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UNE MISSION EN GALILÉE DU SUD
Marc. vi. je un. Luc vii. 36-50. Luc viii. 1-3, IV. 16h30 ; Marc. vi. ib-6 une ; Mt. XIII. 53-58. Marc. vi. 6^-13 ; Mt. ix. 35-x. 1, 5-16, 24-42 ; Luc ix. 1-6 (x. 2-12, 16, vi. 40, xii. 2-9, 51-53, xvii. 33). Mt. xi. 1 ; Luc vii. n-17. Mt. xi. 2-19 ; Luc vii. 18-35 (xvi. 16). Marc. vi. 21-29 ; Mt- mv. 6-12.
Au milieu de l’agitation que ces trois miracles, et en particulier la résurrection de l’enfant du Souverain, allaient inévitablement susciter, il était impossible à notre Seigneur de poursuivre son ministère à Capharnaüm ; il la quitta pour une mission qu’il méditait depuis longtemps. Près de deux ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait quitté Nazareth, sa première demeure, pour rencontrer Jean-Baptiste à Béthabara, et il n’y était jamais retourné. Son message aurait difficilement trouvé accueil là-bas au début de son ministère ; car n’était-il pas proverbial qu’« un prophète n’est pas honoré parmi les siens » ? Et n’en avait-il pas une douloureuse preuve dans l’incrédulité de ses « frères » quant à ses prétentions messianiques ? C’est pourquoi il avait jusque-là évité Nazareth et la région environnante. Mais maintenant qu’il avait établi sa renommée à Capharnaüm et qu’il avait, de plus, lors de ce mémorable voyage de l’année précédente, proclamé son message en Galilée du Nord, n’était-il pas temps pour lui de visiter Nazareth et ses environs ?
La route qui y menait longeait le lac jusqu’à Magdala, d’où elle pénétrait dans les terres ; et c’est là que se déroula certainement un incident mémorable que les autres [ p. 155 ] évangélistes omettent et que saint Luc rapporte avec une réserve locale et personnelle, bien compréhensible à la lumière du récit qui suit. Magdala avait mauvaise réputation. C’était une ville riche, frappée par le fléau que la richesse apporte trop souvent. Elle était en Palestine ce que Corinthe était en Grèce, et « une Madeleine » – l’épithète calomnieuse dont le Talmud qualifie la Sainte Vierge – signifiait « une prostituée ».
C’est probablement un vendredi soir que notre Seigneur arriva à Magdala. Il y passerait le sabbat et fréquenterait la synagogue. Sa renommée l’avait précédé, notamment l’histoire de sa résurrection de l’enfant de Jaïr. Elle était parvenue aux oreilles d’un pharisien de la ville, Simon ; et, tout rigide qu’il fût, il ne pouvait s’empêcher d’accorder une certaine reconnaissance au Maître qui avait si merveilleusement secouru son collègue à Capharnaüm. Le sabbat était le jour qui, parmi les Juifs, était particulièrement consacré aux rites amicaux de l’hospitalité, et il invita Jésus à un banquet chez lui.
C’était une intention bienveillante, mais la manière était maladroite. La coutume voulait qu’à l’arrivée d’un invité, un serviteur l’accueille avec une bassine et une serviette, et, ôtant ses sandales, lave ses pieds poussiéreux ; puis l’hôte l’embrasse de bienvenue ; puis, tandis qu’il s’allongeait à table, on versait sur sa tête un parfum frais et parfumé. Les autres invités de Simon bénéficiaient de ces politesses ordinaires, mais elles étaient refusées à Jésus. On jugea que c’était un honneur suffisant pour lui qu’il soit admis chez le pharisien et qu’il y prenne sa nourriture.
