© 2011 Halbert Katzen J.D.
Interpréter un travail écrit avec une attitude mature et positive est particulièrement crucial pour les sujets controversés et complexes. Dans Le Livre d’Urantia, cette question est directement abordée dans une section intitulée La Règle de Vie :
Le soir de ce même jour de sabbat, à Béthanie, tandis que Jésus, les douze et un groupe de croyants étaient réunis autour du feu dans le jardin de Lazare, Nathanael posa à Jésus la question suivante : « Maitre, bien que tu nous aies appris la version positive de l’ancienne règle de vie nous commandant de faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils nous fassent, je ne vois pas très bien comment nous pouvons toujours obéir à une telle injonction. Permets-moi d’illustrer ma question en citant l’exemple d’un homme sensuel qui regarde, avec lubricité, la partenaire qu’il a l’intention d’associer à son péché. Comment pouvons-nous enseigner que cet homme mal intentionné devrait faire aux autres ce qu’il voudrait qu’on lui fasse ? »
Lorsque Jésus entendit la question de Nathanael, il se leva immédiatement, montra l’apôtre du doigt et dit : « Nathanael, Nathanael ! Quelles tournures de pensées entretiens-tu dans ton cœur ? Ne reçois-tu pas mes enseignements comme un homme né de l’esprit ? N’entendez-vous pas la vérité comme des hommes sages et spirituellement intelligents ? Quand je vous ai recommandé de faire à autrui ce que vous voudriez que l’on vous fasse, je parlais à des hommes ayant un idéal élevé, et non à ceux qui seraient tentés de déformer mon enseignement et de le transformer en licence pour encourager les mauvaises actions. »
Quand le Maitre eut ainsi parlé, Nathanael se leva et dit : « Maitre, il ne faut pas croire que j’approuve une telle interprétation de ton enseignement. J’ai posé cette question parce que j’ai supposé que beaucoup d’hommes de ce genre pourraient méjuger ainsi tes recommandations, et j’espérais que tu complèterais tes instructions sur ce point. » Après que Nathanael se fut rassis, Jésus poursuivit : « Je sais bien, Nathanael, que ton mental n’approuve aucune mauvaise idée de cette sorte, mais je suis déçu de voir que trop souvent vous n’arrivez pas à donner une interprétation purement spirituelle à mes enseignements courants, instructions que je dois vous donner en langage humain et à la façon dont les hommes doivent parler. Laissez-moi maintenant vous apprendre les divers niveaux de signification attachés à l’interprétation de cette règle de vie, à cette recommandation de ‘faire aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fassent’ :
« 1.Le niveau charnel. Cette interprétation purement égoïste et lascive trouve un bon exemple dans l’hypothèse de ta question.
« 2.Le niveau sentimental. Ce plan se situe immédiatement au-dessus de celui de la chair ; il implique que la sympathie et la pitié rehaussent votre interprétation de cette règle de vie.
« 3.Le niveau mental. La raison du mental et l’intelligence de l’expérience entrent maintenant en jeu. Un bon jugement dicte qu’une telle règle de vie devrait être interprétée en harmonie avec l’idéalisme le plus élevé concrétisé dans la noblesse d’un profond respect de soi.
« 4.Le niveau de l’amour fraternel. En s’élevant encore, on découvre le niveau de dévouement désintéressé au bienêtre de ses semblables. Ce plan supérieur de service social sincère est issu de la conscience de la paternité de Dieu et de la récognition corolaire de la fraternité des hommes. On y découvre une interprétation nouvelle et beaucoup plus belle de cette règle de vie fondamentale.
« 5.Le niveau moral. Ensuite, quand vous atteindrez de véritables niveaux philosophiques d’interprétation, quand vous apercevrez réellement et clairement ce qui est bien et mal dans les évènements, quand vous percevrez l’éternel à-propos des relations humaines, vous commencerez à considérer un tel problème d’interprétation comme vous imagineriez qu’une tierce personne de haut niveau mental, idéaliste, sage et impartiale considèrerait et interprèterait une telle injonction appliquée à vos problèmes personnels d’ajustement aux circonstances de la vie.
