[ p. 15 ]
DEUXIÈME ADHYÂYA.
1. La Mort dit : « L’Existant par le Soi a percé les ouvertures (des sens) de sorte qu’elles sont tournées vers l’avant : c’est pourquoi l’homme regarde vers l’avant, et non vers l’arrière, en lui-même. Cependant, un homme sage, les yeux fermés et aspirant à l’immortalité, a vu le Soi derrière lui. »
2. « Les enfants courent après les plaisirs extérieurs et tombent dans le piège d’une mort généralisée. Seuls les sages, connaissant la nature de ce qui est immortel, ne cherchent rien de stable ici-bas parmi les choses instables. »
3. « Ce par quoi nous connaissons la forme, le goût, l’odorat, les sons et les caresses, c’est aussi par là que nous connaissons ce qui existe au-delà. Voilà ce que tu as demandé. »
4. « Le sage, lorsqu’il sait que ce par quoi il perçoit tous les objets dans le sommeil ou à l’état de veille est le grand Soi omniprésent, ne s’afflige plus. »
5. « Celui qui connaît cette âme vivante qui mange du miel (qui perçoit les objets) comme étant le Soi, toujours proche, le Seigneur du passé et du futur, désormais n’a plus peur. C’est cela. »
6. ‘Celui qui (connaît) celui [1] qui est né le premier de [ p. 16 ] la chaleur couvante [2] (car il est né avant l’eau), qui, entrant dans le cœur, y demeure, et a été perçu des éléments. C’est cela.’
7. ‘(Celui qui sait) Aditi aussi, qui est un avec toutes les déités, qui s’élève avec Prânâ (souffle ou Hiranyagarbha), qui, pénétrant dans le cœur, y demeure et est né des éléments. Ceci est cela.’
8. « Il y a Agni (le feu), celui qui voit tout, caché dans les deux bâtons de feu, bien gardé comme un enfant (dans le ventre maternel) par sa mère, jour après jour pour être adoré par les hommes lorsqu’ils s’éveillent et apportent des offrandes. C’est cela. »
9. « Et là où le soleil se lève et où il va se coucher, là sont contenus tous les Dévas, et personne ne va au-delà. C’est cela [3]. »
11. « Même par l’esprit, on peut obtenir ce Brahman, et alors il n’y a aucune différence. Celui qui voit une différence ici va de mort en mort. »
12. « La personne (purusha), de la taille d’un pouce [4], se tient au milieu du Soi (corps ?), maître du passé et du futur, et désormais n’a plus peur. C’est cela. »
13. « Cette personne, de la taille d’un pouce, est comme une lumière sans fumée, seigneur du passé et de l’avenir, elle est la même aujourd’hui et demain. Ceci est cela. » [ p. 17 ] 14. « Comme l’eau de pluie tombée sur la crête d’une montagne coule le long des rochers de tous côtés, ainsi celui qui voit une différence entre les qualités court après elles de tous côtés. »
15. « Comme l’eau pure versée dans l’eau pure reste la même, ainsi, ô Gautama, est le Soi d’un penseur qui sait. »
[ p. 18 ]
1. « Il existe une ville aux onze portes appartenant au Non-Né (Brahman), dont les pensées ne sont jamais tortueuses. Quiconque s’en approche ne s’afflige plus et, libéré (de tous les liens de l’ignorance), devient libre. C’est cela. »
2. ‘Il (Brahman) [5] est le cygne (soleil), demeurant dans le ciel lumineux ; il est le Vasu (air), demeurant dans le ciel ; il est le sacrificateur (feu), demeurant sur le foyer ; il est l’invité (Soma), demeurant dans la jarre sacrificielle ; il demeure dans les hommes, dans les dieux (vara), dans le sacrifice (rita), dans le ciel ; il est né dans l’eau, sur la terre, dans le sacrifice (rita), sur les montagnes ; il est le Vrai et le Grand.’
3. « C’est lui (Brahman) qui envoie le souffle (prânâ) et qui le renvoie (apâna). Tous les Devas (sens) l’adorent, l’adorable (ou le nain), qui siège au centre. »
4. « Lorsque ce Brahman incorporé, qui réside dans le corps, est arraché et libéré du corps, que reste-t-il alors ? C’est cela. »
5. « Aucun mortel ne vit du souffle qui monte et du souffle qui descend. Nous vivons d’un autre, en qui ces deux souffles reposent. »
6. « Eh bien, ô Gautama, je vais te révéler ce mystère, le vieux Brahman, et ce qui arrive au Soi, après avoir atteint la mort. » [ p. 19 ] 7. « Certains entrent dans l’utérus pour avoir un corps, en tant qu’êtres organiques, d’autres entrent dans la matière inorganique, selon leur travail et selon leur connaissance [6]. »
8. « Lui, la Personne suprême, qui veille en nous pendant notre sommeil, façonnant une image magnifique après l’autre, voilà le Brillant, voilà Brahman, celui-là seul qu’on appelle l’Immortel. Tous les mondes sont contenus en lui, et nul ne va au-delà. C’est cela [7]. »
9. ‘Comme le feu unique, après être entré dans le monde, bien qu’un, devient différent selon ce qu’il brûle, ainsi le Soi unique en toutes choses devient différent, selon ce qu’il entre, et existe aussi en dehors [8].’
