait d’hommage à l’esprit (intelligent) et enseignait à tous à remonter à leurs ancêtres. Ils présentaient également du millet et du riz, et offraient les délices du foie, des poumons, de la tête et du cœur, ainsi que deux bols (de liqueur) et des spiritueux odoriférants. Cela servait d’hommage à l’âme animale et enseignait aux gens à s’aimer les uns les autres, et aux grands comme aux petits à cultiver la bonne entente entre eux ; tel était l’effet de ces cérémonies.
4. « L’homme supérieur, remontant à ses anciens pères et aux auteurs de son être, n’oublie pas ceux à qui il doit la vie, et c’est pourquoi il fait appel à toute sa révérence, donne libre cours à ses sentiments et épuise ses forces à s’acquitter du service ci-dessus ; en hommage à sa gratitude envers ses parents, il n’ose s’empêcher de faire de son mieux[1:7]. »
5. C’est ainsi qu’autrefois, le fils du Ciel possédait son champ de mille acres, où il tenait lui-même la charrue, coiffé du bonnet carré à liens rouges. Les princes féodaux possédaient également leur champ de cent acres, où ils faisaient de même, coiffés du même bonnet à liens verts. Ils agissaient ainsi au service du Ciel, de la Terre, des Esprits de la terre et du blé, et de leurs ancêtres, pour leur fournir le vin nouveau, la crème et les récipients de blé. C’est ainsi qu’ils se procuraient ces choses ; c’était une grande expression de leur révérence.
6. Autrefois, le fils du Ciel et les seigneurs féodaux avaient leurs officiers qui s’occupaient de leurs animaux ; et aux saisons convenables, après la veillée et le jeûne, ils leur lavaient la tête, les baignaient et leur rendaient visite en personne[2:4], prenant pour victimes celles qui étaient sans tache et parfaites ; c’était une grande expression de leur révérence.
Le souverain ordonna qu’on lui amène les bœufs et les inspecta ; il les choisissait à leur poil, devinait s’il serait heureux de les utiliser, et si la réponse était favorable, il les faisait soigner. Coiffé de sa toque de peau et de sa jupe blanche retroussée à la taille, le premier jour et au milieu du mois, il les inspecta. Il fit ainsi de son mieux ; c’était le summum de la piété filiale.
7. Autrefois, le fils du Ciel et les seigneurs féodaux possédaient leurs propres mûriers et leur maison pour les vers à soie ; cette dernière était construite près d’une rivière, haute de dix coudées, les murs d’enceinte étant couronnés d’épines et les portes fermées de l’extérieur. Au petit matin d’une journée très claire, le souverain, coiffé de son bonnet de peau et vêtu d’une jupe blanche, faisait de la divination pour les dames les plus honorables des trois palais de son épouse[1:8], qui étaient alors chargées d’introduire les vers à soie dans la maison. Elles lavaient les graines dans le ruisseau, ramassaient les feuilles des mûriers et les faisaient sécher au vent pour nourrir les vers.
Lorsque l’année (du ver à soie) fut terminée, les dames honorables eurent terminé leur travail avec les insectes et emportèrent les cocons pour les montrer au souverain. Elles les présentèrent ensuite à son épouse, qui dit : « Ne fourniront-ils pas les matériaux nécessaires à la confection des robes du souverain ? » Elle les reçut aussitôt, coiffée de sa coiffe et de sa robe ornée de faisans, puis fit tuer et cuire un mouton et un cochon pour régaler les dames. Telle était probablement la coutume ancienne lors de la présentation des cocons.
Ensuite, les jours de fête, l’épouse en rinçait trois fois quelques-uns dans un récipient, commençait à les dérouler, puis les distribuait aux dames honorables et prometteuses de ses trois palais pour achever le déroulement. Elles teignaient ensuite le fil en rouge et vert, azur et jaune, pour réaliser les motifs aux couleurs variées des robes. Une fois les robes terminées, le souverain les portait pour offrir des sacrifices aux anciens rois et ducs ; tous manifestaient la plus grande révérence.
