[ p. 261 ]
Le Brâhmana dit : « C’est aussi là-dessus qu’ils racontent cette ancienne histoire. Apprends maintenant de quelle description est l’institution des dix prêtres sacrificiels [^1247]. L’oreille [^1248], la langue, le nez, les deux pieds, les deux mains, la parole, l’organe génital et l’anus, ceux-ci, en vérité, sont les dix prêtres sacrificiels, ô belle ! Le son, le toucher, la couleur et le goût, l’odorat, les paroles, l’action, le mouvement et l’écoulement du sperme, de l’urine et des excréments, ce sont les dix oblations. Les quartiers, le vent, le soleil, la lune, la terre et le feu, et aussi Vishnu, Indra, Pragâpati et Mitra, ceux-ci, ô belle ! sont les dix feux [^1249]. Les dix organes sont les créateurs de l’offrande ; les offrandes sont dix, ô belle ! Les objets des sens, en vérité, sont le combustible ; et ils sont offerts aux dix feux. L’esprit est la louche [^1250] ; et la richesse est la connaissance pure et suprême] [^1251]. (Ainsi) nous l’avons entendu, l’univers était dûment divisé [1]. Et l’esprit, qui est l’instrument [ p. 262 ] de la connaissance, exige tout ce qui est connaissable [2] (comme offrande). L’esprit est dans le corps le soutien de la structure, et le connaisseur est le soutien du corps [3]. Ce [4] soutien du corps est le feu Gârhapatya ; de celui-ci un autre est produit, et l’esprit qui est l’Âhavanîya ; et dans celui-ci l’offrande est jetée. Alors le maître de la parole fut produit [5] ; celui-ci (le maître de la parole) regarde l’esprit. D’abord, en vérité, sont produits les mots ; et l’esprit court après eux.
[ p. 263 ]
L’épouse du brahmane dit :
Comment la parole est-elle apparue en premier, et comment l’esprit est-il apparu ensuite, puisque les mots sont prononcés après avoir été pensés par l’esprit ? Par quelle expérience l’intelligence parvient-elle à l’esprit, et (bien que) développée, ne la comprend-elle pas ? Qu’est-ce qui l’entrave vraiment ?
Le Brâhmana dit :
L’Apâna, devenant maître, le transforme en Apâna. C’est ce qu’on appelle le mouvement de l’esprit, et c’est pourquoi l’esprit en a besoin [6]. Mais puisque vous me posez une question concernant la parole et l’esprit, je vais vous relater un dialogue entre eux. La parole et l’esprit s’adressèrent tous deux au Soi de tous les êtres [7] et lui dirent ainsi : « Dis qui de nous est supérieur ; détruis nos doutes, ô seigneur ! » Le seigneur répondit alors positivement à la parole : « L’esprit (est supérieur). » Mais la parole lui dit alors : « En vérité, je te cède tes désirs [8]. »
[ p. 264 ]
Le Brâhmana [9] a dit :
Sache que (selon) moi, il y a deux esprits [10], immobile et mobile. L’immobile, en vérité, est avec moi ; le mobile est sous ton empire. Quel que soit le mantra, la lettre ou le ton qui relève de ton empire, c’est en effet l’esprit mobile [11]. Tu y es supérieur. Mais puisque, ô belle, je suis venu personnellement me parler comme tu l’as fait [12], par conséquent, ô Sarasvatî ! tu ne parleras jamais après de (fortes) exhalaisons [13]. La parole de la déesse, en vérité, demeurait toujours entre le Prâna et l’Apâna [14]. Mais, ô noble ! allant avec l’Apâna [ p. 265 ] vent [15], bien que poussée, (en conséquence) d’être sans le Prâna, elle courut vers Pragâpati, en disant : « Sois content [16], ô vénérable monsieur ! » Alors [17] le Prâna apparut à nouveau, nourrissant la parole. Et c’est pourquoi la parole ne parle jamais après une (forte) expiration. Elle est toujours bruyante ou silencieuse. Des deux, la silencieuse est supérieure à la bruyante [18] (parole). Cette excellente (parole), comme une vache, donne du lait [19], et parlant du Brahman, elle produit toujours l’émancipation éternelle. Cette parole semblable à celle d’une vache, ô toi au sourire éclatant ! est divine, avec un pouvoir divin [20]. Observez la différence de (ses) deux (formes) subtiles et fluides [21].