« 6.Le niveau spirituel. En dernier lieu, nous atteignons le niveau de clairvoyance d’esprit et d’interprétation spirituelle, le plus élevé de tous. Il nous pousse à reconnaitre, dans cette règle de vie, le divin commandement de traiter tous les hommes comme nous concevrions que Dieu les traiterait. Tel est l’idéal universel des relations humaines, et telle est aussi votre attitude envers tous ces problèmes quand votre suprême désir est de toujours faire la volonté du Père. Je voudrais donc que vous fassiez à tous les hommes ce que vous savez que je ferais pour eux dans des circonstances semblables. »
Rien de ce que Jésus avait dit jusqu’à ce jour aux apôtres ne les avait jamais étonnés davantage. Ils continuèrent à discuter les paroles du Maitre bien après qu’il se fut retiré. Nathanael mit du temps à se remettre de l’hypothèse que Jésus avait mal interprété l’esprit de sa question ; mais les autres furent plus que reconnaissants à leur collègue philosophe d’avoir eu le courage de poser une question incitant pareillement à réfléchir.[1]
Le Livre d’Urantia encourage l’adoption d’un modèle moral qui a gagné une acceptation quasi universelle parmi les dirigeants religieux et les laïcs humanitaires, de la même manière : traiter les gens comme des membres de la famille.
Les familles humaines doivent équilibrer les intérêts collectifs et individuels. Les parents sages et aimants accordent la priorité aux intérêts collectifs plutôt qu’aux intérêts individuels dans l’exercice de leurs responsabilités familiales. De même, en tant que citoyens responsables et dirigeants civils, nous devons également accorder la priorité aux intérêts collectifs plutôt qu’aux intérêts individuels. Tout comme les familles doivent être respectées pour avoir trouvé cet équilibre de diverses manières, au niveau macro, nous devons également respecter le fait que des personnes raisonnables diffèrent sur la façon de trouver un équilibre entre nos intérêts collectifs et individuels prioritaires, mais toujours concurrents.
Le Livre d’Urantia ne peut rien faire de plus, en ce qui concerne l’eugénisme et la race, que d’exiger les normes morales et éthiques les plus élevées. Et c’est exactement ce qu’il fait en plaçant toute la discussion dans le contexte des relations familiales :
Du point de vue d’une civilisation en progrès, la filiation dans le royaume céleste devrait vous aider à devenir les citoyens idéaux des royaumes de ce monde, car la fraternité et le service sont les pierres angulaires de l’évangile du royaume. L’appel d’amour du royaume spirituel devrait se révéler comme étant le destructeur effectif de la pulsion de haine des citoyens incroyants et belliqueux des royaumes terrestres. Mais ces fils matérialistes, vivant dans les ténèbres, n’auront jamais connaissance de votre lumière spirituelle de vérité, à moins que vous ne les approchiez de très près, grâce au service social désintéressé qui résulte naturellement des fruits de l’esprit produits au cours de l’expérience de la vie de chaque croyant pris individuellement.
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Vous devriez devenir de bien meilleurs citoyens d’une nation laïque en raison du fait que vous devenez des fils plus éclairés du royaume. De même, les chefs des gouvernements terrestres dirigeraient bien mieux les affaires civiles en raison du fait qu’ils croient à cet évangile du royaume des cieux. L’attitude consistant à servir l’homme avec désintéressement et à adorer Dieu intelligemment devrait faire de tous les croyants au royaume de meilleurs citoyens du monde, tandis que l’attitude consistant à être un citoyen honnête et à se dévouer sincèrement à son devoir terrestre devrait aider à rendre de tels citoyens d’autant plus accessibles à l’appel de l’esprit à la filiation dans le royaume céleste.
