Arguna a dit :
Veuillez m’expliquer le Brahman qui est l’objet le plus élevé de la connaissance ; car, par votre faveur, mon esprit s’intéresse beaucoup à ces sujets subtils.
Vâsudeva a dit :
À ce sujet aussi, ils relatent une histoire ancienne (sous la forme d’un) dialogue, lié à l’émancipation finale, entre un précepteur et un élève. Un élève talentueux [ p. 311 ], ô terreur de tes ennemis ! demanda à un précepteur brahmane aux vœux rigides, (alors qu’il était) assis, quelque chose au sujet du bien suprême. « Moi », (dit-il), « dont le but est le bien suprême, je suis venu à toi (qui es) vénérable ; je te prie, la tête (inclinée), ô brahmane ! de m’expliquer ce que je te demande. » Le précepteur, ô fils de Prithâ ! dit à l’élève qui parlait ainsi : « Je t’expliquerai tout, ô deux fois né ! sur lequel tu as vraiment un doute. » Ainsi s’adressait le précepteur, ô le meilleur des Kauravas ! Lui qui lui était dévoué, posait ses questions en groupes serrés. Écoutez cela, ô vous à la grande intelligence !
L’élève a dit :
D’où suis-je [^1486], et d’où êtes-vous ? Expliquez ce qui est la plus haute vérité. De quoi sont nées les entités mobiles et immobiles ? De quoi vivent les entités, et quelle est la limite de leur vie ? Qu’est-ce que la vérité, quelle pénitence, ô Brâhmana ? Que nomment les qualités les bons ? Et quels chemins sont heureux ? Qu’est-ce que le plaisir, et quel péché ? Ces questions sont miennes, ô vénérable sage Brâhmana ! Ô vous aux vœux excellents ! daignez les expliquer [1] correctement, véritablement et avec exactitude. Nul autre ici ne peut les expliquer. Parlez, ô le meilleur de ceux qui comprennent la piété ! J’éprouve la plus haute curiosité (à ce sujet). Vous êtes célébré dans les mondes comme expert en sujets liés à la piété (requise pour) l’émancipation finale. Et il n’existe personne d’autre que vous qui puisse détruire tout [ p. 312 ] doutes. Et nous [2], de même, avons peur de la vie mondaine et désirons aussi l’émancipation finale.
Vâsudeva a dit :
Ce précepteur talentueux, qui préserva tous les vœux, ô fils de Prithâ ! Ô chef de la famille des Kauravas ! Ô celui qui retient les ennemis ! expliqua dûment toutes ces questions à cet élève qui s’était approché de lui (pour l’instruire), qui posait (ses) questions correctement, qui possédait (les qualifications nécessaires), qui était tranquille, qui se conduisait d’une manière agréable, qui était comme (son) ombre [3], et qui était un ascète maîtrisé et un brahmakârin.
Le précepteur a dit :
Tout cela, lié à la connaissance des Védas [4] et impliquant une considération de l’entité réelle, et cultivé par les grands sages, a été déclaré par Brahman. Nous considérons la connaissance comme la chose la plus élevée, et le renoncement [5] comme la meilleure pénitence. Et celui qui comprend avec détermination le véritable objet de la connaissance, qui est inexpugnable [6] — l’existence en soi de toutes les entités — et qui peut se déplacer n’importe où [7], est considéré comme le plus élevé. L’homme érudit qui perçoit l’unité [8], [ p. 313 ] et la séparation, ainsi que l’unité et la diversité [9], est libéré de la misère. Celui qui ne désire rien et n’éprouve aucun égoïsme à propos de quoi que ce soit devient éligible à l’assimilation au Brahman, même en demeurant dans ce monde [10]. Celui qui connaît la vérité sur les qualités de la nature, qui comprend la création de toutes les entités, qui est dépourvu de (la pensée que ceci ou cela est) mien, et qui est dépourvu d’égoïsme, est émancipé ; il n’y a aucun doute là-dessus. Comprendre précisément le grand (arbre) dont l’inperçu [11] est le germe de la graine, qui consiste en l’entendement comme son tronc, dont les branches sont le grand égoïsme, dans les trous desquels sont les germes, à savoir, les sens, dont les grands éléments sont les bouquets de fleurs [12], les éléments grossiers les plus petites branches, qui est toujours pourvu de feuilles, toujours pourvu de fleurs, et d’où sont toujours produits des fruits agréables, sur lequel toutes les entités subsistent, qui est éternel, et dont la graine est le Brahman ; et en le coupant avec cette excellente connaissance de l’épée, on atteint l’immortalité et rejette la naissance et la mort [13]. Je vais vous exposer aujourd’hui, ô homme hautement [ p. 314 ] talentueux ! la véritable conclusion [14] sur le passé, le présent, le futur, etc., et la piété, le désir et la richesse [15], qui est comprise par les multitudes de Siddhas, qui appartient aux temps anciens et est éternelle, qui doit être appréhendée et comprise par laquelle les hommes talentueux ont atteint ici la perfection. Autrefois [16], les sages Brihaspati, Bharadvâga, Gautama, ainsi que Bhârgava, Vasishria, et aussi Kâsyapa, et Visvâmitra, et Atri aussi, avides de connaissance, se rencontrèrent, après avoir parcouru tous les chemins [17], et s’être lassés de leurs propres actions. Et ces deux fois nés (sages), donnant l’exemple au vieux sage Ângirasa, virent Brahman, de qui (tout) péché s’était éloigné, dans sa demeure. Après avoir salué cet être à l’âme noble qui était assis à son aise, les grands sages, pleins d’humilité, lui posèrent cette question capitale concernant le bien suprême :« Comment accomplir une bonne action ? Comment se libère-t-on du péché ? Quels chemins sont heureux pour nous ? Qu’est-ce que la vérité et quel vice ? Par quelle action les deux chemins du sud et du nord sont-ils obtenus [18] ? (Et qu’est-ce que) la destruction [19] et l’émancipation, la naissance et la mort des entités ? » Ce que l’aïeul a dit conformément aux Écritures [20], [ p. 315 ] lorsque les sages le lui ont ainsi parlé, je vais te le répéter. Écoute (cela), ô élève !