10. « Comme l’air unique, après être entré dans le monde, bien qu’un, devient différent selon tout ce dans quoi il entre, ainsi le Soi unique en toutes choses devient différent, selon tout ce dans quoi il entre, et existe aussi à l’extérieur. »
11. ‘Comme le soleil, l’œil du monde entier, n’est pas contaminé par les impuretés extérieures vues par les yeux, ainsi le Soi unique en toutes choses n’est jamais contaminé par la misère du monde, étant lui-même extérieur [9].’
12. « Il existe un seul maître, le Soi en toutes choses, qui multiplie la forme unique. Le bonheur éternel appartient aux sages qui le perçoivent en leur Soi, et non aux autres [10]. »
13. « Il existe un penseur éternel, ayant des pensées non éternelles [ p. 20 ], qui, bien qu’unique, comble les désirs de beaucoup. Aux sages qui le perçoivent en eux-mêmes, appartient la paix éternelle, et non aux autres [11]. »
14. « Ils perçoivent ce plaisir suprême et indescriptible, et disent : « C’est cela. Comment puis-je donc le comprendre ? A-t-il sa propre lumière, ou reflète-t-il la lumière ? »
15. « Le soleil n’y brille pas, ni la lune ni les étoiles, ni ces éclairs, et encore moins ce feu. Quand il brille, tout brille après lui ; par sa lumière, tout est éclairé [12]. »
[ p. 21 ]
1. « Il y a cet arbre ancien [13], dont les racines poussent vers le haut et les branches vers le bas ; — celui-là [14] est appelé le Brillant [15], celui-là est appelé Brahman, celui-là seul est appelé l’Immortel [16]. Tous les mondes sont contenus en lui, et personne ne va au-delà. C’est cela. »
2. « Quoi qu’il y ait, le monde entier, une fois sorti (du Brahman), tremble dans son souffle [17]. Ce Brahman est une grande terreur, comme une épée dégainée. Ceux qui le connaissent deviennent immortels. »
3. ‘De la terreur de Brahman brûle le feu, de la terreur le soleil brûle, de la terreur Indra et Vâyu, et la Mort, en tant que cinquième, s’enfuient [18].’
4. « Si un homme ne pouvait pas le comprendre avant la dislocation de son corps, alors il doit reprendre corps dans les mondes de la création [19]. » [ p. 22 ] 5. « Comme dans un miroir, ainsi (Brahman peut être vu clairement) ici dans ce « corps » ; comme dans un rêve, dans le monde des Pères ; comme dans l’eau, il est vu dans le monde des Gandharvas ; comme dans la lumière et l’ombre [20], dans le monde de Brahmâ. »
6. « Ayant compris que les sens sont distincts [21] (de l’Âtman), et que leur lever et leur coucher (leur veille et leur sommeil) leur appartiennent dans leur existence distincte (et non à l’Âtman), un homme sage ne s’afflige plus. »
7. « Au-delà des sens se trouve l’esprit, au-delà de l’esprit se trouve l’Être le plus élevé (créé) [22], plus haut que cet Être se trouve le Grand Soi, plus haut que le Grand, le plus haut Non-Développé. »
8. « Au-delà du non-développé se trouve la Personne, omniprésente et entièrement imperceptible. Toute créature qui la connaît est libérée et obtient l’immortalité. »
9. « Sa forme est invisible, personne ne le contemple. Il est imaginé par le cœur, par la sagesse, par l’esprit. Ceux qui savent cela sont immortels [23]. »
10. « Lorsque les cinq instruments de la connaissance restent immobiles avec l’esprit, et lorsque l’intellect ne bouge pas, cela s’appelle l’état le plus élevé. »
11. « Ceci, la ferme retenue des sens, est ce qu’on appelle le Yoga. Il doit alors être libre de toute inconscience, car le Yoga va et vient [24]. » [ p. 23 ] 12. « Il (le Soi) ne peut être atteint ni par la parole, ni par l’esprit, ni par la vue. Comment peut-il être appréhendé, si ce n’est par celui qui dit : « Il est ? » »
14. « Lorsque tous les désirs qui habitent son cœur cessent, alors le mortel devient immortel et obtient Brahman. »
15. « Lorsque tous les liens [25] du cœur sont rompus ici sur terre, alors le mortel devient immortel – ici se termine l’enseignement [26]. »
116. « Il y a cent et une artères du cœur [27], l’une d’elles pénètre le sommet de la tête [28]. En remontant par elle, l’homme (à sa mort) atteint l’Immortel [29] ; les autres artères servent à partir dans différentes directions. »
17. « La Personne pas plus grande qu’un pouce, le Soi intérieur, est toujours ancré dans le cœur des hommes [30]. Qu’un homme tire ce Soi de son corps avec constance, [ p. 24 ] comme on tire la moelle d’un roseau [31]. Qu’il connaisse ce Soi comme le Brillant, l’Immortel ; oui, comme le Brillant, comme l’Immortel [32]. »
18. Ayant reçu cette connaissance enseignée par la Mort et toute la règle du Yoga (méditation), Nâkiketa se libéra de la passion [33] et de la mort, et obtint Brahman. Il en sera de même pour celui qui connaît ainsi ce qui se rapporte au Soi.
