Antar eut l’honneur d’accompagner à un mariage dans une tribu amie un groupe de femmes absiennes de haut rang, parmi lesquelles se trouvait la belle Abla, avec leurs suivantes. En chemin, des brigands les attaquèrent, mais Antar, s’écriant : « Par Abs ! Je suis toujours l’amant d’Abla ! » frappa les ennemis avec tant de coups d’épée que beaucoup furent tués et les autres s’enfuirent, consternés. Le retour du groupe après le festin de noces offrit au héros de nouvelles occasions de faire étalage de ses prouesses ; et après avoir rencontré plusieurs groupes hostiles et tué de nombreux cavaliers renommés, Antar ramena les femmes d’Abs en toute sécurité et en triomphe.
Shedad se réjouit naturellement de la renommée de son fils esclave et déclara même son intention d’anoblir Antar sur-le-champ ; mais il en fut dissuadé par son frère Malik, qui menaça de quitter la tribu si Antar était élevé au-dessus de la condition d’esclave. Et une nuit, alors qu’Antar, enhardi par le vin, se [195] présenta devant son père et réclama le rang de chef arabe, Shedad fut furieux de sa présomption et menaça de le tuer. Antar demanda conseil et protection à son ami le prince Malik, qui lui exprima son regret d’avoir ainsi offensé son père. Il y a beaucoup de nature dans la réponse d’Antar : « Ne me reprochez pas, mon seigneur, mon ambition, qui me vole souvent mon esprit et ma discrétion ; mais si je n’avais pas été ivre, cela ne serait pas arrivé, j’aurais caché mes désirs et subi patiemment mes malheurs jusqu’à ce que la mort m’ait atteint. Mais dans toutes les circonstances, tu es mon maître. Ah, mon seigneur ! » « continua-t-il, combien de fois les ai-je délivrés de leurs ennemis, et personne ne m’a jamais secouru ! Sache aussi que j’aime Abla, la fille de mon oncle Malik, et elle chasse le sommeil de mes paupières, et dans mes nuits sans sommeil je suis uni à elle ; mais mon père Shedad a coupé tout espoir, et malheurs sur malheurs m’accablent. Je n’ai demandé qu’à être reconnu comme son fils, pour pouvoir m’unir à elle ; mais vraiment tous mes espoirs en elle sont complètement détruits. Il ne me reste plus aucune joie, et la lumière du jour est l’obscurité de la nuit à mes yeux. Je n’ai pas de hutte au milieu des bêtes sauvages et des reptiles ! » Et des larmes jaillirent des yeux du héros tandis qu’il exprimait son angoisse et sa passion.
Le prince s’efforça d’apaiser la détresse d’Antar, en lui promettant son influence et sa protection, et Antar resta toute la nuit avec le prince Malik.