[ p. 229 ]
Ganamegaya [^1027] dit :
Quelle conversation, ô deux fois né [^1028], ai-je eue entre le noble Kesava et Arguna, alors qu’ils demeuraient dans ce palais [^1029] après avoir tué leurs ennemis ?
Vaisampâyana dit :
Le fils de Prithâ, après avoir pris possession de son royaume dans un état paisible, se réjouit en compagnie de Krishna, plein de joie dans ce palais céleste. Et un jour, ô roi ! ils se rendirent par hasard, entourés de leur peuple et joyeux, dans une certaine partie du palais qui ressemblait au ciel. Alors Arguna, le fils de Priu, ayant contemplé avec joie ce beau palais, en compagnie de Krishna, prononça ces paroles : « Ô toi aux bras puissants ! Ô toi dont la mère est Devakî [^1030] ! lorsque la bataille était sur le point de commencer, je pris conscience de ta grandeur, et de cette divine [ p. 230 ] forme de toi [^1031]. Mais celle, ô Kesava ! que par affection (pour moi) tu m’as expliquée auparavant [1],Tout a disparu, ô homme-tigre ! de mon esprit dégénéré. Pourtant, je ressens sans cesse une certaine curiosité pour ces sujets. Mais (maintenant), ô Mâdhava ! tu te rendras prochainement à Dvârakâ.
Vaisampâyana dit.
Ainsi interpellé, le meilleur des orateurs, Krishna, possédé d’une grande gloire, répondit en ces termes après avoir embrassé Arguna.
Vâsudeva dit :
De moi, ô fils de Prithâ ! tu as entendu un mystère, et tu as appris l’éternel [2] (principe), la piété dans sa forme (véritable), et tous les mondes éternels [3]. Il m’est extrêmement désagréable que tu ne l’aies pas saisi par manque d’intelligence. Et il m’est à nouveau impossible de m’en souvenir. Vraiment, ô fils de Pându ! tu es dépourvu de foi et d’un intellect mauvais. Et, ô Dhanañgaya ! il ne m’est pas possible de répéter intégralement (ce que j’ai dit auparavant). Car cette doctrine était parfaitement adéquate pour comprendre le siège, [4] du Brahman. Il ne m’est pas possible de l’exposer à nouveau intégralement de cette manière. Car alors, accompagné de mon pouvoir mystique [5], je t’ai déclaré le Brahman suprême. Mais je vais vous raconter une histoire ancienne à ce sujet, afin qu’en adhérant à cette connaissance, vous puissiez atteindre le but suprême. Ô meilleur des partisans de la piété ! Écoutez tout ce que je dis. (Un jour), ô toi qui repousses les ennemis ! vint du monde céleste et du monde de Brahman [6], un Brahman difficile à résister [7], et il fut (dûment) honoré par nous. (Maintenant) écoutez, sans aucune hésitation, ô chef des descendants de Bharata ! Ô fils de Prithâ ! ce qu’il dit après avoir été interrogé par nous selon les règles célestes [8].