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Sur le moment, il ignora l’indignation ; mais il la remarqua, et elle reçut aussitôt une réprimande méritée. À son entrée, une femme s’était glissée derrière lui. Il n’y avait aucun doute sur son genre ; elle était voilée et ses cheveux dénoués, signe distinctif d’une prostituée. Que faisait-elle là, dans cette sainte compagnie ? On lui avait parlé de l’Ami des pécheurs et de ce qu’il avait fait ailleurs pour ses semblables ; elle l’avait peut-être entendu prêcher à Capharnaüm ; peut-être l’avait-elle entendu à la synagogue ce jour-là même. Et sa grâce avait gagné son pauvre cœur. Désireuse de le rencontrer, elle le suivit jusqu’à la maison du pharisien, un présent à la main. C’était « un vase de myrrhe » ; et selon le satiriste Lucien, c’était une offrande courante pour une prostituée. Le prix de sa honte était tout ce qu’elle possédait, et elle en ferait une offrande au Seigneur. La compagnie était à table, allongée sur des divans disposés de biais autour ; Elle s’approcha timidement du lit du Seigneur, voulant verser l’onguent sur sa tête, mais son courage lui manqua et, s’arrêtant à l’extrémité du lit, elle se pencha sur ses pieds négligés. Ses larmes brûlantes pleuvaient sur eux, et elle les essuya doucement avec ses cheveux dénoués, les embrassa tendrement et versa l’onguent dessus.
Simon fut choqué. Pour son esprit pharisien, le contact de la créature était impur ; et, pensa-t-il, si Jésus avait connu son caractère, il n’aurait sûrement jamais toléré ses caresses. Il n’était certainement pas prophète, sinon il aurait reconnu quel genre de femme elle était. Notre Seigneur vit l’expression d’horreur sur son visage et comprit ce qu’il pensait. « Simon », dit-il, « j’ai quelque chose à te dire. » « Dis-le, [ p. 157 ] Maître », fut la réponse sèche ; et Jésus parla d’un créancier qui avait deux débiteurs. L’un lui devait 25 £ et l’autre 2 £ 10 shillings, et comme aucun des deux ne pouvait payer, il leur pardonna généreusement à tous les deux. « Lequel des deux l’aimera le plus ? » « Je suppose », répondit Simon froidement, s’irritant de ce qui lui semblait une bagatelle, « celui à qui il a le plus pardonné. » « Exactement », dit Jésus, et il souligna la morale. « Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison : tu ne m’as pas donné d’eau pour les pieds, mais elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux. Tu ne m’as pas donné de baiser, mais depuis que je suis entré, elle n’a cessé de m’embrasser tendrement les pieds. Tu n’as pas oint ma tête d’huile, mais elle a oint mes pieds de myrrhe. C’est pourquoi, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont pardonnés, parce qu’elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. »
C’est là à la fois la justification du Seigneur et sa condamnation de Simon. Ce n’était ni par ignorance de son caractère ni par aversion pour le péché qu’il avait accepté les caresses de la femme, mais parce que c’était la pénitence et la gratitude qui l’avaient amenée à ses pieds. Elle l’aimait tant parce qu’elle avait vu sa grâce ; et puisque l’amour est extrêmement précieux aux yeux de Dieu, elle était plus proche de Dieu que le pharisien orgueilleux qui n’avait jamais découvert « la plaie de son cœur ».
« Tes péchés sont pardonnés », dit-il à la pénitente accroupie à ses pieds. S’arroger ainsi la prérogative divine de l’absolution était un blasphème aux yeux des pharisiens, et un murmure parcourut la table. Il n’y prêta aucune attention, mais congédia la femme [ p. 158 ] avec une assurance gracieuse : « Ta foi t’a sauvée. Va en paix. »
Qui était cette femme ? Dans sa charité bienveillante, refusant d’exposer le passé honteux de celle que le Seigneur a élevée à l’honneur, l’évangéliste a caché son nom ; mais il le savait sûrement, et plus tard, on crut fermement, du moins dans l’Église latine (Lc 13, 2), qu’elle n’était autre que Marie-Madeleine, qu’il présente ensuite comme une disciple dévouée, et que, de plus, Marie-Madeleine était identique à Marie de Béthanie, sœur de Lazare et de Marthe. Et ce n’est pas une simple chimère. Les évangélistes l’attestent indubitablement, car, tout en se souciant tendrement de l’honneur de la chère demeure de Béthanie, ils ont pourtant, pour la gloire de la grâce du Sauveur, veillé à ce que la vérité soit clairement révélée aux yeux respectueux et attentifs. Considérez les preuves.
Il ne fait aucun doute que Marie Madeleine était une femme pécheresse. Son nom l’affirme. Et en la présentant immédiatement après son récit de la femme pécheresse dans la maison du pharisien, saint Luc la nomme « Marie Madeleine, comme on l’appelait, de laquelle étaient sortis sept démons » (cf. Mt. 12, 45 ; Lc 11, 26). L’immoralité était, dans le langage ancien, un esprit impur, et la possession septuple signifiait l’abandon total.