Brahman a dit :
De la vérité sont nées les entités mobiles et immobiles. Elles vivent de pénitence [21]. Comprends cela, ô toi aux vœux excellents ! Par leur propre action, elles demeurent transcendantes de leur propre source [22]. Car la vérité unie aux qualités est invariablement de cinq variétés. Le Brahman [23] est la vérité ; la pénitence est la vérité ; Pragâpati est aussi la vérité ; les entités naissent de la vérité ; l’univers composé de (toutes) les créatures est la vérité. C’est pourquoi les Brâhmannas dont le but ultime est toujours la concentration de l’esprit, d’où la colère et la vexation se sont éloignées, et qui se consacrent invariablement à la piété, sont emplis de vérité. Je parlerai de ces (Brâhmanas) qui sont retenus les uns par les autres [24], qui sont possédés par la connaissance, qui sont les fondateurs du pont de la piété et qui sont les créateurs constants du peuple [25]. Je parlerai des quatre branches de la connaissance, ainsi que des castes et des quatre ordres, distinctement. Les sages parlent toujours de la piété comme d’une seule chose, mais ayant quatre aspects. Je vous parlerai, ô deux fois nés ! du chemin heureux, qui est source de plaisir, et qui a été invariablement parcouru par des hommes talentueux dans les temps anciens pour s’assimiler au Brahman. Apprenez de moi, ô nobles !, en parlant maintenant de manière exhaustive, ce chemin le plus élevé qui est difficile à comprendre, et le siège le plus élevé. Le premier pas est dit être l’ordre des Brahmakârins ; le second est celui des chefs de famille ; le suivant est celui des forestiers ; et le suivant également, le plus haut pas doit être compris comme étant celui relatif à l’Adhyâtma [26]. Lumière [27], l’espace, le soleil, l’air, Indra, Pragâpati, on ne les voit pas tant qu’on n’atteint pas l’Adhyâtma [28]. J’exposerai ensuite les moyens d’y parvenir, que vous devriez comprendre. L’ordre des forestiers, (l’ordre) des sages qui habitent les forêts et se nourrissent de fruits, de racines et d’air, est prescrit aux trois castes deux fois nées. L’ordre des chefs de famille est prescrit à toutes les castes. Les personnes douées parlent de la piété comme ayant la foi pour caractéristique. Ainsi vous ai-je décrit les chemins menant aux dieux [29], que les hommes bons et talentueux empruntent par leurs actions, et qui sont des ponts de piété. Celui qui, rigide dans ses vœux, adopte séparément l’un de ces modes de piété, en vient toujours à percevoir la production et la dissolution de
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(toutes) les entités 1. Je vais maintenant énoncer avec précision et raison tous les éléments qui résident en parties dans tous les objets. Le grand soi 2, l’invisible 3 de même, et de même aussi l’égoïsme, les dix sens et l’unique 4 (sens), et les cinq grands éléments, et les caractéristiques spécifiques des cinq éléments 5, telle est la création éternelle. Le nombre des éléments est célébré comme étant vingt-quatre plus un. Et l’homme doué qui comprend la production et la dissolution de (tous) les éléments, lui, de tous les êtres, ne vient jamais par illusion. Celui qui comprend avec précision les éléments, l’ensemble des qualités 6, et aussi toutes les divinités 7, rejetant le péché et se débarrassant de tous les liens, atteint tous les mondes sans tache.
