Le Brâhmana dit :
À ce sujet [^1449], ils relatent également cette ancienne histoire (sous la forme) d’un dialogue, ô toi au cœur pur ! entre un Brâhmane et Ganaka. Le roi Ganaka, en guise de punition, dit à un Brâhmane qui avait commis une offense : « Tu ne devrais pas vivre dans mes domaines. » Ainsi parlé, le Brâhmane répondit alors au meilleur des rois : « Dis-moi, ô roi ! jusqu’où s’étendent les domaines qui te sont soumis. Je souhaite, ô Seigneur ! vivre dans les domaines d’un autre roi, et, ô maître de la terre ! je souhaite exécuter tes ordres selon les Sâstras. » Ainsi parlé par ce glorieux Brahmane, le roi poussa de fréquents et chaleureux soupirs, sans rien répondre. Tandis que ce roi au pouvoir illimité était assis, plongé dans sa méditation, une illusion s’empara soudain de lui, comme la planète [^1450] sur le soleil. Puis, lorsque l’illusion se fut dissipée, le roi se ressaisit et, peu après, adressa ces paroles au Brahmane.
Ganaka a dit :
Bien que ce pays, qui est le royaume de mon père et de mon grand-père, me soit soumis, je ne peux [ p. 304 ] trouver mon domaine [^1451], cherchant à travers (toute) la terre. Ne le trouvant pas sur la terre, je cherchais Mithilâ ; ne le trouvant pas en Mithilâ, je cherchais ma propre descendance. Ne le trouvant pas parmi eux, alors l’illusion m’a saisi. Puis, après l’expiration de l’illusion, l’intelligence m’est revenue. Maintenant, je pense qu’il n’y a pas de domaine (à moi), ou que tout est mon domaine. Même ce moi n’est pas mien, ou que la terre entière est mienne. Et comme il est mien, ainsi est celui des autres aussi, je le crois, ô le meilleur des deux fois nés ! Vis (ici, donc) tant que tu le désires, et jouis tant que tu vis [^1452].
Le Brâhmana dit :
Dis-moi, à quelle croyance as-tu eu recours, pour que, bien que ce pays, royaume de ton père et de ton grand-père, te soit soumis, tu te débarrasses de l’idée que ceci ou cela m’appartient ? À quelle conviction as-tu adopté, pour que tu considères tout ton domaine comme n’étant pas le tien, ou tout comme le tien ?
Ganaka a dit :
Je comprends que toutes les conditions ici, dans toutes les affaires, sont résiliables [^1453], donc je n’ai rien trouvé qui puisse être (appelé) mien [1]. (Considérant) à qui était ce [ p. 305 ], (j’ai pensé) au texte védique sur la propriété de quiconque, (donc) je n’ai rien trouvé par mon intelligence qui puisse être (appelé) mien [2]. Recourant à cette conviction, je me suis débarrassé (de l’idée que ceci ou cela est) mien. Écoutez maintenant la conviction, tenant que mon domaine (m’apparaît être) partout [3]. Je ne désire pas pour moi-même même les odeurs existant dans le nez [4]. Donc la terre [5] étant conquise m’est d’une certaine manière soumise. Je ne désire pas pour moi-même les goûts même résidant dans la bouche. Donc l’eau étant conquise m’est toujours soumise. Je ne désire pas pour moi la couleur (ou) la lumière qui appartient à l’œil. Par conséquent, la lumière, une fois conquise, m’est toujours soumise. Je ne désire pas pour moi les (sensations du toucher) qui existent dans la peau. Par conséquent, l’air, une fois conquis, m’est toujours soumis. Je ne désire pas pour moi les sons, même s’ils existent dans l’oreille. Par conséquent, les sons, une fois conquis, m’est toujours soumis. Je ne désire pas pour moi l’esprit toujours en moi. Par conséquent, l’esprit, une fois conquis, m’est toujours soumis. Toutes ces actions que je fais sont, en vérité, dans ce but, (à savoir) pour les dieux, les Pitris, les Bhûtas, ainsi que leurs hôtes. Alors le Brâhmane, souriant, dit de nouveau à Ganaka : « Sache que je suis le Dharma, je suis venu ici aujourd’hui pour apprendre quelque chose à ton sujet 1. Tu es la seule personne à faire tourner cette roue, dont le centre est le Brahman 2, qui exprime la compréhension, et qui ne revient pas en arrière 3, et dont la circonférence est la qualité de bonté 4. »
303:1 En se débarrassant de l’idée que ceci, cela et autre chose nous appartiennent, Arguna Misra. Nîlakantha est d’accord et ajoute également sur le sujet de la suppression de l’avarice. ↩︎
303:2 C’est-à-dire Râhu. ↩︎
304:1 Signifiant, apparemment, ce sur quoi lui et personne d’autre n’a de pouvoir. Il rétrécit graduellement sa vision et ne trouve rien du tout qu’il puisse considérer comme sien, à l’exclusion des autres. Il explique, plus loin, comment il parvient à la conviction alternative énoncée vers la fin de ce discours. Dans le Brihadâranyaka (p. 916), il est dit qu’il a offert son royaume à Yâgñavalkya et lui-même comme son esclave, après avoir appris la Brahma-vidyâ. Voir aussi Muir, Sanskrit Texts, vol. iv, p. 426 seq. ↩︎
304:2 Voir Sânti Parvan (Moksha) I, 13. ↩︎
304:3 Conditions d’indigence ou d’abondance, Nîlakantha. La lecture d’Aguna Misra est différente. ↩︎