19. Qu’Il nous protège tous les deux ! Qu’Il nous apprécie tous les deux ! Puissions-nous acquérir la Force ensemble ! Que notre connaissance devienne brillante ! Puissions-nous ne jamais nous quereller [34] ! Om ! Paix ! paix ! paix ! Harih, Om !
15:1 La première manifestation de Brahman, communément appelée Hiranyagarbha, naît des tapas de Brahman. Ensuite, seuls l’eau et les autres éléments se manifestent. Le texte de ces versets est abrupt, peut-être corrompu. Les deux accusatifs, tishthantam et tishthantim, me semblent nécessiter que le veda soit complété par le verset 4. ↩︎
16:1 Cf. srishtikrama. ↩︎
16:2 Cf. V, 8. ↩︎
16:3 Svet. En haut. III, 13. ↩︎
18:2 Cf. Rig-veda IV, 40, 5. ↩︎
19:1 Cf. Brih. Ar. II, 2, 13. ↩︎
19:2 Cf. IV, 9; VI, 1. ↩︎
19 : 3 Cf. Brih. Ar. II, 5, 19. ↩︎
19:4 Cf. Chance. XIII, 52. ↩︎
19:5 Cf. Svet. Up. VI, 12. ↩︎
20:1 Cf. Svet. Up. VI, 13. ↩︎
20:2 Cf. Svet. Up. VI, 14; Mund. Up. II, 2, 10; Bhag. Gîtâ XV, 6. ↩︎
21:1 Le figuier qui envoie ses branches de sorte qu’elles prennent racine et forment de nouvelles tiges, un seul arbre grandissant jusqu’à devenir une forêt complète. ↩︎
21:2 Cf. Chance. XVe édition, 1-3. ↩︎
21:3 Cf. V, 8. ↩︎
21:4 Le commentateur dit que l’arbre est le monde, et sa racine est Brahman, mais il n’y a rien pour soutenir ce point de vue dans l’original, où l’arbre, les racines et les branches sont pris ensemble comme représentant le Brahman dans ses diverses manifestations. ↩︎
21:5 Selon le commentateur, dans le plus haut Brahman. ↩︎
21:6 Cf. Taitt. Up. II, 8, 1. ↩︎
21:7 Le commentateur traduit : « Si un homme est capable de comprendre (Brahman), alors même avant la décomposition de son corps, il est libéré. S’il n’est pas capable de le comprendre, alors il doit reprendre corps dans les mondes créés. » Je doute qu’il soit possible d’en fournir autant, et je préférerais lire iha ken nâsakad, bien que je trouve difficile d’expliquer comment un texte aussi simple a pu être mal compris et corrompu. ↩︎
22:1 Roer : « Comme sur une photo et au soleil ! ↩︎
22:2 Ils proviennent des éléments, de l’éther, etc. ↩︎
22:3 Buddhi ou intellect, cf. III, 10. ↩︎
22:4 Bien meilleur dans Svet. Up. IV, 20 : « Ceux qui le connaissent par le cœur comme étant dans le cœur, et par l’esprit, sont immortels. » ↩︎
22:5 Saṅkara explique apyaya par apâya. ↩︎
23:1 Ignorance, passion, etc. Cf. Mund. Up. II, 11, 10; II, 2, 9. ↩︎
23:2 L’enseignement du Vedânta s’étend jusque-là et pas plus loin. (Cf. Prasna Up. VI, 7.) Ce qui suit se rapporte, selon le commentateur, non pas à celui qui connaît le Brahman le plus élevé, car il devient Brahman immédiatement et ne migre plus ; mais à celui qui ne connaît pas pleinement le Brahman le plus élevé, et migre donc vers le Brahmaloka, recevant là la récompense de sa connaissance partielle et de ses bonnes œuvres. ↩︎
23:3 Cf. Khan. En haut. VIII, 6, 6. ↩︎
23:4 Il passe par la tête. ↩︎
23:5 Le commentateur dit : Il s’élève à travers le soleil (Mund. Up. I, 2, 11) vers un monde dans lequel il jouit d’une sorte d’immortalité. ↩︎
23:6 Svet. En haut. III. 13. ↩︎
24:1 Roer : « Comme une fibre provenant du pinceau d’un peintre. » ↩︎
24:2 Cette répétition marque, comme d’habitude, la fin d’un chapitre. ↩︎
24:3 Viraga, exempt de vice et de vertu. Il s’agissait peut-être de vigara, exempt de vieillesse. Voir cependant Mund. En haut. I, 2, 11. ↩︎
24:4 Cf. Taitt. En haut. III, 1; III, 10, note. ↩︎