Marie Madeleine avait donc été une prostituée ; mais quelle raison y a-t-il de l’identifier à la pécheresse de la maison de Simon et à Marie de Béthanie ? Dans son récit de la résurrection de Lazare, saint Jean le présente comme le frère de Marie et de sa sœur [ p. 159 ] Marthe, puis explique que la première était « la Marie qui oignit le Seigneur de myrrhe et lui essuya les pieds avec ses cheveux ». Saint Augustin y voit une référence à l’incident mémorable rapporté par saint Luc (Jn 11, 2) et donc une identification expresse de Marie de Béthanie à la pécheresse de la maison du pharisien. Et il a probablement raison ; Il se peut cependant que l’évangéliste ne fasse pas référence à cette onction précédente, mais plutôt à celle qui eut lieu à Béthanie quelques semaines plus tard (Jn 12, 1-11 ; cf. Mt. 26, 6-13 ; Mc 14, 3-9). Ainsi, l’identification de Marie de Béthanie avec la pécheresse demeure précaire ; mais dans son récit de l’onction à Béthanie, saint Jean l’a mise hors de tout doute. Il n’aurait rien eu de remarquable si Marie, désireuse de participer à l’honneur du Maître, était entrée dans la salle du banquet et avait oint sa tête de son précieux parfum ; mais il était très remarquable qu’elle soit entrée les cheveux dénoués, à la manière d’une prostituée, et qu’elle n’ait pas oint sa tête, mais ait versé sa myrrhe sur ses pieds et les ait essuyés avec ses cheveux. Et quelle en est l’explication ? C’est sûrement cela : son acte n’était pas un hommage honorifique habituel, mais un souvenir reconnaissant de sa première rencontre avec le Sauveur en ce jour mémorable à Magdala où, pauvre paria, elle s’agenouilla à ses pieds bénis dans la maison du pharisien.
Marie de Béthanie était certainement cette femme pécheresse. Et tout aussi certainement Marie-Madeleine ; où était-elle ailleurs à la fin tragique ? En tant que Marie de Béthanie, elle n’apparaît jamais dans le récit de la Passion. Était-elle assise tranquillement chez elle, juste au-delà de la crête du Mont des Oliviers, tandis qu’on clouait son cher Seigneur [ p. 160 ] sur la Croix ? Non, elle était avec Lui à ce moment-là ; car elle était Marie-Madeleine, et Marie-Madeleine le suivit au Calvaire, se tint près de la Croix et aida à descendre son corps mutilé et à le déposer dans le sépulcre de Joseph – la dernière à le quitter et la première à le saluer au matin de la Résurrection.
Le Seigneur n’était pas venu seul à Magdala. Il était accompagné non seulement des Douze, mais aussi d’un groupe de femmes qui avaient expérimenté sa grâce et s’étaient consacrées à son service et à celui de son Royaume. L’une d’elles était Jeanne, épouse de Chuzas, intendant du tétrarque Hérode Antipas, probablement, comme nous l’avons vu, ce « noble » (cf. Jn 4, 46-54). Il avait guéri l’enfant au début de son ministère galiléen ; et une autre était Suzanne, dont on ne sait rien, si ce n’est que, comme Jeanne et les autres, elle était redevable à sa miséricorde. Elles étaient toutes des femmes aisées ; et c’est là qu’était leur chance. Le Maître ne possédait rien, et les Douze avaient tout quitté pour le suivre ; et ces femmes participaient à la mission pour subvenir à leurs besoins. Elles apporteraient également leur aide d’autres manières ; et c’est ici, dès le début, qu’elles rendirent un service gracieux en accueillant Madeleine parmi elles et en la retirant de la scène de sa honte.
De Magdala, ils se rendirent à Nazareth, à une distance de près de trente kilomètres. Là, le Seigneur ne fut pas reçu avec beaucoup de grâce. Les Nazaréens, comme nous l’avons vu, avaient mauvaise réputation dans le pays et étaient jaloux de la renommée de leur concitoyen. Qui était-il pour avoir atteint une telle grandeur ? Comme son père avant lui, il avait été charpentier parmi eux, et sa mère Marie et ses frères et sœurs [ p. 161 ] étaient leurs voisins. Et pourquoi s’était-il installé à Capharnaüm ? Pourquoi n’était-il pas plutôt resté à Nazareth pour y accomplir ses miracles ?