8. L’homme supérieur dit : « Les cérémonies et la musique ne devraient être négligées par personne un seul instant. Lorsqu’on maîtrise (les principes de) la musique et qu’on régule son cœur et son esprit en conséquence, un cœur naturel, correct, doux et honnête se développe facilement, et avec ce développement du cœur vient la joie. Cette joie se transforme en un sentiment de repos. Ce repos dure longtemps. L’homme dans ce repos constant devient (une sorte de) paradis. Tel le ciel, son action est spirituelle. Tel le ciel, on le croit, bien qu’il ne parle pas. Tel l’esprit, on le regarde avec crainte, bien qu’il ne manifeste aucune colère. Il en est de même lorsque, par sa maîtrise de la musique, on régule son esprit et son cœur. »
Ainsi, la sphère dans laquelle agit la musique est l’intérieur de l’homme, et celle des cérémonies son extérieur. Le résultat de la musique est une harmonie parfaite, et celui des cérémonies est une parfaite observance (de la bienséance). Lorsque l’homme intérieur est ainsi harmonieux, et l’homme extérieur ainsi docile, les gens contemplent son visage et ne le contestent pas ; ils observent son comportement, et aucun sentiment d’indifférence ou de grossièreté ne s’élève en eux. Ainsi, lorsque la vertu brille et agit en (un supérieur), les gens sont sûrs d’accepter (sa règle) et de l’écouter ; et lorsque les principes (de la bienséance) se manifestent dans sa conduite, tous sont sûrs d’accepter (sa règle) et de lui obéir. C’est pourquoi il est dit : « Laissez les cérémonies et la musique suivre leur cours jusqu’à ce que tout sous le ciel en soit rempli ; alors donnez-leur leur manifestation et leur application, et rien de difficile à gérer n’apparaîtra. »
La musique influence les mouvements intérieurs (de l’âme) ; les cérémonies apparaissent dans les mouvements extérieurs (du corps). C’est pourquoi il est de règle de réduire le nombre et la durée des cérémonies au minimum, et de donner à la musique son plein épanouissement. Cela conduit à la mise en avant des cérémonies, et c’est là que réside leur beauté ; et à la considération introspective de la musique, et c’est là que réside sa beauté. Si les cérémonies, exigeant cette concentration, ne bénéficiaient pas de cette mise en avant, elles disparaîtraient presque complètement ; si la musique, exigeant ce plein épanouissement, n’était pas accompagnée d’introspection, elle engendrerait une dissipation de l’esprit. Ainsi, à chaque cérémonie correspond sa propre réponse, et à la musique correspond cette introspection. Lorsque les cérémonies sont satisfaites, le plaisir naît, et lorsque la musique est accompagnée d’une introspection appropriée, le repos naît. La réponse de la cérémonie et l’introspection de la musique naissent d’une seule et même idée et ont un seul et même objet.
9. Zang-dze a dit : « Il existe trois degrés de piété filiale. Le plus élevé est d’honorer ses parents ; le deuxième est de ne pas les déshonorer ; et le plus bas est de pouvoir les soutenir. »
(Son disciple), Kung-ming Î, dit : « Maître, peux-tu être considéré comme un fils pieux ? » Zang-dze répondit : « Quelles paroles sont-elles ? Quelles paroles sont-elles ? Ce que l’homme supérieur appelle piété filiale exige d’anticiper les souhaits de nos parents, de réaliser leurs objectifs et de les instruire sur le chemin (du devoir). Je ne suis que celui qui soutient ses parents ; comment puis-je être considéré comme filial ? »
Zang-dze dit : « Le corps est ce que nos parents nous ont transmis ; qui oserait se permettre d’être irrespectueux dans l’utilisation de leur héritage ? Si un homme, dans sa propre maison et son intimité, manque de sérieux, il manque de piété filiale ; s’il manque de loyauté envers son souverain, il manque de piété filiale ; s’il manque de respect dans l’accomplissement de ses devoirs, il manque de piété filiale ; s’il manque de sincérité envers ses amis, il manque de piété filiale ; s’il manque de courage sur le champ de bataille, il manque de piété filiale. S’il manque à ces cinq choses, le mal (la disgrâce) atteindra ses parents ; oserait-il seulement les traiter avec respect ? »
Préparer la viande et les céréales parfumées qu’il a cuisinées, les goûter et les présenter à ses parents, n’est pas de la piété filiale ; c’est seulement les nourrir. Celui que l’homme supérieur qualifie de filial est celui que tous les habitants de son État louent, disant avec admiration : « Heureux les parents qui ont un fils comme celui-ci ! » – voilà ce qu’on peut appeler être filial. La leçon fondamentale pour tous est la piété filiale. Sa pratique se manifeste dans le soutien (aux parents). On peut être capable de les soutenir ; la difficulté est de le faire avec le respect approprié. On peut atteindre ce respect ; la difficulté est de le faire sans contrainte. Cette liberté peut être réalisée ; la difficulté est de la maintenir jusqu’au bout. Lorsque ses parents sont morts et que le fils surveille attentivement ses actions, afin qu’une mauvaise réputation, impliquant ses parents, ne soit pas transmise, on peut dire qu’il est capable de maintenir sa piété jusqu’au bout. Le véritable amour est l’amour de ceci ; la véritable bienséance est l’accomplissement de ceci ; la vraie justice est la rectitude de ceci ; la véritable sincérité est d’être sincère en cela ; la vraie force est d’être fort en cela ; la joie naît de la conformité à cela ; les punitions naissent de la violation de cela.