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Quand un croyant du royaume est appelé à servir le gouvernement civil, qu’il exécute son service en tant que citoyen temporel de ce gouvernement ; toutefois, ce croyant devrait déployer, dans son service civil, toutes les qualités ordinaires d’un citoyen, rehaussées par l’éclairement spirituel résultant de l’association ennoblissante de son mental humain avec l’esprit intérieur du Dieu éternel. Si les incroyants peuvent se qualifier comme fonctionnaires supérieurs, vous devriez examiner sérieusement si les racines de la vérité dans votre cœur ne sont pas desséchées, faute de tremper dans les eaux vivantes de la communion spirituelle conjuguée avec le service de la société. La conscience de la filiation avec Dieu devrait animer toute la vie de service de chaque homme, de chaque femme et de chaque enfant devenu possesseur de ce puissant stimulant des pouvoirs inhérents à la personnalité humaine.[2]
Les principes employés pour équilibrer judicieusement les intérêts du groupe, du sous-groupe et de l’individu sont fondamentalement les mêmes au niveau micro qu’au niveau macro, pour les membres de la famille et pour les citoyens, pour les parents et pour les dirigeants civils.
Concernant le rôle des religions et des religieux dans la politique et la culture, Le Livre d’Urantia enseigne :
Il faut que les religionistes travaillent dans la société, dans l’industrie et dans la politique en tant qu’individus, et non en tant que groupes, partis ou institutions. Un groupe religieux qui se permet d’agir comme tel en dehors de ses activités religieuses devient immédiatement un parti politique, une organisation économique ou une institution sociale. Le collectivisme religieux doit limiter ses efforts à promouvoir des causes religieuses.
Les religionistes n’ont pas plus de valeur que les non-religieux dans les tâches de reconstruction sociale, sauf dans la mesure où leur religion leur a conféré une plus grande clairvoyance cosmique et les a doués d’une sagesse sociale supérieure née du sincère désir d’aimer Dieu suprêmement et d’aimer tous les hommes comme des frères dans le royaume des cieux. L’ordre social idéal est celui où chaque homme aime son voisin comme il s’aime lui-même. [3]
Le religioniste n’est ni indifférent aux souffrances sociales, ni inattentif aux injustices civiles, ni isolé de la pensée économique, ni insensible à la tyrannie politique. La religion influence directement la reconstruction sociale, parce qu’elle spiritualise et idéalise chaque citoyen individuellement. Indirectement, la civilisation culturelle est influencée par l’attitude de ces religionistes individuels à mesure qu’ils deviennent membres actifs et influents de divers groupes sociaux, moraux, économiques et politiques.
Atteindre une haute civilisation culturelle exige, en premier lieu, le type idéal de citoyen et, ensuite, des mécanismes sociaux idéaux et adéquats permettant à cette citoyenneté de contrôler les institutions économiques et politiques de cette société humaine évoluée.
Par suite d’un excès de fausse sentimentalité, l’Église a longtemps apporté son ministère aux défavorisés et aux malheureux, et ceci était tout à fait bien, mais cette même sentimentalité a conduit à perpétuer imprudemment des lignées racialement dégénérées qui ont formidablement retardé le progrès de la civilisation.
Beaucoup de reconstructeurs sociaux individuels, tout en répudiant avec véhémence la religion institutionnelle, sont, après tout, des religieux zélés dans la propagation de leurs réformes sociales. C’est ainsi qu’une motivation religieuse personnelle et plus ou moins reconnue joue un grand rôle dans le programme de reconstruction sociale de nos jours.
La grande faiblesse de tous ces types d’activités religieuses méconnues et inconscientes réside dans leur incapacité de bénéficier de la critique religieuse ouverte et d’atteindre, par ce moyen, des niveaux profitables d’autocorrection. Il est de fait que la religion ne se développe que si elle est disciplinée par une critique constructive, amplifiée par la philosophie, purifiée par la science et nourrie par une loyale camaraderie.. (souligné par nous)
La religion est toujours menacée par le grand danger de se déformer et de se corrompre en poursuivant des buts erronés, comme c’est le cas en temps de guerre, où chaque nation en lutte prostitue sa religion pour la transformer en propagande militaire. Le zèle sans amour est toujours nuisible à la religion, et les persécutions détournent les activités religieuses vers l’accomplissement de quelque poussée sociologique ou théologique.
