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La Déité dit :
On dit que l’inépuisable Asvattha [^467] a ses racines en haut et ses branches en bas ; les Khandas sont ses feuilles. Quiconque le connaît connaît les Védas. Ses branches s’étendent vers le haut et vers le bas, élargies par les qualités, et dont les pousses sont des objets sensuels. Et vers le bas, dans ce monde humain, se prolongent ses racines qui mènent à l’action. Sa forme n’est pas connue ici-bas, ni sa fin, ni son commencement, ni son support. Mais après avoir coupé avec l’arme ferme de l’indifférence cet Asvattha, dont les racines sont fermement ancrées, il faut alors rechercher ce siège d’où ceux qui y vont ne reviennent jamais, (pensant) que l’on repose sur ce même être primordial d’où émane le cours ancien (de la vie mondaine). Ceux qui sont libérés de l’orgueil et de l’illusion, qui ont surmonté les maux de l’attachement, qui sont constants dans la relation entre le soi suprême et le soi individuel, dont le désir s’est éloigné, qui sont libérés des paires (d’opposés) appelées plaisir et douleur, accèdent sans illusion à ce siège impérissable [1]. Ni le soleil, ni la lune, ni le feu ne l’éclairent [2]. C’est ma demeure la plus élevée, où nul ne revient. C’est une éternelle portion de moi-même qui, devenant une âme individuelle dans le monde mortel, attire les sens, l’esprit étant le sixième [3]. Chaque fois que le maître (de la structure corporelle) acquiert ou quitte un corps, il s’en va en les emportant avec lui comme le vent emporte les parfums de leurs sièges [4]. Et présidant aux sens de l’ouïe, de la vue, du toucher, du goût, de l’odorat et de l’esprit, il jouit des objets sensuels. Ceux qui sont égarés ne le voient pas demeurer ou quitter (un corps), jouir ou s’unir aux qualités [5] ; ils voient, ceux qui ont les yeux de la connaissance. Les dévots qui font des efforts le perçoivent demeurant en eux-mêmes [6]. Mais ceux dont les êtres n’ont pas été raffinés et qui n’ont pas de discernement, ne le perçoivent pas, même (après) avoir fait des efforts. Sache que cette gloire est mienne qui, demeurant dans le soleil, illumine le monde entier, ou dans la lune ou le feu [7]. [ p. 113 ] Entrant dans la terre [8], par mon pouvoir je soutiens toutes choses ; et devenant la lune juteuse, je nourris toutes les herbes. Moi, devenant le feu, et habitant le corps de (toutes) les créatures, et uni aux souffles de vie ascendants et descendants, je provoque la digestion de la quadruple nourriture [9]. Et je suis placé au cœur de tous [10] ; de moi (viennent) la mémoire, la connaissance et leur élimination ; moi seul dois être instruit de tous les Védas ; je suis l’auteur des Vedântas [11] ; et moi seul connais les Védas. Il y a ces deux êtres dans le monde, le destructible et l’indestructible [12]. Le destructible (inclut) toutes choses. L’indifférence est (ce qu’on appelle) l’indestructible.Mais l’être suprême est encore un autre, appelé le soi le plus élevé, qui, en tant que seigneur inépuisable, pénétrant les trois mondes, les soutient. Et puisque je transcende le destructible, et puisque je suis aussi plus élevé que l’indestructible [13], je suis donc [ p. 114 ] célébré dans le monde et dans les Védas comme le meilleur des êtres. Celui qui, sans se tromper, me connaît ainsi comme le meilleur des êtres, me vénère de toutes les manières 1, ô descendant de Bharata ! connaissant toute chose. Ainsi, ô sans péché ! ai-je proclamé cette science des plus mystérieuses. Celui qui sait cela a fait tout ce qu’il devait faire et il est possédé du discernement.
111:1 Cf. Kathopanishad, p. 70, et Sutta Nipâta, p. 76. ↩︎
111:2 Asvattha représente ici le cours de la vie terrestre. Ses racines sont en haut, à savoir l’être suprême ; ses branches sont Hiranyagarbha et d’autres êtres supérieurs. Les Védas sont ses feuilles, le préservant comme les feuilles préservent les arbres (une autre interprétation est qu’elles sont les causes du fruit que l’arbre porte, c’est-à-dire le salut, etc.). Vers le haut et vers le bas, du plus haut au plus bas des êtres créés. Élargi = les qualités se manifestant, comme le corps, les sens, etc. ; les objets des sens sont des pousses car elles sont attachées aux sens, qui sont les extrémités des branches mentionnées ci-dessus. Les racines qui s’étendent vers le bas sont les désirs de diverses jouissances. Sa forme n’est pas ainsi connue ici, c’est-à-dire de ceux qui vivent et se meuvent dans ce monde, c’est-à-dire comme décrit ci-dessus. On dit que l’homme qui connaît ainsi l’arbre connaît les Védas, car sa connaissance est la connaissance de la substance des Védas, à savoir que le cours de la vie terrestre découle du Suprême, est maintenu par les rites védiques et détruit par la connaissance du Suprême. Quant à la libération de l’orgueil, cf. Sutta Nipâta, p. 4. ↩︎
112:1 Cf. Kathopanishad, p. 142; Muthaka, p. 304; Nthsimhatâpinî, p. 106; Svetâsvatara, p. 110. ↩︎
112:2 Les cinq sens et l’esprit proviennent de la nature, dans laquelle ils sont absorbés pendant le sommeil ou lors d’une dissolution du monde. Cf. Sutta Nipâta, p. 44. ↩︎
112:3 Cf. Kaushîtaki-upanishad, pp. 86, 87. ↩︎
112:4 Percevoir des objets des sens, ou ressentir du plaisir, de la douleur, etc. ↩︎
112:5 « Soi » = corps, Râmânuga et Srîdhara ; « compréhensions », Sankara. Dans la phrase suivante, « soi » signifie esprit. ↩︎
112:6 Cf. Maitrî-upanishad, p. 142. Cette phrase poursuit ce qui a été dit en haut de la page. La partie intermédiaire de la page 113 explique comment les âmes reviennent dans certains cas. En règle générale, « tout départ aboutit à un retour ». Mais l’âme fait exception dans certains cas, car « aller » vers le Brahman revient à aller à la source. La question se pose alors : comment la séparation se produit-elle ? Et c’est ce qu’expliquent les lignes qui précèdent. ↩︎
113:1 « Entrer sous la forme de la déesse Terre », disent Ânandagiri et Madhusûdana. Soutenir, c’est-à-dire empêcher la terre de tomber ou de s’effondrer. On dit que la lune nourrit les herbes en leur communiquant un peu de son « jus ». Il convient de noter que Shakespeare appelle la lune « étoile aquatique ». Quant à sa relation avec le règne végétal, voir Matsya-purânā XXIII, strophe 10 et suivantes. ↩︎
113:2 C’est-à-dire ce qui est bu, ce qui est léché, ce qui est poudré avec les dents et ce qui est mangé sans ce poudrage. ↩︎
113:5 Cf. Svetâsvatara, p. 294. ↩︎