[ p. 325 ]
LA SEMAINE DE LA PASSION
SON ENTRÉE À JÉRUSALEM
Jo. XII. 9-19 ; Mt. XXI. je-li ; Marc. XI. 1-11 ; Luc XIX. 29-44. Marc. XII. 41-44 ; Luc XXI. 1-4.
Pendant ce temps, que se passait-il à Jérusalem ? Il était de coutume pour les Hellénistes – Juifs résidant à l’étranger dans des pays païens – d’arriver tôt afin d’avoir le temps, avant le début de la Fête, de se purifier rituellement des souillures des relations païennes. De ce fait, la ville était déjà bondée de fidèles venus de loin. Ils avaient entendu parler du prophète galiléen, et ce qu’ils apprirent à leur arrivée aiguisa leur intérêt. Ils étaient impatients de le voir et de l’entendre, mais face à l’hostilité des dirigeants, il était douteux qu’il oserait apparaître, et la question était sur toutes les lèvres : « Que pensez-vous ? Qu’il ne vienne pas à la Fête ? » (Cf. Jn 11, 55-57). Leur intérêt pour Jésus était à peine moindre que celui pour Lazare, l’homme qu’il avait ressuscité des morts ; et, au grand dam des dirigeants, ils se rendirent à Béthanie pour l’observer. Finalement, on annonça l’approche de Jésus. Apprenant son arrivée à Béthanie, ils s’y rendirent en foule et nombre d’entre eux confessèrent leur foi. Les grands prêtres furent si exaspérés qu’ils complétèrent aussitôt leur décret ordonnant l’arrestation de Jésus par la résolution de mettre également à mort Lazare. La nouvelle parvint à ses oreilles, et comme aucun d’eux ne [ p. 326 ] figure dans le récit qui suit, il semble que lui et sa sœur Marthe prirent la fuite après le spectacle public. Marie, cependant, par dévotion au Maître, resta là, non seulement près de sa croix et participa à son enterrement, mais eut aussi le privilège de le voir pour la première fois après sa Résurrection.
Il aurait été périlleux pour notre Seigneur de braver l’hostilité des dirigeants en entrant dans la ville sans autre suite que sa faible troupe de disciples ; et l’intérêt populaire manifesté à son arrivée à Béthanie ce dimanche soir-là lui suggéra une procédure qui non seulement le protégerait d’une agression immédiate, mais lui offrirait l’occasion d’un appel final et singulièrement impressionnant à la ville bondée. Une ancienne prophétie prévoyait l’entrée du Messie, le roi d’Israël, dans sa capitale sacrée : « Réjouis-toi, fille de Sion ! Pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi. Juste et victorieux, il est doux et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » (Zacharie IX, 9). Observez l’imagerie. Le Messie est représenté non pas sur un cheval, que les Juifs ne connaissaient que comme un destrier de guerre, mais sur un âne, qui n’était pas chez eux, comme chez les Grecs et les Romains, un animal méprisé mais une belle créature, hautement estimée et montée par les princes en mission pacifique. Ainsi, lorsque le prophète a dépeint le Messie monté sur un âne (cf. Nomb. XIX. 2 ; 1 Sam. VI. 7 ; 2 Sam. VI. 3), et sur un ânon jusqu’alors non monté et donc propre à un usage sacré, il l’a proclamé comme le saint et gracieux Prince de la Paix. C’était une autre sorte de Messie que les Juifs [ p. 326 ] attendaient ; et à cette époque, il y avait beaucoup de discussions parmi les rabbins sur la manière dont la prophétie pouvait s’accorder avec leur rêve habituel d’un Messie « venant sur les nuées du ciel », un puissant Conquérant. (cf. Dan. vii. 13)