C’est ainsi qu’il fut accueilli avec mépris et reproche. Le sabbat arriva, et il se rendit à la synagogue où il fut invité à prêcher. La leçon des prophètes pour ce jour-là était un passage du livre d’Isaïe, et, selon la coutume, il en tira son texte : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé pour proclamer aux captifs la délivrance et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les blessés, pour proclamer une année de grâce du Seigneur. » (Isaïe 61.1-2, 62.6). Il lut ces paroles pleines de grâce et leurs accents captivants captivèrent son auditoire. Tous les regards étaient fixés sur lui tandis qu’il déposait le rouleau sacré et, selon la coutume juive, s’asseyait pour parler. « Aujourd’hui », commença-t-il, « cette Écriture est accomplie devant vous. » C’était un texte plein de grâce, un sermon plein de grâce ; ses auditeurs en ressentirent le charme. Mais à peine la scène fut-elle terminée qu’ils furent saisis par leur misérable jalousie. Il observa leurs regards et leurs murmures et, connaissant bien leurs pensées, il répondit à leurs griefs.
C’était une réponse aimable, à moitié enjouée, destinée à désamorcer leurs préjugés. Leur grief, admet-il, était tout à fait naturel. « Vous me citerez sans doute le proverbe “Médecin, guéris-toi toi-même”. Vous avez entendu parler de mes miracles à Capharnaüm, et vous aimeriez que j’en accomplisse de semblables ici. Mais n’y a-t-il pas un autre proverbe qui dit qu’“aucun prophète n’est bienvenu dans son pays” ? » C’était une douce réprimande. Il ne peut y avoir de miracle là où il n’y a [ p. 162 ] pas de foi, et c’est leur incrédulité qui l’avait banni du milieu d’eux. Quand les gens repoussent une bénédiction de leur porte, elle passe à d’autres (Cf. 1 Rois 18. 8-24) qui sont disposés à la recevoir. Il en était de même autrefois lorsqu’Élie quitta l’Israël idolâtre et porta sa bénédiction à une pauvre veuve à Sarepta, dans le pays de Sidon (cf. 2 Rois v.), et encore lorsque, bien qu’il y eût des lépreux en Israël, ce fut Naaman le Syrien qu’Élisée guérit.
Son argument, au lieu de les convaincre, ne fit que les enrager. Bien que cela fût écrit dans les Écritures, entendre parler de païens préférés aux Israélites offensait leurs préjugés juifs ; et ils considéraient comme un blasphème qu’il se compare à ces grands prophètes. La synagogue était en émoi. Ils le chassèrent de la ville, le menèrent au bord d’un précipice, sur la montagne au pied de laquelle elle se trouvait, dans l’intention de le précipiter en bas ; mais arrivés là, ils se ravisèrent. Son attitude intrépide les intimida ; peut-être de vieux souvenirs les attendrirent-ils. Il se détourna, et la foule recula devant lui et le laissa passer.
Il se rendrait avec sa compagnie en rase campagne. Son traitement à Nazareth l’avait attristé, mais il n’éveillait aucun ressentiment en lui. Cela montrait combien son Évangile était nécessaire, et son cœur était rempli de compassion pour le peuple ignorant. Le temps était court, et il allait tenter une nouvelle entreprise. Il avait choisi et ordonné les Douze non seulement comme ses successeurs, mais aussi comme ses collaborateurs, et il les avait formés par son enseignement et son exemple ; et maintenant, puisque le besoin était si grand et le [ p. 163 ] temps si court, pour que son Évangile puisse atteindre plus loin et accomplir davantage, il les enverrait deux par deux proclamer le message qu’il leur avait enseigné et accomplir des miracles en son nom.
Avaient-ils le cœur à l’ouvrage ? « La moisson », dit-il, « est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson. » C’était un défi à leur foi et à leur dévotion. « Qui enverrai-je ? Et qui marchera pour nous ? » était son appel, et ils répondraient sûrement comme le prophète d’autrefois : « Me voici, envoie-moi. » Il attendait une réponse ; et comme aucun ne se présentait, il les forçait : il les « envoyait pour sa moisson ». Il les avait déjà ordonnés, et maintenant il les charge.
