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Les inclinations générales qui sont naturellement implantées dans mon âme pour une religion, il m’est impossible de les ignorer. Mais, vu la multiplicité des religions dans le monde, je désire maintenant examiner sérieusement à laquelle d’entre elles je dois restreindre mes inclinations générales. Et la raison de cette recherche n’est pas que je sois le moins du monde insatisfait de la religion que j’ai déjà embrassée, mais qu’il est naturel à tous d’avoir une opinion et une estime prépondérantes pour la religion particulière dans laquelle ils sont nés et ont grandi. Afin donc de ne pas paraître influencé par les préjugés de l’éducation, je suis résolu à les éprouver et à les examiner toutes, afin de voir et de m’en tenir fermement à celle qui est la meilleure…
'En effet, il n’y a jamais eu de religion aussi barbare et diabolique, qui ne soit préférée à toutes les autres religions, quelles qu’elles soient, par ceux qui la professaient ; autrement ils ne l’auraient pas professée…
_« Et pourquoi, disent-ils, ne pourriez-vous pas vous tromper autant que nous ? Surtout quand il y a au moins six contre un contre votre religion chrétienne ; tous pensent servir Dieu correctement et en espèrent le bonheur autant que vous. » C’est pourquoi, en recherchant la religion la plus vraie, conscient de l’ascendant que le christianisme exerce sur moi, plus que sur les autres, comme étant la religion dans laquelle je suis né et baptisé, celle que l’autorité suprême m’a prescrite et dans laquelle mes parents m’ont éduqué ; celle que tous ceux que je rencontre approuvent hautement, et que j’ai moi-même, par une longue profession de foi, rendue presque naturelle pour moi, je suis résolu à être plus jaloux et méfiant envers cette religion qu’envers les autres, et à ne plus l’entretenir sans être convaincu par des arguments solides et substantiels de sa vérité et de sa certitude. Afin que je puisse faire une enquête diligente et impartiale sur toutes les religions et être ainsi sûr de trouver la meilleure, je me considérerai pendant un certain temps comme quelqu’un qui ne s’intéresse pas du tout à une religion particulière, et encore moins à la religion chrétienne ; mais seulement comme quelqu’un qui désire, en général, servir et obéir à Celui qui m’a créé, d’une manière juste, et ainsi être rendu participant de ce bonheur dont ma nature est capable.
L’ÉVÊQUE BEVERIDGE (1636-1707).
Réflexions privées sur la religion, partie 1, article 2.