12. Zang-dze dit : « Établissez la piété filiale, et elle remplira l’espace de la terre au ciel ; étendez-la, et elle s’étendra sur toute la terre jusqu’aux quatre mers ; » transmettez-la aux âges futurs, et du matin au soir elle sera observée ; propagez-la jusqu’à la mer de l’Est, la mer de l’Ouest, la mer du Sud et la mer du Nord, et elle sera (partout) la loi des hommes, et leur obéissance sera uniforme. Les paroles de l’ode (III, i, ode 10, 6) s’accompliront.
« D’ouest en est, du sud au nord,
Il n’y avait aucune pensée insoumise.
13. Zang-dze dit : « On abat les arbres et on tue les animaux (uniquement) aux saisons appropriées. » Le Maître dit :
« Abattre un seul arbre ou tuer un seul animal, hors saison, est contraire à la piété filiale. »
Il existe trois degrés de piété filiale : le moindre, qui consiste à employer ses forces (au service de ses parents) ; le second, qui consiste à endurer le travail (pour eux) ; et le plus grand, qui consiste à ne jamais faiblir. Penser à la douceur et à l’amour (de ses parents) et oublier ses peines (pour eux) peut être appelé l’emploi de ses forces. Honorer les bienfaits et se reposer dans le sentiment du repos dans la justice peut être appelé l’endurance du travail ; la large distribution des bienfaits et la fourniture de toutes choses (nécessaires au peuple) peuvent être appelées la piété qui ne faiblit pas.
Quand ses parents l’aiment, se réjouir et ne pas se permettre de les oublier ; quand ils le haïssent, le craindre et pourtant ne pas en éprouver de ressentiment ; quand ils ont des défauts, leur faire des reproches et pourtant ne pas les supporter ; quand ils sont morts, demander (l’aide seulement) aux bons pour obtenir le grain avec lequel leur sacrifier : voilà ce qu’on appelle l’achèvement (par un fils) de ses propres services.
14. Le disciple Yo-king Khun[1:9] se blessa au pied en descendant de sa salle et ne put sortir pendant quelques mois. Même après cela, il portait encore un air triste, et l’un des disciples de l’école lui dit : « Ton pied, maître, va mieux ; et même si tu n’as pas pu sortir pendant quelques mois, pourquoi porterais-tu encore un air triste ? » Yo-kang Khun répondit : « C’est une bonne question que tu poses ! C’est une bonne question que tu poses ! J’ai entendu de Zang-dze ce qu’il avait entendu dire au Maître : de tout ce que le Ciel produit et la Terre nourrit, il n’y en a pas d’aussi grand que l’homme. Ses parents lui donnent naissance dans sa personne toute entière, et le leur rendre dans sa totalité peut être qualifié de devoir filial. Lorsqu’aucun membre n’a été mutilé et qu’aucune partie de la personne n’a été déshonorée, on peut dire que la personne est complète ; et donc un homme supérieur n’ose pas faire le moindre pas en oubliant son devoir filial. Mais maintenant, j’ai oublié le chemin, et c’est pourquoi j’ai l’air triste. (Un fils) ne devrait pas oublier ses parents d’un seul geste, ni d’une seule parole. Il ne devrait pas oublier ses parents d’un seul geste, et donc il marchera sur la grande route et n’empruntera pas de sentier, il utilisera une barque et n’essaiera pas de traverser un ruisseau ; n’osant pas, avec le corps que ses parents lui ont laissé, s’engager sur la voie du danger. Il ne devrait pas oublier ses parents d’un seul geste, et donc aucune parole méchante ne sortira de sa bouche, et aucune parole de colère ne retombera sur lui. Ne pas déshonorer sa personne et ne pas faire honte à ses parents peut être appelé un devoir filial.