L’épouse du brahmane dit :
Que dit la déesse de la parole à cette occasion, autrefois, lorsque, bien qu’elle fût poussée par le désir de parler, les mots ne pouvaient être prononcés ?
Le Brâhmana dit :
Français La (parole) qui est produite dans le corps par [ p. 266 ] le moyen du Prâna 1, et qui passe ensuite dans l’Apâna, puis s’assimilant à l’Udâna quitte le corps 2, et avec le Vyâna enveloppe tous les quartiers 3, puis (finalement) demeure dans le Samâna 4. Ainsi parlait autrefois la parole. De là vient que l’esprit se distingue par son immobilité, et la déesse par sa mobilité 5.
261:1 Cf. Taittirîya-brâhmana, p. 411, et Âranyaka, p. 281. ↩︎
261:2 Cf. Brihadâranyaka, p. 459. La lecture dans l’édition imprimée de Bombay est ici défectueuse. ↩︎
261:3 Voir p. 337 seq., où tout ceci est expliqué plus en détail. Et cf. la doctrine bouddhique analogue énoncée dans Lalita Vistara (traduction du Dr R. Mitra), p. 11. ↩︎
261:4 Voir Taittirîya-âranyaka loc. cit., et cf. Gîtâ, p. 61. ‘La richesse’ désigne probablement le Dakshinâ à donner aux prêtres, qui est mentionné dans Gîtâ, p. 119. ↩︎
261:5 Les « prêtres » étant ici les sens, la connaissance leur reviendrait, à ce sujet cf. Gîtâ, p. 108. ↩︎
262:1 Chaque sens ne peut offrir que ses propres perceptions, l’esprit offre toute connaissance quelle qu’elle soit. ↩︎
262:2 Arguna Misra dit qu’il s’agit d’une comparaison implicite, l’esprit est un soutien du corps comme l’est le « connaisseur » ou le soi. ↩︎
262:3 Arguna Misra dit que cela signifie « l’esprit ». Je pense qu’il vaut mieux le prendre ici comme le soi (voir p. 238 supra), auquel l’« esprit » et « l’autre », mentionnés plus loin, seraient subordonnés ; l’« autre », Arguna Misra le traduit par le « groupe des sens ». Les sens sont comparés à des feux dans la Gîtâ, p. 61. Le passage de Taittirîya-âranyaka cité ci-dessus ne fait référence qu’aux feux de Gârhapatya et d’Âhavanîya. Le texte et l’explication de ce passage par Nîlakantha ne sont pas, à mon avis, aussi satisfaisants que ceux d’Aruna Misra. ↩︎
262:4 Dans le Taittirîya-brâhmana et l’Âranyaka loc. cit., l’équivalent du mot original pour « seigneur de la parole » apparaît ici, à savoir Vâkpati pour Vâkaspati ici ; mais celui-ci est décrit comme le prêtre Hotri, et la parole elle-même comme le Vedî ou autel. Le commentateur interprète ici « seigneur de la parole » comme le vent qui provoque l’activité vocale et réside dans la gorge, le palais, etc. Quant à l’esprit et la parole, voir aussi Khândogya, pp. 285-441, et les commentaires de Sankara. Le sens de ce passage, cependant, n’est pas du tout clair à mon avis. Les mantras Dasahotri du Taittirîya sont présentés comme les mantras de l’Ishātī, ou sacrifice, accompli par Pragāpati pour la création. Il est donc possible que le sens ici soit que la parole que l’élève doit apprendre, comme indiqué plus loin – à savoir les Védas – ait d’abord été produite à partir de cet Ishātī (cf. Kullūka sur Manu I, 21). Mais pour comprendre cette parole, l’esprit est nécessaire ; c’est pourquoi il est dit de lever les yeux vers l’esprit. L’épouse du Brāhma, cependant, semble comprendre la parole comme une parole ordinaire, d’où sa question. ↩︎