Leur champ de mission était cependant restreint. Il était bien le Sauveur du monde, et le temps viendrait où ils devraient porter son Évangile jusqu’aux extrémités de la terre ; mais pour l’instant, ils étaient engagés dans une mission en Galilée du Sud, et ils devaient s’en tenir à ces limites. Ils ne devaient pas partir parmi les Gentils ni même visiter une ville de Samarie, comme ils auraient pu le faire facilement, car la frontière samaritaine se trouvait à moins de seize kilomètres au sud, et la perspective lointaine du mont Garizim leur rappellerait comment le Maître avait été accueilli à Sychar au début de son ministère. Pour l’instant, leur préoccupation portait sur ces pauvres « brebis perdues de la maison d’Israël » en Galilée du Sud.
C’était une entreprise difficile et périlleuse, exigeant foi et courage. Malgré leur pauvreté matérielle, ils devaient s’attendre à des difficultés ; et, se souvenant de leur expérience à Nazareth, ils devaient compter [ p. 164 ] sur l’hostilité. Mais leur message leur gagnerait sûrement des amis ; et au pire, ils avaient ceci pour les réconforter : ils ne faisaient que partager le sort de leur Maître, et Dieu était avec eux, le Père qui a observé la chute d’un moineau et compté jusqu’aux cheveux de leur tête.
Ils s’en allèrent chacun de leur côté, et le Seigneur suivit le sien. Il n’existe aucun récit précis de ses faits et gestes ultérieurs, car les Douze n’étaient pas avec lui pour le voir, l’entendre et le raconter ensuite ; mais les femmes étaient avec lui, et saint Luc a conservé un incident touchant qui les a particulièrement touchés et que l’évangéliste païen, avec son intérêt caractéristique pour les femmes méprisées, a peut-être appris dans leur entourage. De toute évidence, un certain temps s’était écoulé depuis que le Seigneur avait gagné de nouveaux disciples. Accompagné de ces femmes et de ces femmes, et suivi d’une foule curieuse, il s’approcha de la ville de Naïn, à environ dix kilomètres au sud-est de Nazareth. Le lieu de sépulture, où subsistent encore ses ruines, se trouvait à huit stades de la ville, à l’est, et il rencontra un cortège funèbre en chemin. C’était un spectacle lugubre. Le défunt était un jeune garçon, fils unique d’une veuve, et les habitants étaient nombreux à venir témoigner leur sympathie. Selon la coutume juive, le cortège était mené par les femmes endeuillées, car c’est par la femme que la mort était entrée dans le monde ; et parmi elles, la mère en pleurs était remarquable. Sa douleur toucha le cœur du Seigneur. « Ne pleure pas », lui dit-il ; et, s’avançant vers le cercueil, il posa une main dessus pour l’arrêter. Les porteurs s’arrêtèrent. « Mon garçon », dit-il, « réveille-toi » ; et le garçon se redressa et, comme quelqu’un qui sort subitement de [ p. 165 ] son sommeil, poussa un cri de surprise jusqu’à ce qu’il soit réduit au silence par l’étreinte de sa mère. Les spectateurs étaient saisis d’effroi. Ils se souvenaient du miracle similaire qu’Élisée avait accompli autrefois dans le village voisin de Sunem (cf. 2 Rois iv-8-37). « Un grand prophète », dit l’un d’eux, « a été suscité parmi nous. » « Dieu », dit un autre, « a visité son peuple. »
La merveilleuse histoire se répandit. Elle se répandit jusqu’en Judée et dans ses environs ; et elle parvint aux oreilles de Jean-Baptiste dans son cachot du château de Machaerus, où il était prisonnier depuis son arrestation à Dinon par Hérode Antipas, au début du ministère galiléen de notre Seigneur. Son seul réconfort durant tout ce lamentable séjour fut que ses disciples eurent accès à lui. Son intérêt suprême était le progrès du Royaume qu’il avait annoncé et les actions de Celui qu’il avait acclamé à Béthabara comme le Sauveur promis ; et ses disciples l’avaient tenu informé des « œuvres du Messie » (cf. Mt. 11-2). Les nouvelles qui lui parvenaient de temps à autre le laissaient perplexe. Les œuvres du Seigneur étaient certes gracieuses et merveilleuses, mais elles n’étaient pas le genre d’œuvres qu’il attendait du Messie. À quoi s’attendait-il ? Bien qu’il se soit élevé au-dessus de l’idéal séculier de ses contemporains juifs, son idéal restait loin de la vérité. Français Il a dépeint le Messie comme un réformateur sévère, hache et van à la main, abattant les iniquités et séparant l’ivraie du bon grain, et en même temps comme « l’Agneau de Dieu » (Cf. Mt. iii. 10-12) versant son sang en sacrifice substitutif pour le péché du monde (cf. jo. i. 29,36). Et c’est là que résidait la raison de sa perplexité : Jésus ne jouait [ p. 166 ] aucun de ces deux rôles. Il n’était pas un réformateur sévère, « luttant, criant et élevant la voix dans la rue » (Mt. xii. 19), mais un enseignant gracieux, parlant du Père céleste, de son amour et de sa miséricorde. Il n’avait pas encore suivi le chemin du martyr. Il avait certes encouru l’inimitié des dirigeants, mais il demeurait un héros populaire, suivi par des foules enthousiastes et acclamant. Jean pensait que les « œuvres du Messie » étaient bien différentes ; et se pouvait-il, se demandait-il, qu’il ait commis une erreur de jugement à Béthabara ?