Ce passage ancien étant si familier et présentant en même temps l’idéal spirituel du Messie qu’il s’était efforcé sans succès de promouvoir, notre Seigneur pensa qu’il le mettrait en pratique selon le mode théâtral qui sied à l’esprit oriental. Probablement au cours de la soirée, il s’arrangea en privé avec un disciple résidant à Bethphagé, un village voisin sur la crête du Mont des Oliviers, à peine à un kilomètre et demi au nord-ouest de Béthanie, pour qu’il fasse attacher un âne le lendemain matin à sa porte, près du carrefour, juste à l’extérieur du village. Deux des Douze viendraient le chercher et, pour éviter toute erreur, on leur fournirait un mot de passe : « Le Seigneur en a besoin. »
Le lendemain matin, Il envoya les deux hommes. Ils trouvèrent l’ânesse et, tandis qu’ils la détachaient, on leur demanda : « Que faites-vous ? Détachez l’ânon ? » Ils donnèrent le mot de passe et prirent la bête. Ils l’emmenèrent à Béthanie, où les disciples étendirent un manteau sur son dos et montèrent sur le Maître. La scène fut vue par une multitude de spectateurs, non seulement les habitants de Béthanie et des environs, mais aussi d’autres, plus nombreux, venus de Jérusalem ; et ils en comprirent le sens. Ils coupèrent des branches des palmiers qui bordaient la route de la ville, la tapissèrent de leurs vêtements et la parsemèrent de fleurs à la manière d’une marche royale (cf. 2 Rois 9.13) ; [ p. 328 ] et tandis que le Seigneur avançait, ils se formèrent en procession, chantant des psaumes triomphaux. « Hosanna ! » crièrent-ils. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le Roi d’Israël ! Béni soit le Royaume à venir de notre père David ! Hosanna au plus haut des cieux ! (Cf. Psaumes cxviii. 25,26, cxlviii. 1)
La curiosité avait amené des pharisiens de Jérusalem. Irrités par l’enthousiasme populaire, ils adressèrent des remontrances au Seigneur. « Maître, dirent-ils, reprends tes disciples. » « Je vous le dis, répondit-il, s’ils se taisent, les pierres crieront. »
Quittant Béthanie, ils franchirent la crête du Mont des Oliviers et descendirent la montagne en serpentant. De l’autre côté du ravin du Cédron, la ville, sacrée et chère à chaque cœur juif, se dressait paisible et belle dans la lumière de ce matin d’avril. Alors que le Seigneur la contemplait et pensait au désastre que son rêve fou de délivrance du joug romain précipiterait inévitablement et qui aurait sûrement été évité si elle avait reconnu en Lui son Sauveur promis, des larmes emplirent Ses yeux et une lamentation s’échappa de Ses lèvres : « Oh ! si tu avais reconnu en ce jour les choses qui mènent à la paix ! Or, elles sont cachées à tes yeux. Des jours viendront où tes ennemis te creuseront un fossé, t’encercleront et t’encercleront de toutes parts, tout cela parce que tu n’as pas reconnu le temps de ta visitation. »
Après avoir traversé le Cédron, le cortège franchit la porte de la ville. Les citoyens, émerveillés, se rassemblèrent pour voir ce qui se passait et rejoignirent le cortège. Tandis [ p. 329 ] qu’ils avançaient à toute vitesse, les rues tremblèrent sous leurs pas et résonnèrent de leurs cris, jusqu’à ce que, dit l’évangéliste, « toute la ville trembla » (Mt. 21, 10). Ce fut, comme le mot l’indique, comme secoué par un tremblement de terre. Ainsi escorté, le Seigneur se dirigea vers le Temple et, pénétrant dans son enceinte silencieuse, échappa à la clameur. Il serait heureux d’un moment de repos, car la scène qu’il avait jouée ne lui plairait guère. N’avait-il pas été écrit de lui autrefois qu’il « ne crierait pas, n’élèverait pas la voix, ne ferait pas entendre sa voix dans les rues » ? (Is. XLII. 2 ; cf. Mt. XII. 19) Son entrée n’avait pas été pour lui un triomphe, mais une dure épreuve, et il l’avait soutenue non pas pour son propre agrandissement, mais avec un but gracieux, afin de ne laisser aucun moyen non essayé pour gagner la ville obstinée.
