[p. 193]
Antar était devenu célèbre pour ses vers ainsi que pour sa force et son courage remarquables ; et, comme on peut facilement le supposer, il faisait des progrès considérables pour gagner l’affection de sa bien-aimée Abla. Mais aux yeux du père de la jeune fille, Malik, il était loin d’être un parti désirable ; et même sa mère ridiculisait la poésie amoureuse d’Antar et son amour pour sa fille. Un jour, elle lui demanda avec mépris de réciter quelques-uns de ses vers sur Abla, ce qu’il fit ainsi :
Je t’aime avec l’amour d’un héros de noble naissance, et je me contente de ton fantôme imaginaire.
Tu es mon souverain dans mon sang même, et ma maîtresse, et en toi est toute ma confiance.
Ô Abla, ma description ne peut pas te décrire, car tu comprends toute perfection.
Si je disais que ton visage est comme la pleine lune du ciel, où, dans cette pleine lune, est l’œil de l’antilope ?
Si je disais que ta forme est comme la branche de l’arbre erak : Ô tu lui fais honte dans la grâce de ta forme.
Dans ton front est mon guide vers la vérité, et dans la nuit de tes cheveux je m’égare.
Tes dents ressemblent à des bijoux enfilés ; mais comment puis-je les comparer à des perles sans vie ?
Ton sein est créé comme un enchantement ; — Ô que Dieu le protège toujours dans cette perfection !
Être connecté à toi c’est être connecté à chaque joie ; mais séparé de tout mon monde est le lien de ta connexion.
[p. 194]
Sous ton voile se trouve le bouton de rose de ma vie, et tes yeux sont gardés par une multitude de flèches : autour de ta tente se trouve un lion-guerrier, le tranchant de l’épée et la pointe de la lance.
Ô ton visage est comme la pleine lune du ciel, alliée à la lumière, mais loin de mes espoirs !
Ces vers éloquents ont tellement apaisé la mère d’Abla qu’elle a proposé de marier Antar à la servante de sa fille, Khemisa.
« Non ! » dit Antar hardiment, « je n’épouserai qu’une femme libre : et je n’épouserai personne d’autre que celle que mon âme adore ! »
«Que Dieu accomplisse tes vœux, murmura Abla, et qu’il t’accorde la femme que tu aimes, et que tu vives dans la paix et le bonheur!»