Il envoya donc deux de ses disciples de Machérus pour s’entretenir avec Jésus et lui demander sa décision. Ils le trouvèrent occupé avec la foule et posèrent la question de leur maître : « Es-tu celui qui doit venir ? ou devons-nous en attendre un autre ? » Il ne daigna pas répondre immédiatement, mais continua son œuvre, guérissant les malades qui l’entouraient. Puis il se tourna vers les gardes : « Allez, dit-il, et rapportez à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles recouvrent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et l’Évangile est annoncé aux pauvres. Heureux l’homme pour qui je ne suis pas une occasion de chute ! »
C’était une réponse vraiment gracieuse et efficace. S’il avait prononcé un verdict autoritaire, affirmant catégoriquement sa messianité, Jean l’aurait peut-être accepté, mais ses doutes auraient persisté. Il choisit une meilleure voie. Il illustra ses œuvres et demanda à Jean d’en juger et d’en déterminer la signification. Qu’elles aient ou non répondu à ses attentes, n’étaient-elles pas indubitablement « les œuvres du [ p. 167 ] Messie » – des œuvres que seul le Messie pouvait accomplir ? Et c’était alors certainement son attente qui était en cause, et il lui convenait de rejeter ses préjugés et d’accepter la vérité plus vaste et plus noble.
La foule avait observé l’entretien avec un vif intérêt ; et elle était disposée à juger sévèrement le Baptiste, imputant ses doutes au découragement. Sa longue incarcération, pensaient-ils, avait brisé son moral ; et la sévérité apparente du Seigneur encourageait leur opinion. Il connaissait leur pensée, et à peine les députés furent-ils partis qu’il la réprimanda et prononça un éloge généreux de cette grande âme. Qui, ayant vu Jean et l’ayant entendu à Béthabara, si résolu, si intrépide, si austère, aurait pu croire qu’il fléchissait maintenant, s’inclinant, tel le roseau de la fable, devant le vent, ou, sous la pression de la violence, cédant comme un courtisan souple au regard renfrogné du tyran ? C’était bien un prophète et, de par le rôle qu’il avait joué, le plus grand de tous les prophètes, puisqu’il était ce messager promis autrefois (cf. Mal. v. 5-6), l’Élie réincarné de l’attente juive qui annoncerait la venue du Messie et préparerait son chemin devant lui.