15. Autrefois, les souverains de la lignée de Yü honoraient la vertu et tenaient l’âge en haute estime ; les souverains de Hsiâ honoraient le rang et tenaient l’âge en haute estime ; sous Yin, ils honoraient la richesse et tenaient l’âge en haute estime ; sous Kâu, ils honoraient la parenté et tenaient l’âge en haute estime. Yü, Hsiâ, Yin et Kâu ont donné naissance aux plus grands rois qui soient apparus sous le Ciel, et aucun d’entre eux n’a négligé l’âge. Depuis longtemps, on honore les années sous le ciel ; le rendre est aussi important que le service des parents.
16. C’est pourquoi, à la cour, entre personnes de même rang, la plus haute place était donnée au plus âgé. Les hommes de soixante-dix ans portaient leur bâton à la cour. Lorsque le souverain interrogeait l’un d’eux, il le faisait asseoir sur une natte. Un homme de quatre-vingts ans n’attendait pas la fin de l’audience et, lorsque le souverain l’interrogeait, il se rendait chez lui. Ainsi, la soumission d’un frère cadet (et des cadets en général) était reconnue à la cour.
17. Un jeune homme marchait avec un homme plus âgé (que lui), même s’ils marchaient côte à côte, mais sans être sur la même ligne. S’il ne se tenait pas transversalement (un peu en arrière), il suivait l’autre[1:10]. Lorsqu’ils voyaient un vieillard, les gens en voiture ou à pied s’écartaient de son chemin. Les hommes, là où les cheveux blancs se mêlaient à leurs cheveux noirs, ne portaient pas de fardeaux sur les routes. Ainsi, la soumission des jeunes hommes était reconnue sur la voie publique.
Les habitants de la campagne occupaient leur place selon leur âge, et les vieux et les pauvres n’étaient pas négligés, les forts n’entraient pas en conflit avec les faibles, et les membres d’un clan nombreux ne faisaient pas violence à ceux d’un clan plus petit. Ainsi, la soumission des plus jeunes était reconnue dans les districts ruraux et les hameaux[2:5].
18. Selon l’ancienne règle, les hommes de cinquante ans n’étaient pas tenus de servir dans les expéditions de chasse[3] ; et dans la distribution du gibier, une plus grande part était accordée aux plus âgés. Ainsi, la soumission des cadets était reconnue dans l’organisation des chasses. Dans les dix et les cinq de l’armée et de ses détachements, où le rang était le même, les places étaient attribuées selon l’âge. Ainsi, la soumission des cadets était reconnue dans l’armée.
19. L’exercice du devoir filial et fraternel à la cour ; leur pratique sur la route ; leur extension aux districts et aux hameaux ; leur extension à la chasse ; et leur application à l’armée, (ont été ainsi décrits). Tous seraient morts pour eux sous la contrainte de la justice, et n’auraient pas osé les violer.
20. Le sacrifice dans la Salle de Distinction servait à inculquer le devoir filial aux seigneurs féodaux ; les festins des trois classes d’anciens et des cinq classes d’expérimentés au Grand Collège servaient à inculquer à ces princes la soumission fraternelle ; les sacrifices aux dignitaires d’autrefois dans l’école occidentale servaient à leur inculquer la vertu ; les labours (du roi) dans le champ qui lui était réservé servaient à leur enseigner le devoir de nourrir (le peuple) ; leurs apparitions à la cour au printemps et à l’automne servaient à leur inculquer leur devoir de sujets ou de ministres. Ces cinq institutions furent les grandes leçons du royaume.
21. Lors du festin des trois classes d’anciens et des cinq classes d’expérimentés, le fils du Ciel dénudait son bras, découpait les corps des victimes et distribuait les condiments ; il présentait également la coupe avec laquelle ils se rinçaient la bouche, coiffés du bonnet carré et portant un bouclier. C’est ainsi qu’il inculquait aux princes la soumission fraternelle. C’est ainsi qu’à la campagne et dans les villages, on respectait l’âge, que les vieillards et les pauvres n’étaient pas négligés, et que les membres d’un clan nombreux n’opprimaient pas ceux d’un clan plus petit ; ces principes provenaient du Grand Collège.
Le fils du Ciel désigna les quatre écoles ; et lorsque son fils aîné entra dans l’une d’elles, il prit sa place selon son âge.