Maintenant que tout était terminé, il était heureux de se reposer ; et, épuisé de chair et d’esprit, il ne se livra ce jour-là à aucune de ses activités habituelles d’enseignement et de guérison. Il est écrit qu’il « observa toute la scène » (Mc 11, 11) ; et c’est probablement pendant qu’il était ainsi occupé qu’un incident se produisit qui attira son attention et suscita de sa part un commentaire bienveillant. Il était assis dans ce coin familier et retiré de la cour du Temple, près du Trésor (cf. Jn 8, 20), observant les fidèles passer et faire leurs offrandes. Les riches passaient et versaient ostensiblement les généreuses contributions qu’ils pouvaient si facilement se permettre (cf. Mt. 6, 2) ; et il n’avait aucun éloge à leur égard. Mais bientôt une fidèle d’un autre genre s’avança timidement : une pauvre femme, qu’il connaissait manifestement. C’était une veuve, et il se peut qu’il l’ait rencontrée [ p. 330 ] et consolait sa douleur lors de son récent ministère en ville. Et maintenant, elle était venue avec une offrande de remerciement. Aux yeux du monde, c’était en effet un bien piètre don : seulement deux lepta. Un lepton, comme notre obole, était la plus petite des pièces de cuivre. C’était, comme l’explique l’évangéliste, la moitié d’un quadran ou d’un farthing ; et comme il fallait soixante-quatre quadrantes pour faire un denier d’argent, ce qui représentait une journée de salaire à cette époque, c’était en effet une bien piètre offrande que la veuve apportait. Mais c’était tout ce qu’elle avait, et lorsqu’elle l’eut donné, sa main était vide. Peu aux yeux du monde, c’était beaucoup pour elle, et c’était beaucoup aux yeux du Seigneur. Il ne voyait pas le pauvre don, mais le sacrifice qu’il impliquait et l’amour qu’il exprimait. « En vérité, je vous le dis », dit-il à ses disciples, « cette pauvre veuve a donné plus que tous les donateurs au trésor. Car tous ont donné ce qu’ils pouvaient bien épargner, tandis qu’elle a donné ce qu’elle pouvait difficilement se permettre : tout ce qu’elle possédait, tout son gagne-pain. »
Ainsi, il « examinait la scène » dans la cour du Temple, puis il se rendait dans la ville. Il revisitait les scènes de son ministère précédent et saluait ses amis ; et le soir, il quittait Jérusalem et « sortait pour Béthanie avec les Douze ». Il ne s’agit pas ici du village de Béthanie. La Ville sainte, « le lieu que le Seigneur avait choisi pour y faire résider son nom » (Dt. xvi. 1-8), était le théâtre de la célébration pascale. C’est là, sur l’autel, dans la cour du Temple, que l’agneau devait être immolé, et c’est là aussi, à l’intérieur des murs de la ville, que le pain sans levain devait être cuit ; mais comme l’espace était insuffisant dans l’étroite enceinte pour la multitude des fidèles, beaucoup furent obligés de [ p. 331 ] logeait à l’extérieur, et afin que la Loi soit observée, tout le versant occidental du Mont des Oliviers jusqu’à Bethphagé était considéré comme à l’intérieur des murs de la ville et portait le nom de Béthanie. Il aurait été tout naturel que le Seigneur loge avec ses amis dans le village voisin de Béthanie, mais si Lazare et Marthe en avaient été chassés par la menace de la colère des chefs, leur demeure hospitalière ne lui était plus ouverte ; et les évangélistes nous ont raconté ce qu’il faisait pendant la semaine de la Passion. « Chaque jour », dit saint Luc, « il enseignait au Temple, et chaque nuit il sortait bivouaquer sur le mont des Oliviers. » (XXI. 37 ; XXI. 17). Et saint Matthieu veut dire exactement la même chose lorsqu’il dit : « Il sortit de la ville pour se rendre à Béthanie, et y bivouaqua. » (Mt. xxvi. 36; Mc. xiv. 32; Lc. xxii. 39; Jn. xviii. 2) Sa retraite était un verger d’oliviers appelé Gethsémani ou le Pressoir à huile; et dans ce climat chaud, ce n’était pas une difficulté ni une expérience rare pour Lui et Ses disciples de passer la nuit enveloppés dans leurs manteaux sous les arbres feuillus.