C’était là la distinction unique de Jean-Baptiste : en tant que héraut du Messie, il avait inauguré le Royaume des Cieux. L’ère de la Loi et des Prophètes avait perduré jusqu’à son époque, et il avait inauguré l’ère de l’Évangile. Et c’est ici que ses limites apparurent. Il avait porté dans l’ère nouvelle l’esprit de l’ancien : cet esprit de violence qui animait le peuple juif à cette époque et qui s’exprimait dans son idéal séculier du Messie comme roi victorieux et de son Royaume comme l’ancien royaume de David [ p. 168 ] restauré dans plus que sa gloire d’antan, et plus fortement encore dans la propagande révolutionnaire des Zélotes désespérés. Cela animait même les disciples du Seigneur qui, comme leurs contemporains, attendaient la restauration du royaume d’Israël et s’inquiétaient, avec une impatience toujours croissante, de sa procrastination, selon eux, à se dépouiller de son déguisement et à se manifester au monde dans sa véritable majesté. Jean avait encouragé cet idéal en annonçant le Messie comme un réformateur indigné, la hache à la main ; et sa prédication avait stimulé l’esprit de violence. « Depuis son époque, le Royaume des cieux est pris d’assaut et pillé. »
La déclaration du Seigneur fut mal accueillie. La multitude fut certes satisfaite de son éloge du Baptiste qui avait tant ému leurs âmes aux jours fastes de son ministère à Béthabara et à Énon ; mais les scribes inquisiteurs en furent irrités, se souvenant de leur ancienne querelle avec le prophète sévère. Et même la multitude lui en voulait de l’austérité de ses exigences, et elle fut offensée, de plus, par la condamnation par le Seigneur de leur idéal messianique. Ils se mirent à discuter, et Il leur répondit par une raillerie bienveillante. N’étaient-ils pas une génération déraisonnable ? Impossible de leur plaire. Jean était venu parmi eux, ascète austère, exigeant repentance et jeûne, et ils l’avaient déclaré fou – possédé par un esprit de mélancolie. Puis Il vint, le Fils de l’Homme bienveillant, non seulement compatissant à leurs peines, mais partageant leurs joies, un invité heureux à leurs mariages et à leurs banquets ; et sa bonhomie les offensait : ils l’appelaient « glouton » [ p. 169 ] et « buveur de vin », « ami des publicains et des pécheurs ». Vraiment, c’était une génération déraisonnable. Ils étaient comme des enfants jouant sur la place du marché et se disputant leurs jeux. Une troupe voulait jouer à un mariage, et une autre préférait jouer à un enterrement. « Nous vous avons joué de la flûte », s’écria l’une, « et vous n’avez pas dansé. » « Nous nous sommes lamentés », s’écria l’autre, « et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine. »
Il serait agréable de penser que le Baptiste reçut la réponse du Seigneur à son appel, mais c’est douteux. Car juste à ce moment-là, peut-être avant que ses messagers n’atteignent Machcérus, sa vie courageuse prit fin cruellement. Hérodiade, avec la vindicte d’une femme, avait soif du sang du prophète intrépide qui avait dénoncé son union honteuse avec Hérode Antipas ; mais le tétrarque fut si impressionné par son caractère qu’il avait jusque-là résisté à ses importunités. Elle finit par obtenir gain de cause par une ruse astucieuse. Antipas célébrait son anniversaire par un banquet d’apparat dans son magnifique château de Machérus, et elle ourdit un complot avec la fille qu’elle avait eue de Philippe, son mari abandonné. Le nom de la jeune fille, comme le mentionne l’historien juif, était Salomé ; au cours des festivités, elle entra dans la salle du banquet sous les traits d’une danseuse. Sa prestation ravit l’assemblée, et l’hôte larmoyant, qui, bien que petit vassal de la Rome impériale, imitait la dignité royale, s’engagea, tel un potentat oriental, à accorder à C f. Esth. toute faveur qu’elle pourrait lui proposer. Elle se hâta de consulter sa mère, puis revint et fit sa demande. « Je désire, dit-elle, que vous me donniez immédiatement sur un tranchoir la tête de Jean-Baptiste. »
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Cette atroce requête calma Antipas, qui aurait volontiers refusé. Mais il n’osa pas, car un serment était inviolable ; il envoya donc un officier de sa garde du corps pour cette mission sinistre. Le tranchoir arriva aussitôt avec son horrible fardeau, et la jeune fille le porta à sa mère enceinte. Celle-ci, raconte-t-on, imitant la vengeance diabolique que Fulvia avait exercée sur le défunt Cicéron, transperça d’un poinçon la langue muette qui avait condamné son iniquité.
Les disciples de Jean-Baptiste prirent possession du corps mutilé de leur maître et lui offrirent une sépulture respectueuse. La tradition raconte qu’ils le transportèrent à Sébaste, l’ancienne cité de Samarie ; ce qui est fort probable, car Sébaste était proche d’Énon, le théâtre de son dernier ministère, et il était plus approprié que sa dépouille mortelle repose sur le sol impie de Samarie que sur le territoire hostile du tyran. Sébaste n’était pas loin de la frontière sud de la Galilée, et après avoir accompli leur funeste office, ils cherchèrent le Seigneur et lui racontèrent l’histoire tragique. Il n’aurait alors guère le courage de poursuivre sa mission, et de toute façon, celle-ci touchait à sa fin. Capharnaüm était le lieu de rendez-vous où les apôtres dispersés devaient se rassembler, et c’est là qu’il se rendit.