263:1 Ceci, encore une fois, est à mon avis très difficile à comprendre. Le mot original pour « intelligence » est mati, que Sankara interprète ainsi dans Khândogya, p. 514 : « l’intelligence est réflexion, application à (littéralement, respect pour) le sujet de la pensée. » L’original pour « développé », Arguna Misra le rend par « mélangé ou assimilé à » ; et « ne comprend pas » signifie, selon lui, « ne comprend pas la parole ou les mots ». Cette question semble suggérée par les derniers mots du discours précédent. ↩︎
263:2 Ces deux phrases sont encore très obscures. Nîlakantha, comme d’habitude, abandonne son original, donnant des significations particulières aux mots sans produire aucune autorité. Aguna Misra est très maigre, et de plus le manuscrit est très incorrect. Voir p. 264, note [13:1] infra. ↩︎
263:3 C’est-à-dire Pragâpati, dit Arguna Misra, ce qui semble justifié par la suite. Nîlakantha le prend pour signifier le soi individuel, ce qui est sans doute sa signification ailleurs, par exemple Maitrî, p. 56. ↩︎
263:4 C’est-à-dire que la parole transmet des informations sur tous les sujets, Arguna Misra ; p. 264, car le moyen d’acquérir le fruit désiré, visible ou invisible, s’apprend par la parole, Nîlakantha. Cf. à ce sujet, Bnthhadâranyaka-upanishad, pp. 50 et suivantes et 261. ↩︎ ↩︎
264:1 C’est-à-dire que Nîlakantha dit : « Le Brâhmannomment esprit », faisant apparemment allusion à p. 310 infra. Mais la lecture de certains manuscrits, à savoir Brahman pour le Brâhmannom, semble préférable, compte tenu de ce qui suit. Apparemment, le propre discours du Brâhmannom devrait commencer à « Le discours de la déesse » plus loin. ↩︎
264:2 Nîlakantha dit, immobile = être compris par les sens externes ; mobile = non perceptible par les sens, comme le ciel, etc., qui n’est pas tout à fait intelligible. Aguna Misra dit, l’esprit immobile est celui de l’enseignant, qui est fixe, car il n’a rien à apprendre ou à acquérir, tandis que celui de l’élève est mobile car il acquiert de nouvelles impressions et connaissances. ↩︎
264:3 C’est-à-dire que c’est l’esprit mobile qui prend connaissance des significations de tous les mantras (textes sacrés), lettres, tons, par lesquels, je présume, l’instruction sacrée est transmise. Pour cet esprit, la parole est supérieure, car cet esprit ne travaille que sur ce que la parole lui présente ; mais l’esprit qui est « avec » Pragâpati, est supérieur à la parole car il n’en dépend pas comme l’autre. ↩︎
264:4 C’est-à-dire fièrement, à propos d’elle étant la donneuse de désirs à Brahman. ↩︎
264:5 C’est-à-dire, dit Arguna Misra, les mots ne sortiront pas avec le vent vital Prâna et ne transmettront aucun sens à l’auditeur, mais seront absorbés dans le vent vital Apâna, et ne seront pas du tout articulés comme parole. Cf. Kaushîtaki, p. 41 ; Katha, p. 184 (avec gloses) ; et Khândogya, p. 42. ↩︎
264:6 C’est-à-dire, je présume, qu’il dépendait des deux vents de vie mentionnés. Cf. p. 353 infra. Pour ce sens du mot « entre », voir p. 258 supra, et Khândogya-upanishad, p. 623. ↩︎
265:1 Et non avec le Prâna, de manière à être articulé. Cf. p. 264. ↩︎
265:2 C’est-à-dire retirer la « malédiction » prononcée, comme indiqué ci-dessus. ↩︎