La religion ne peut rester libre d’alliances séculières profanes que par les moyens suivants :
Une philosophie corrective par la critique.
L’indépendance de toute alliance sociale, économique et politique.
Des communautés créatives, rassurantes et développant l’amour.
L’épanouissement progressif de la clairvoyance spirituelle et l’appréciation des valeurs cosmiques.
La prévention du fanatisme compensée par une attitude mentale scientifique.
En tant que groupe, les religionistes ne doivent jamais s’occuper d’autre chose que de religion, bien qu’à titre individuel, n’importe lequel d’entre eux puisse devenir le chef éminent d’un mouvement de reconstruction sociale, économique ou politique.
Le rôle de la religion est de créer, de soutenir et d’inspirer chez chaque citoyen la loyauté cosmique qui l’orientera vers la réussite dans le progrès de tous ces services sociaux difficiles, mais souhaitables.[4]
L’Église institutionnalisée peut donner l’apparence d’avoir servi la société dans le passé en glorifiant l’ordre politique et économique établi, mais, si elle veut survivre, elle doit cesser rapidement toute activité de ce genre. Sa seule attitude convenable consiste à enseigner la non-violence, la doctrine de l’évolution paisible, au lieu de la révolution violente — paix sur terre et bonne volonté parmi les hommes. [5]
Mais la religion ne devrait s’occuper directement ni de créer de nouveaux ordres sociaux, ni de préserver les anciens. La vraie religion s’oppose en fait à la violence comme technique d’évolution sociale, mais ne s’oppose pas aux efforts intelligents de la société pour adapter ses usages et ajuster ses institutions à des conditions économiques et à des exigences culturelles nouvelles. [6]
En tant que texte qui intègre la théologie, la cosmologie, l’histoire et la philosophie, Le Livre d’Urantia aborde directement le rôle que les institutions religieuses et les individus religieux devraient jouer à l’égard des institutions sociales et politiques. Les principes et valeurs de base qui sont devenus connus sous le nom de « séparation de l’Église et de l’État » sont développés et avancés dans Le Livre d’Urantia. Et les placer dans le contexte plus large du service social et des relations familiales élève encore davantage ces enseignements.
Le mariage, avec les enfants et la vie de famille qui s’ensuit, stimule les plus hauts potentiels de la nature humaine et fournit en même temps le canal idéal pour exprimer ces attributs vivifiés de la personnalité de mortel. La famille assure la perpétuation biologique de l’espèce humaine. Le foyer est le cadre social naturel dans lequel les enfants grandissants peuvent saisir l’éthique de la fraternité du sang. La famille est l’unité fondamentale de fraternité dans laquelle parents et enfants apprennent les leçons de patience, d’altruisme, de tolérance et de longanimité qui sont si essentielles pour réaliser la fraternité entre tous les hommes. [7]
Les parents, parce qu’ils savent qu’ils aiment leurs enfants, peuvent parler ouvertement de la variété des dons et des défis inhérents et environnementaux qui affectent la vie de leurs enfants. Lorsque, en tant que parents sages et aimants, nous parlons des forces et des faiblesses de nos enfants, ce n’est pas un reflet de favoritisme. Considérer ce qui est le mieux pour sa famille collectivement ne signifie pas que nous aimons moins nos enfants en tant qu’individus. De même, les auteurs du Livre d’Urantia et nos dirigeants civils méritent la même considération lorsqu’ils abordent des questions qui sont essentielles à notre bien-être collectif, comme l’eugénisme et la race.
Comme pour les enfants, la culture humaine connaît des étapes de croissance, des étapes qui marquent des tournants et des transitions majeurs. Nous grandissons à la fois individuellement et collectivement ; nos cultures sont aussi diverses dans leurs dispositions et leurs niveaux de maturité que nos enfants. Avoir une opinion sur ce que signifie pour les enfants se développer et progresser au fil du temps est tout aussi important et valable pour les parents dans leur relation avec leurs enfants que pour les citoyens dans leur relation avec l’humanité. Avoir des normes objectives qui s’appliquent également à toute l’humanité est tout aussi important et valable pour nos dirigeants civils que pour les parents.