310:1 C’est-à-dire après l’identification du soi individuel avec le soi universel, lorsque l’individu cesse d’être perçu comme tel. Cf. Sânti Parvan (Moksha), chap. 187, st. 23. ↩︎
310:2 Ce qui est au-delà de Kshetragas = le soi suprême absolu. Cf. Gîtâ, p. 206. ↩︎
310:3 La substance de ce discours, dit Arguna Misra, est que l’esprit et la compréhension consacrés au suprême conduisent à l’émancipation finale. ↩︎
310:4 Voir p. 296 supra. Le dernier chapitre conclut ce que certains manuscrits appellent la Brahma Gîtâ, ou Brâhmana Gîtâ, contenue dans l’Anugîtâ Parvan. Voir à ce sujet notre Introduction, où ce point est approfondi. ↩︎
311:1 Comparez les questions au début du Svetâsvatara-upanishad. ↩︎
311:2 Une expression similaire à celle du Sanatsugâtîya, p. 149, et ailleurs. ↩︎
312:1 Il n’est pas facile d’expliquer le changement ici du singulier au pluriel. ↩︎
312:2 C’est-à-dire qu’il était toujours aux côtés du précepteur. Cf. généralement, Mundaka, p. 283. ↩︎
312:3 La question ne venait pas tout à fait de son imagination, dit Nîlakantha. Aguna Misra a une lecture différente, qu’il interprète comme signifiant « ce sur quoi les Védas sont tous d’accord ». ↩︎
312:4 Du fruit de l’action, Arguna Misra. ↩︎
312:5 C’est-à-dire qui n’exige pas de modification par une autre connaissance, comme le fait la connaissance du monde. ↩︎
312:6 Nîlakantha compare Khândogya, pp. 523-553. ↩︎
312:7 C’est-à-dire de K<iit et de Gada, dit Nîlakantha ; de Brahman et de ses manifestations, comme il est fait allusion, entre autres, aux pp. 105, 106, 191 supra. ↩︎
313:1 C’est-à-dire que la variété n’existe que dans ce monde, mais que l’unité de toute chose est la vraie proposition. Cf. inter alia Gîtâ, p. 104. ↩︎
313:3 C’est-à-dire la Prakriti des Sânkhyas. ↩︎
313:4 Les grands éléments sont les cinq tanmâtras de la terre, de l’eau, du feu, de l’air et de l’espace, qui produisent ensuite ce que nous avons appelé les éléments grossiers dans le texte, à savoir la terre, etc. que nous percevons. ↩︎
313:5 L’arbre symbolise la vie terrestre. Cf. pp. 111-189 supra. Les feuilles et les fleurs, dit Arguna Misra, représentent la volition et l’action ; et Nîlakantha semble être d’accord. L’arbre est dit éternel, car la vie terrestre est censée n’avoir pas eu de commencement. Cf. Sârîraka Bhâshya, p. 494, « germer de la graine », cette traduction est rendue nécessaire par le fait que Brahman est décrit comme la graine. Cf. Mundaka, p. 288 ; Svetâsvatara, p. 362 ; Kantha, pp. 143, 144. ↩︎ ↩︎
314:1 C’est-à-dire le moyen d’y parvenir, Arguna Misra. ↩︎
314:2 La triade, à l’acquisition de laquelle les hommes du monde aspirent. ↩︎
314:3 Il explique comment la doctrine appartient aux temps anciens. ↩︎
314:4 C’est-à-dire les chemins de l’action, Nîlakantha. Voir Sanatsugâtîya, p. 165. ↩︎
314:5 À savoir, le Pitriyâna et le Devayâna (Arguna Misra), à propos desquels voir Khândogya, p. 341, Kaushîtaki, p. 13, et Brihadâranyaka, p. 1034. ↩︎
314:6 Nîlakantha semble interpréter cela comme signifiant les dissolutions temporaires et définitives des mondes, sur lesquelles voir, entre autres, Vedânta Paribhâshâ, p. 48. ↩︎
314:7 Ainsi Nîlakantha. Ne pourrait-il pas être « selon la tradition reçue » ? ↩︎
315:1 C’est-à-dire par action, Nîlakantha. Cf. Munthaka, p. 280, et voir p. 166 supra, note . ↩︎
315:2 Autrement dit, ils restent séparés du Brahman, engagés dans l’action. Ceci répond à certaines questions posées par l’élève au précepteur. Quant à la « vérité », voir p. 162, note 2 supra. ↩︎
315:3 C’est-à-dire Îsvara, ou dieu ; pénitence = piété ; Pragâpati = l’âme individuelle, Nîlakantha. Brahman = ‘cela’ (mais comment ‘cela’ est-il ‘joint aux qualités’ ?) ; Pragâpati = Brahman, Aguna Misra. Ils s’accordent sur la pénitence et les entités (qu’ils prennent pour les éléments grossiers) et les créatures. Brahman et Pragâpati = Virâg et Hiranyagarbha (?), p. 186 supra. Cf. Sânti Parvan (Moksha), chap. 190, st. 1. ↩︎
315:4 C’est-à-dire qui ne commettent aucun manquement à la piété par crainte les uns des autres, Nîlakantha. ↩︎