23. Ceux qui avaient reçu le premier degré de fonction prenaient place selon l’âge (aux assemblées) dans le pays et les villages ; ceux qui avaient reçu le second, prenaient place de la même manière (aux assemblées) de tous les membres de leur famille. Ceux qui avaient reçu le troisième degré ne tenaient pas compte de l’âge. Mais, lors des assemblées de tous les membres d’un clan, personne n’osait prendre la priorité sur quelqu’un de soixante-dix ans.
Ceux qui avaient soixante-dix ans ne se présentaient pas à la cour, sauf pour une grande cause. Dans ce cas, le souverain s’inclinait et leur cédait la place, puis passait aux personnes de rang élevé.
24. Quel que soit le bien que possédait le fils du Ciel, il en attribuait humblement le mérite au Ciel ; quel que soit le bien que possédait un seigneur féodal, il l’attribuait au fils du Ciel ; quel que soit le bien que possédait un ministre ou un grand officier, il l’attribuait au prince de son État ; quel que soit le bien que possédait un officier ou un homme du commun, il en attribuait la base à ses parents, et sa préservation à ses aînés. Émoluments, rang, félicitations et récompenses étaient tous échangés dans le temple des ancêtres ; et c’est ainsi qu’ils manifestaient un esprit de déférence soumise.
25. Autrefois, les sages, ayant déterminé les phénomènes du ciel et de la terre dans leurs états de repos et d’activité, en firent la base du Yî (et de la divination par lui). Le devin tenait l’écaille de tortue dans ses bras, le visage tourné vers le sud, tandis que le fils du Ciel, vêtu de sa robe de dragon et de sa casquette carrée, se tenait le visage tourné vers le nord. Ce dernier, si intelligent que fût son esprit, estima nécessaire de se mettre en avant et d’obtenir une décision sur son objectif ; montrant ainsi qu’il n’osait pas suivre sa propre voie et honorant le Ciel (en tant que Décideur suprême). Ce qu’il avait de bon en lui (ou dans ses opinions), il l’attribuait aux autres ; ce qui était mauvais, à lui-même ; enseignant ainsi à ne pas se vanter et honorant les hommes de talent et de vertu.
26. Lorsqu’un fils pieux s’apprêtait à sacrifier, la règle était qu’il ait l’esprit bien équilibré et sérieux, afin de pouvoir accorder toute l’attention nécessaire à chaque affaire, à fournir les vêtements et autres choses, à réparer le temple et ses sanctuaires, et à tout organiser. Le jour du sacrifice, la règle était que son visage soit doux et que ses mouvements trahissent une crainte anxieuse, comme s’il craignait que son amour ne soit pas suffisant. Lorsqu’il déposait ses offrandes, il était requis que son comportement soit doux et son corps courbé, comme si (ses parents) allaient (lui) parler sans l’avoir encore fait ; lorsque les officiers qui l’assistaient furent tous sortis[1:11], il se tenait humble et immobile, bien que correct et droit, comme s’il allait perdre (ses parents) de vue.
Après le sacrifice, il avait l’air content et plein d’espoir, comme s’ils allaient à nouveau entrer[2:6].
Ainsi, sa naïveté et sa bonté ne quittaient jamais sa personne ; ses oreilles et ses yeux ne quittaient jamais ce qui était dans son cœur ; les exercices de ses pensées ne quittaient jamais ses parents. Ce qui était lié à son cœur se manifestait sur son visage ; et il s’examinait continuellement ; tel était l’esprit du fils filial.
27. Les emplacements des autels aux esprits de la terre et du grain se trouvaient à droite ; celui du temple ancestral à gauche[1:12].
[2:7] : Ici encore, la traduction est difficile. Zottoli donne : « Cumque sacrificium transiverit, intendet animo, prosequetur ore, quasi mox iterum ingressuri essent ». Callery :—‘Après le sacrifice il s’en va lentement, comme (s’il suivait quelqu’un pas à pas, et avait envie) de rentrer (avec lui dans le temple).’
Le texte ici est difficile. J’ai suivi Mang, tout comme Zottoli ; l’interprétation de ### comme « officiers assistants » peut par ailleurs être défendue. Callery donne pour la proposition : « Toutes les pensées étrangères (au sacrifice) il les chassent au dehors », ce qui serait difficile à justifier. ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Cinq Kâu, traduits par « districts », ont formé un « hsiang », traduit ici par « les districts ruraux ». ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎ ↩︎
Littéralement, « hommes du tien » (###). Le tien était une étendue considérable ; l’armée disposait d’un char, de trois hommes en cotte de mailles et de soixante-douze fantassins. On y prélevait également des hommes pour servir dans les expéditions de chasse. ↩︎