Le Brahman dit :
Ô Krishna ! Ô destructeur de Madhu ! Je vais t’expliquer avec précision ce que tu m’as demandé, par compassion pour (tous) les êtres [9], concernant les devoirs (à accomplir) pour l’émancipation finale. C’est destructeur de l’illusion, ô Seigneur ! Écoute-moi avec attention [10], tandis que je te le raconte, ô Mâdhava ! Un certain Brâhmanna nommé Kâsyapa, qui avait accompli (beaucoup) de pénitence et qui comprenait le mieux la piété, s’approcha d’un certain deux fois né. (personne) qui avait appris les Écritures relatives à (tous) les devoirs [11], ayant entendu (de lui, comme quelqu’un) qui avait maintes et maintes fois parcouru toute la connaissance et l’expérience sur le va-et-vient [12], qui était bien versé dans la vraie nature de tous les mondes [13], [ p. 232 ] qui connaissait le bonheur et le malheur [14], qui connaissait la vérité sur la naissance et la mort [15], qui était familier avec le mérite et le péché, qui percevait les migrations des âmes incarnées de hauts et de bas degrés en conséquence de leurs actions, qui se déplaçait comme un être émancipé, qui avait atteint la perfection [16], qui était tranquille, dont les sens étaient retenus, qui était illuminé par la splendeur brahmique [17], qui se déplaçait dans toutes les directions, qui comprenait les mouvements cachés [18], qui allait en compagnie de Siddhas invisibles et de chanteurs célestes [19], et qui conversait et s’asseyait avec eux dans des endroits isolés, qui allait comme il lui plaisait, et n’était attaché (nulle part) comme le vent. S’étant approché de lui, cet ascète talentueux, doué de concentration (d’esprit), le meilleur des deux fois nés, désireux d’acquérir la piété, tomba à ses pieds après avoir vu cette grande merveille. Et stupéfait de voir cet homme merveilleux, le meilleur des deux fois nés, Kâsyapa, plut au précepteur par sa grande dévotion. Tout cela était approprié [20], lié à l’étude sacrée et à une conduite correcte. Et, ô terreur de tes ennemis ! il plut à cet (être) par (sa pureté de) cœur et son comportement (convenable) envers un précepteur [21]. Puis, satisfait et content, il adressa ces paroles à l’élève, se référant à la plus haute perfection : Écoute-les de ma part, ô Ganârdana !
Le Siddha dit :
Mortels, ô cher ami [22] ! Par leurs actions mixtes, ou méritoires et pures, ils atteignent ce monde comme but, ou la résidence dans le monde des dieux [23]. Nulle part il n’y a de bonheur éternel ; nulle part de résidence éternelle [24]. Maintes et maintes fois, il y a chute d’une position élevée obtenue avec difficulté. Vaincu par la luxure et la colère, et égaré par le désir, je suis tombé dans des états inconfortables et pénibles, à cause de mes péchés. Encore et encore la mort, et encore et encore la naissance [25]. J’ai mangé de nombreux aliments, tété divers, vu diverses mères et divers pères ; et, ô sans péché ! j’ai vu d’étranges plaisirs et misères. Fréquemment, j’ai souffert de la séparation d’avec ceux que j’aimais, de la compagnie de ceux que je n’aimais pas. La perte de richesses m’est également arrivée, après que je les ai acquises avec difficulté ; j’ai subi des ignominies pleines d’affliction de la part des princes et de mes proches ; des souffrances excessivement poignantes, mentales et physiques. J’ai également subi d’effroyables indignités, des morts et des captivités violentes ; je suis tombé en enfer et j’ai subi des tourments dans la maison de Yama [^1057]. J’ai aussi beaucoup souffert de la vieillesse, de maladies continuelles et de nombreux malheurs découlant des paires d’opposés [26]. Puis, un jour, étant très affligé par la misère, j’ai abandonné toute la vie terrestre, par indifférence (aux objets terrestres), me réfugiant dans le principe informe [27]. Ayant appris ce chemin en ce monde, je m’y suis exercé, et ainsi, par la faveur du Soi [28], j’ai acquis cette perfection [29]. Je ne reviendrai plus ici [30] ; j’examine les mondes et les heureuses migrations [31] de (mon) Soi, depuis la création des êtres jusqu’à (mon atteinte) de la perfection. Ainsi, ô le meilleur des deux fois nés ! ai-je atteint cette perfection suprême. D’ici, je vais au prochain [32] (monde), et de là encore au (monde) supérieur – le siège imperceptible du Brahman. N’en doute pas, ô terreur de tes ennemis [33] ! Je ne reviendrai pas en ce monde mortel. Je suis satisfait de toi, ô toi à la grande intelligence ! Dis, que puis-je faire pour toi ? Le temps est venu pour ce que tu désirais en venant à moi. Je sais pourquoi tu es venu à moi. Mais je vais bientôt partir, c’est pourquoi je vous ai donné [ p. 235 ] ce conseil. Je suis extrêmement satisfait, ô intelligent ! de votre bonne conduite. Posez vos questions sans inquiétude, je vous dirai tout ce que vous désirez. J’estime hautement votre intelligence et la respecte grandement, dans la mesure où vous m’avez fait connaître 1 ; car, ô Kâsyapa ! vous êtes un homme talentueux.
