Chapitre II. De la loi, de la doctrine et de la vérité | Page de titre | Chapitre IV. De la communion et de la renonciation |
L’Homme parfait est celui qui a pleinement compris la Loi, la Doctrine et la Vérité ; ou, en d’autres termes, celui qui est doté de quatre choses parfaites : 1. De bonnes paroles ; 2. De bonnes actions ; 3. De bons principes ; 4. Les sciences. C’est le devoir du voyageur de se doter de ces choses en perfection, et ce faisant, il se dotera de la perfection.
L’Homme Parfait a eu plusieurs autres noms D’autres titres qui lui ont été attribués, tous également applicables, à savoir : Ancien, Chef, Guide, Enseignant inspiré, Sage, Vertueux, Parfait, Perfecteur, [1]Balise et Miroir du monde, [p. 12] Puissant Antidote, Puissant Élixir, 'Isà le Ressuscitateur des Morts, Khizar le Découvreur de l’Eau de Vie, et Salomon qui connaissait le langage des Oiseaux.
L’univers a été comparé à une seule personne dont l’homme parfait est l’âme ; et aussi à un arbre dont l’humanité est le fruit et l’homme parfait la moelle et l’essence. Rien n’est caché à l’homme parfait ; car après être parvenu à la connaissance de Dieu, il a atteint celle de la nature et des propriétés des objets matériels, et ne peut désormais trouver de meilleur emploi que d’agir avec miséricorde envers les hommes. Or, il n’y a pas de meilleure miséricorde que de se consacrer à la perfection et à l’amélioration des autres, à la fois par le précepte et par l’exemple. C’est ainsi que le Prophète est appelé dans le Coran « une miséricorde pour l’univers » (Cor. cap. 21, v. 107). Mais malgré toute sa perfection, l’homme parfait ne peut satisfaire ses désirs, mais passe sa vie dans un renoncement constant et inévitable à lui-même : il est parfait en connaissance et en principe, mais imparfait en faculté et en pouvoir.
Il y a eu des hommes parfaits qui ont possédé le pouvoir, comme celui qui réside dans les rois et les dirigeants ; mais un examen attentif de la faible étendue des capacités de l’homme montrera que sa faiblesse est préférable à son pouvoir, son manque de faculté préférable à sa possession de faculté. Les prophètes et les saints, les rois et les sultans ont désiré beaucoup de choses et n’ont pas réussi à les obtenir ; ils ont voulu éviter beaucoup de choses et on les leur a imposées. L’humanité est composée de parfaits et d’imparfaits, de sages et de fous, de rois et de sujets, mais tous sont également faibles et impuissants, tous passent leur vie d’une manière contraire à leurs désirs ; l’homme parfait le reconnaît et agit en conséquence, et, sachant que rien n’est meilleur pour l’homme que le renoncement, il abandonne tout et devient libre et à loisir. Comme auparavant il avait renoncé à la richesse et à la dignité, il renonce maintenant à la fonction d’ancien et à la fonction d’enseignant, estimant la liberté et le repos au-dessus de tout. En fait, bien que le motif allégué pour l’éducation et le soin des autres soit un sentiment de compassion et un souci de discipline, la véritable motivation est l’amour de la dignité : comme le dit le Prophète : « La dernière chose qui soit retirée aux chefs des justes est l’amour de la dignité. » J’ai dit que l’Homme Parfait doit être doté de quatre qualités de perfection ; maintenant, l’Homme Parfaitement Libre doit avoir quatre qualités supplémentaires, à savoir le renoncement, la retraite, le contentement et le loisir. Celui qui possède les quatre premières qualités est vertueux, mais non libre ; celui qui possède les huit qualités complètes est parfait, libéral, vertueux et libre. De plus, il existe deux catégories d’Hommes Parfaitement Libres : ceux qui ont renoncé uniquement à la richesse et à la dignité, et ceux qui ont renoncé en outre à la fonction d’ancien et à la fonction d’enseignant, devenant ainsi libres et à loisir. Ceux-ci se subdivisent en deux classes : ceux qui, après le renoncement, la retraite et le contentement, choisissent l’obscurité, et ceux qui, après le renoncement, choisissent la soumission, la contemplation et la résignation ; mais le but des deux est le même. Certains auteurs affirment que la liberté et le loisir consistent dans la première voie, tandis que d’autres soutiennent qu’ils ne se trouvent que dans la seconde.
Ceux qui choisissent l’obscurité sont mus par la connaissance que les ennuis et les distractions sont les accompagnateurs invariables de la société ; c’est pourquoi ils évitent de recevoir des visites et des cadeaux, et les craignent comme des bêtes venimeuses. L’autre classe, qui adopte la soumission, la résignation et la contemplation, le fait parce qu’elle perçoit que la plupart des hommes ignorent ce qui est bon pour eux, sont insatisfaits de ce qui est bénéfique et se réjouissent de ce qui leur est nuisible ; comme le dit le Coran : « Peut-être détestez-vous ce qui est bon pour vous et aimez-vous ce qui vous est nuisible » (Cor. cap. 2, v. 213). C’est pourquoi ils se retirent de la société au même titre que l’autre classe, se souciant peu de ce que le monde peut penser d’eux. Les éminents soufis sont divisés sur la question de savoir laquelle de ces deux voies doit être préférée.
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11:1 En persan Jám i Jehán numá, la coupe légendaire de Jemshîd, à la p. 12, dans laquelle se reflétaient tous les événements qui passaient ; et 'Aïna e Jehân-numá, le miroir d’Alexandre le Grand, censé posséder les mêmes propriétés singulières. ↩︎