]: 232:8 Voir p. 176 seq. supra.
229:1 Il s’agit du prince auquel le Mahâbhârata, tel que nous le connaissons, est censé avoir été apparenté. ↩︎
229:2 C’est-à-dire Vaisampâyana, qui relie le Mahâbhârata à Ganamegaya. ↩︎
229:3 Il semble que ce soit situé à Indraprastha, et que ce soit celui construit pour les Pândavas par le démon Maya, comme le rapporte le Sabhâ Parvan. ↩︎
229:4 Il s’agit d’une forme d’adresse plutôt inhabituelle. ↩︎
230:1 Cf. Bhagavadgîtâ, chapitres X et XI passim. ↩︎
230:2 C’est-à-dire dans la Bhagavadgîtâ. ↩︎
230:3 Ceci peut aussi être pris avec piété ainsi : « et appris la piété éternelle dans (sa vraie) forme. » ↩︎
230:4 Quant au pluriel, voir Sankara sur Mundaka, p. 320. ↩︎
230:5 Cf. Gîtâ, p. 78. Pour « compréhension » ici, nous pourrions peut-être substituer « atteindre ». Le mot original signifie à la fois compréhension et atteinte. ↩︎
231:1 Cela semble signifier non pas le Brahman Suprême, mais le Créateur. ↩︎
231:3 Je suppose que cela signifie selon les formes appropriées dans le cas d’un être tel que celui en question. Cf. Gîtâ, p. 62, et notez-le ici. ↩︎
231:4 Ce n’est pas facile à comprendre. Peut-être l’allusion est-elle à la doctrine de la Gîtâ, pp. 54, 55. ↩︎
231:5 Cf. Brihadâranyaka, p. 447. ↩︎
231:6 C’est-à-dire tous les actes de piété prescrits. ↩︎
231:7 Quant à la connaissance et à l’expérience, cf. Gîtâ, p. 57 ; et quant à l’aller et au retour, cf. ibid. p. 84. ↩︎
231:8 C’est-à-dire comme indiqué, par exemple, dans Gîtâ, p. 79, Brihadârariaka, p. 613. ↩︎
232 : 3 Cf. Gîtâ, passim. ↩︎
232 : 5 C.-à-d. se déplacer pour ne pas être vu de tout le monde. ↩︎
232:6 Littéralement, « détenteurs de roues », ce qu’Arguna Misra interprète comme signifiant « Kâranas ». Dans Sânti Parvan (Moksha Dharma) CCXLIV, 26, Nîlakantha rend Kakradhara par Kakravartin ou Empereur. ↩︎
232:7 C’est-à-dire que comme Kâsyapa possédait la connaissance védique et se comportait comme il devait se comporter en sa qualité d’élève, il était naturel que l’autre soit content. [^1057 ↩︎
233:2 Cf. Khândogya-upanishad, pp. 356-359, et Gîtâ, p. 84. ↩︎
233:4 Pour l’intégralité de ce passage, cf; Maitrî-upanishad, p. 8. ↩︎
233:5 Voir Manu VI, 61. ↩︎
234:1 Prendre refuge, dit Nîlakanntha, dans la croyance que je suis identique au Brahman, ce qui doit être compris au moyen de la contemplation profonde appelée Asampragñâta Samâdhi. ↩︎
234:2 C’est-à-dire, dit Nîlakantha, le mental, et il cite Maitrî, p. 179. Cf. Katha, p. 108. La traduction à p. 192 supra conviendra également (par le fait que le soi devienne placide). Cette placidité est définie dans Sânti Parvan (Moksha Dharma) CCXLVII, 11, avec lequel cf. Gîtâ, p. 69. Voir Gîtâ, p. 51. ↩︎